les promesses non tenues
Par humeurs - Lien permanent
Ma mésaventure de pizza n'a l'air de rien comme ça, mais elle participe beaucoup de la baisse de mon moral ces derniers jours : Des tas de petites emmerdes, pas des masses de petits plaisirs et surtout une promesse non tenue.
Je ne sais pas si vous vous souvenez de la fois où je n'ai pas reçu mon piano et du coup que ça a donné à mon moral dans les semaines qui ont suivi. Ça peut paraître idiot, mais il y a un fond là dessous. Un traumatisme d'enfance.
Quand j'étais tout môme, tout miniature, mon père était parti. J'ai déjà parlé de mon rapport problématique à tout ce qui relève de l'abandon depuis. Là, c'est un petit peu vicieux aussi : J'ai passé à peu près tous les samedis après midi et toutes les vacances de mon enfance à attendre mon père, à avoir des attentes. Ah chouette, on va faire ça, et ça, et ça !
Tout ce qui était prévu comme réjouissances lorsqu'il devait passer nous prendre à quatorze heures.
Tout ce qui tombait à l'eau quand il arrivait à 19h30.
Depuis ça me fait mal. Être tout content de recevoir ma première pizza livrée à domicile et ne rien voir arriver, ça me fait mal. Me réjouir de l'arrivée d'un piano et devoir encore attendre deux mois, ça me fait mal. Évidement, ne pas avoir de pizza est une bêtise sans importance, mais ça remue quelque chose de douloureux tout au fond. Quand j'attends un plaisir, je suis comme un gamin, je suis en mode gamin. Quand il n'arrive pas, c'est le gamin que j'étais qui se prend une déception de plus dans la gueule. La rupture, c'était la promesse de notre vie à deux qui disparaissait. Après la rupture, il y a eu un copain de mon ex, un que j'aimais bien, qui m'a promis de m'appeler pour qu'on aille se boire des coups tous les deux. En ne tenant pas sa promesse, celui-là m'a fait plus mal que tous ceux qui ont simplement oublié mon existence.
Que ça soit grave ou pas, ça ne joue même pas vraiment. À cause de ce que ça remue, c'est le principe même qui est difficile. À cause de la profondeur où c'est enfoui, le comprendre ne m'aide pas vraiment à ne pas le ressentir.
Chaque promesse non tenue, petite ou grande, c'est un après-midi de mon enfance assis sur le canapé à attendre qui recommence.
Commentaires
Merci pour ce beau texte qui met des mots sur mes propres attentes et insatisfactions que j'ai appris à éviter ou atténuer au fil des années.
Mais il n'est pas facile de laisser du temps au temps. Parfois même le château de carte patiemment construit s'écroule parce que quelqu'un a ouvert la fenêtre.
Il faut bien ouvrir la fenêtre pourtant...
c'est beau. Triste mais beau.
Juste envie de te dire : je ne fais jamais de promesses mais je les tiens toujours...
je ne fais jamais de promesses mais je les tiens toujours... C'est ce que fait Xave aussi.
Dis, Xave, quand tu dis que c'est parce que tu préfères te réserver au cas où mieux se présenterait que tu ne promets jamais de venir, tu es sûr que c'est la seule raison ?
Quoi, je n'ai jamais développé ça ?
Tu n'as jamais fait de lien direct (en tout cas dans nos conversations ou ici, pour autant qu'il m'en souvienne) entre tes non-engagements de rendez-vous entre amis et ce que tu dis ici ou dans le billet mis en lien. Ce que tu évoquais sur ce sujet précis a toujours été que c'était la peur de passer à côté de mieux.
Ce texte me touche et aide à comprendre pourquoi, parfois, les gens font tout un fromage d'un truc insignifiant (et cela aurait tendance à m'agacer, sauf que... derrière le fromage de la pizza, il y a un petit garçon sur un canapé. Et ça change tout.)
