J'veux d'l'amour

Putain, c'est quand même dur à écrire, ces mots là.

J'ai parlé il y a quelque temps du syndrome de l'imposteur. Il ne m'est apparu que récemment qu'il n'était pas limité à ma vie professionnelle : Je ne sais pas jusqu'où il peut s'étendre, ma seule certitude à ce stade de mes réflexions, c'est qu'il est bien présent dans ma vie amoureuse. ce Elle est trop bien pour moi, qui m'a été reproché lors de ma dernière relation mais qui est une vieille connaissance, cachait sans doute plus prosaïquement un Un jour, elle va se rendre compte que je ne suis pas aussi bien qu'elle l'a cru au départ.

Oui, l'idée est la même, il s'agit toujours de se déprécier, mais ça a quelque chose de plus vicieux. Hors le fait que la rupture semble entériner cette vision des choses, on comprend bien l'effet épée de Damoclès qui me fait merder complètement dès que j'ai l'impression qu'en face de moi il y a le moindre doute.

Jusqu'où vais-je devoir remonter pour comprendre l'origine de ce dysfonctionnement ? J'ai cru pendant des années qu'il fallait remonter à ma pré-adolescence, quand j'étais un gamin délicat plus copain avec les livres qu'avec les enfants de son age, partant cible idéale pour les petites brutes de l'école.

Il m'est apparu brusquement lors des discussions post-rupture avec Julie que cette explication, dont je me contentais depuis des années, était peut-être un rien simpliste et qu'il fallait chercher un peu plus loin. Ceux qui suivent savent que ce n'est pas facile, puisque je n'ai pratiquement aucun souvenir d'avant mon adolescence. D'où viennent alors les mots qui me sont sortis des lèvres sans s'annoncer ?

Parce que mon père m'a abandonné.

Je ne sais même plus de quoi nous parlions, je sais juste que ça s'insérait parfaitement dans la conversation, je sortais juste un ressenti qui était là prêt à prendre mais que je n'avais jamais voulu voir. Mon père m'a abandonné.

Il n'y a pas loin à chercher pour comprendre pourquoi je ne l'avais jamais réalisé : j'ai toujours connu mon père. Ma mère et lui se sont séparés très tôt - encore que la rupture ait mis près de dix ans à être franche - mais il n'a jamais disparu de ma vie : il était parfois là le soir, il nous voyait pour les week-ends, une partie des vacances et puis il retournait voir sa maîtresse. Moi, gamin, je n'ai jamais bien saisi ce fonctionnement-là, simplement je savais que j'avais un père, et des fois je le voyais. Je sais, par des histoires qu'on m'a racontées car je n'en ai aucun souvenir, que j'ai contesté très tôt son autorité (Si tu viens juste pour m'engueuler sur mon bulletin, c'est pas la peine, tu peux repartir.) mais je n'étais pas orphelin.

Et comme il a toujours été dans les parages, je n'ai pas réussi à me rendre compte avant très récemment de la façon dont je l'avais ressenti, gamin. Mon papa m'a abandonné. Avec la question absolument énorme, qui me pesait sans même que je sache son existence : Pourquoi mon papa il m'aime pas ?[1]

Je crois que ça explique beaucoup de mes comportements limite, pas forcément les plus agréables : j'ai désespérément besoin qu'on m'aime. Parce que dans tous mes rapports sociaux, amicaux ou amoureux, il y a un petit garçon qui a peur d'être abandonné.

Notes

[1] Aujourd'hui, je continue à voir mon père de trop loin en trop loin. Je l'aime et il est évident qu'il m'aime. C'est juste que nous ne vivons pas tout à fait sur la même planète.

Commentaires

1. Le mercredi 18 juin 2008, 20:08 par Missy'V

Tu réussis à publier des mots qui ne sont pas faciles à écrire ni même à penser, c'est déjà beaucoup.

Malheureusement, même en connaissant l'origine de nos comportements "défectueux", nous ne parvenons pas à en changer d'un coup de baguette magique.

C'est dommage et en même temps, ça nous permet d'évoluer, de se remettre en question et de se positionner autrement.
Ca devient comme un voyage ou ce n'est plus la destination qui compte mais le chemin.

Hier, je faisais étudier mon neveu de 11 ans qui avait une poésie à étudier pour ses ''bilans:

"Si un enfant vit dans la critique,
Il apprend à condamner.

Si un enfant vit dans l’hostilité,
Il apprend à se battre.

Si un enfant vit dans le ridicule,
Il apprend à être gêné.

Si un enfant vit dans la honte,
Il apprend à se sentir coupable.

Si un enfant vit dans la tolérance,
Il apprend à être patient.

Si un enfant vit dans l’encouragement,
Il apprend à être confiant.

Si un enfant vit dans la motivation,
Il apprend à se faire valoir.

Si un enfant vit dans la loyauté,
Il apprend la justice.

Si un enfant vit dans la sécurité,
Il apprend la foi.

Si un enfant vit dans l’approbation,
Il apprend à s’aimer.

Si un enfant vit dans l’acceptation et l’amitié,
Il apprend à trouver l’amour dans le monde.''

(Dorothy Law Nolte)

Il n'est jamais trop tard pour être un enfant heureux ;-)

2. Le mercredi 18 juin 2008, 21:57 par gilda

Il est intéressant ce texte, même si pour moi il vient un peu tard pour que j'en apprenne grand-chose, merci Missy'V.

L'abandon est effectivement une piste possible d'explication du fait de se sentir si mal après une rupture. J'en ai appris l'an passé une autre plutôt chimique, il faudrait que je remette la main dessus. Elle expliquait en particulier le fait qu'on puisse osciller à ce point entre des moments où l'on se dit, tiens ça y est je vais mieux j'ai tourné la page enfin et d'autres où sans cause objective visible soudain à nouveau on s'effondre et tout est à recommencer de se dire, maintenant c'est sans lui (ou elle). Comme disait un de mes amis Pierre "Tenons bon".

3. Le jeudi 19 juin 2008, 10:26 par xave

Missy'V> Soit tu as bien suivi, soit tu es tombé pile sur quelque chose. À voir dans quelques jours ici même.

Gilda> Il peut de toutes façons y avoir pléthore de raisons, plus ou moins imbriquées. Mais ce que j'ai écrit n'a qu'un rapport périphérique avec la rupture, que je ne cite ici qu'à titre de révélateur (et aussi parce que les deux premiers paragraphes ont été rédigés voilà quatre mois de ça.) C'est bien plus large qu'une (si j'ose dire) simple rupture.

4. Le jeudi 19 juin 2008, 17:35 par Petit nid pas si douillet

Pourquoi l'intérieur de la tête du Xave il ressemble trop à mon intérieur à moi ? Prablement pasqu'on doit être un paquet à loger nos neurones dans le même genre d'appartement. Ce qui n'est en rien une consolation...

(Et je signe d'un pseudo à la noix pasque j'ai envie, nanmèhô.)

5. Le vendredi 20 juin 2008, 06:27 par Missy'V

Je tâche de bien suivre, en essayant de mettre mes souffrances similaires de coté afin qu'elles n'interfèrent pas dans un commentaire qui se veut être constructif/positif.

Gilda> il est aussi intéressant de l'apprendre aux autres et de le mettre en pratique pour les enfants que nous cotoyons.

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