Pour une fois, je ne te suis pas, PT. Oui c'est triste, éminent triste, mais non, ce n'est pas beau. Se vivre encore comme un petit garçon inconsolable, ça ne peut pas être pas beau ; on ne peut pas contempler ça avec ce déchirement nostalgique et sympathique (au sens étymologique du terme), même si ces confidences remuent chez tous de vives émotions (moi la première). Il faut réagir, trouver quelque chose pour reprendre prise parce que c'est trop douloureux. Si une pizza peut faire autant de mal, je ne trouve pas ça beau.
Je ne crois pas qu'on répare ses traumatismes en retrouvant un jour, à l'identique, ce qui nous a manqué, ce(ux) qui a fait défaut. Mais la première piste que j'aie trouvé personnellement, c'est celle qui ne dépend que de moi, puisque je ne peux ni remonter le temps, ni compter sur le hasard, ni prendre un autre humain en otage pour exiger réparation (j'ai bien essayé, j'ai même fait des stages en Colombie mais ça n'a pas porté ses fruits !! ). Elle consiste à changer SON propre regard sur soi et sur son histoire. Prendre de la distance, essayer de se "sortir de soi" pour regarder cette souffrance comme une VRAIE souffrance, une qu'on ne mérite pas, une qu'on ne peut pas accepter, une qui n'est pas une fatalité. Je ne sais pas si c'est pareil pour tous, mais j'ai constaté qu'à force de vivre avec ces vieilles douleurs, oui on souffre, mais malgré tout, on les accepte comme une part de nous, comme des compagnes de routine. Comme quelque chose d'indéfectible.
Et puis un jour, parce qu'on a mis le doigt sur "la" cause comme tu l'as fait, parce que le reste de notre vie a changé en mieux, parce qu'on a grandi et qu'on est capable de vivre sans cette sombre mais confortable béquille (et rassurante, si paradoxal que cela puisse paraître), parce qu'on est prêt à prendre le risque d'être heureux, parce que tant d'autres éléments convergent pour nous y pousser, on regarde notre histoire et on ne trouve plus ça normal de souffrir pour ça. On voit cet élément qui fait tâche et là, c'est le bon moment pour prendre le risque de démêler l'écheveau. Qu'est ce que ça me permet, qu'est ce que ça m'épargne, de continuer à être cet enfant inconsolable AUJOURD'HUI ?
La route est longue, Xave, on ne "guérit" pas de son enfance assurément, mais peu à peu, on peut apprendre à la remettre à sa place. Et ces souffrances, une fois dépassées, ne te rendront que plus humain et plus fort encore. Fonce.
Pour les promesses en fait j'ai été si vite confrontée au fait que le plus souvent les gens ne les tiennent pas (ils promettent souvent sur une impulsion généreuse que les circonstances usent), qu'en fait je fonctionne à l'inverse : un joyeux émerveillement chaque fois que quelqu'un tient ce qu'il a annoncé.
En revanche je traîne au sujet du silence subit subi le même genre de blessure ancienne que chaque réédition fait saigner. Alors je comprends ta sensibilité aux promesses volatilisées.
Tes propos ont réveillé quelques souvenirs, certains assez récents — suis pas encore grand, c'est pour ça — mais j'ai dans l'idée que les parents ne doivent pas être infaillibles, et que ce n'est pas une si mauvaise chose que d'apprendre très tôt que la parole donnée n'est pas gravée dans le marbre. On me souffle que ça s'appelle la frustration.
J'accorde beaucoup d'importance à la parole donnée, la mienne en premier, mais l'expérience m'a montré que je ne partage pas ce point de vue avec tout le monde.
Et puis finalement, avons-nous réellement passé tout ce temps à attendre sans rien faire ? Sans rien vivre ? Je ne crois pas.
Ce que je trouvais beau, Emma, c'était l'expression du ressenti... Le texte. La dernière phrase, surtout.
Sinon j'en connais un qui pourra te dire que je lui ai dit "et maintenant que tu le sais, tu fais quoi pour que ça change ?"...
(j'avais bien compris PT, c'était un peu de la provoc de ma part... mais pas tant que ça en fait : un texte, ça n'est pas que la forme, c'est aussi (surtout) le fond. Et je maintiens qu'on ne ne peut pas regarder cette douleur de fond en disant "c'est beau" ;-) Sinon comment veux-tu que j'aie l'air crédible avec mon histoire de regard sur la souffrance après ?? :-D
Bon sinon, j'ai écrit vite et y'a plein de coquilles, mes excuses ! )
Emma, ce n'est pas la première fois que tu fais cette erreur d'appréciation de croire que je me complais dans l'état que je décris et ne fais rien pour en sortir. Non seulement je fais un gros travail sur moi pour avancer (et la verbalisation que j'opère régulièrement ici en est une des manifestations) mais mes retours en arrière réguliers viennent aussi de ce que la tête a bien décidé de remettre ces fonctionnements là à leur place justement et que je me force à aller de l'avant alors que l'inconscient et le ressenti ne réussissent pas à suivre.
C'est marrant, je ne lis pas ce commentaire (ou d'autres) d'Emma comme ça. Plutôt comme une contribution à la réflexion, un ricochet.
Tiens, spas impossible. Alors on va dire que ce n'est pas la première fois qu'elle m'explique des choses que je sais déjà (mais elle ne peut pas le savoir.) :)
Explication ou reformulation ?
Il me semble que plus on reformule, plus on évite des erreurs d'interprétation. Je suis convaincu que tous ces échanges permettent de rebondir, de préciser, d'affiner et même de mettre en place un référentiel commun.
Ah non, je ne pensais pas du tout du tout que tu te complaisais et je suis désolée si je parle un peu inutilement. Je voulais juste te faire partager un chemin que j'ai déjà parcouru, au cas où tu pourrais y trouver des éléments qui te seraient utiles.
Je te présente des excuses si je suis maladroite ; effectivement on ne se connaît pas "en vrai" d'où certains écarts, et surtout, j'ai l'horrible défaut de supporter assez bien la franchise, donc de penser qu'on peut tout dire... ou presque. Vraiment et sincèrement désolée si je t'ai un peu vexé...
C'est déjà beaucoup de le voir, je crois ... l'enfant qui est blessé. Un premier pas qui me paraît énorme. Je l'ai fait il y a peu de temps, ton texte dit mieux ce chemin que je ne pourrais.
Et puisque c'est cet enfant qui est blessé, c'est de lui dont nous devons prendre soin ... pas de remède magique de mon côté, mais depuis que j'en ai pris conscience, les choses évoluent tranquillement en moi.
"le comprendre ne m'aide pas vraiment à ne pas le ressentir"
Et ca c'est un sentiment drolement énervant je trouve ! On s'est fatigué à bien demonter le truc, le disséquer en tout petits morceaux bien clairs, et ca semble ne pas faire avancer le schmilblick, ou atténuer le mal... grrr
En tout cas, moi je me retrouves bien dans le texte d'emma. Je suis dans une période de ma vie où je cours tellement, professionellement et pour m'adapter à ma nouvelle vie (enfin..plus si nouvelle que ça, mais je me sens toujous en décalage) et je n'ai plus le temps de réflechir, de ressentir, je me sens toujours en réaction, en urgence. Et des fois j'oublie un peu tout le chemin que j'ai déjà fait, j'ai parfois peur de revivre des situations, des déceptions, des manques, alors que je devrais savoir que si cela ne m'a pas tué lorsque je les ai vécu, ce n'est pas ce rappel, ce souvenir, qui va pouvoir m'abattre...
...mais si tu veux, je viens avec toi pour y casser la gueule à ces (non-) livreurs de pizza ;-P