Doublement exceptionnel
Je vous demande un peu de mansuétude, parce que je vais dire des gros mots. Non, pas des gros mots, disons un seul, et même pas tellement un gros mot d’ailleurs, simplement il est très connoté et devrait amener dans votre esprit tout un tas d’images. Fausses.
Il y a quelques années, j’ai vécu une rupture. Ça arrive à tout le monde tout le temps, mais cette fois-là, c’est tombé quand il ne fallait pas et ça a été un explosion en vol comme je n’en ai connu qu’une paire dans ma vie. Mais comme, justement, ce n’était pas la première, je savais qu’il fallait que je nage vers la lumière et j’ai commencé une thérapie, qui a duré trois ans, et à l’issue de laquelle j’étais de nouveau à peu près fonctionnel, mais très conscient que ce n’était qu’une première étape et que j’avais besoin de comprendre un peu mieux mon propre fonctionnement pour assainir mes bases. Non pas d’ailleurs que cette recherche ait été nouvelle chez moi, mais je sortais justement de quelques années où je l’avais mise en veille.
Entre autres pistes, je m’étais lancé pendant la thérapie sur une que j’avais découverte , dans un bouquin où je me suis reconnu à 98%. Les deux pour-cents qui manquaient venaient, pour l’un, de la description et demie où je ne me reconnaissais pas. Pour l’autre d’un pré-requis à l’ensemble du concept que je ne retrouvais pas chez moi : ça parlait de gens intelligents.
Alors bon, moi j’ai toujours été prêt à admettre qu’il est possible de trouver quelqu’un de plus bête que moi en cherchant un peu, mais ça n’allait pas plus loin. Trouver une description de ma manière de fonctionner aussi juste, mais avec le présupposé que j’avais un cerveau qui dépote, ça m’apparaissait un peu suspect. Tellement suspect que j’ai arrêté d’approfondir le sujet en attendant - car une fois de plus, je ne me jugeais pas apte à poser un diagnostic moi-même - que des gens qui s’y connaissent un peu plus veuillent bien me donner leur avis.
J’avais la chance d’avoir pas loin de chez moi un organisme spécialisé dans le concept en question, je me suis tourné vers eux et j’ai fait une demande de diagnostic officiel, qu’ils m’ont donné après quelques rendez-vous :
Je suis surdoué.
Oui, je vous vois rire. C’est là que je demande votre indulgence, parce que je sais très bien à quoi on pense en entendant ce mot, et surtout en entendant quelqu’un dire qu’il l’est. Le mot est tellement pourri qu’on a décidé plus ou moins de le remplacer ; maintenant, pour provoquer moins d’attente, on doit dire haut potentiel. C’est tellement mieux.
Bon, on n’est pas non plus en face d’un super-pouvoir. Dans la pratique, ça veut juste dire:
- Une grande sensibilité.
- Une tendance à mettre les curseurs à fond pour tout ce qui est ressenti.
- Un mode de fonctionnement en arborescence plutôt que linéaire.
- Un QI fort correct[1] (pré-requis)
C’est hyyyyyper-raccourci, mais je n’aime pas tellement m’étendre sur le sujet. Le sur- dans surdoué fait croire à tout le monde qu’on parle en termes de supériorité et c’est une connerie sans nom : un grosse partie des gens concernés ne réussissent jamais à savoir vraiment où ils vont ni qui ils sont, et pour beaucoup, ça amène une inadéquation avec le monde, et surtout avec tout ce qui est scolaire, qui entraîne une idée qui paraît absolument évidente : je ne suis pas très malin (voire complètement con).
Ce diagnostic là m’a permis de continuer à chercher dans cette direction, et puisqu’il venait de professionnels de la profession, je l’ai accepté, même si je me suis demandé très longtemps où était ce QI qu’on m’avait donné sur le papier mais que je ne sentais pas tellement dans la vie de tous les jours.
J’ai compris récemment en découvrant le terme, et le concept, de Twice Exceptional, doublement exceptionnel. Il n’y a pas beaucoup de choses en français là-dessus[2] mais le concept est simple : Gifted and Learning Disabled, surdoué avec une autre condition qui amène des difficultés d’apprentissage. Dans mon cas, bien entendu, le syndrome d’Asperger. Ce QI dont j’avais perdu la trace a toujours été là, simplement occupé à compenser les difficultés du handicap. Doublement exceptionnel, parce que j’ai deux particularités[3] qui s’appuient l’une sur l’autre, qui se compensent, qui - dans une certaine mesure - s’annulent.
Doublement exceptionnel, donc, d’une façon qui me rend simplement banal.
(photo : Who’s there?)
Notes
[1] Dont la valeur n’a ici aucun intérêt: l’autisme faussant complètement la donne (à cause des questions que je ne comprends pas).
[2] Pour d’autres raisons, de toutes façons, l’anglais est depuis quelques temps ma langue principale.
[3] On parle d’un côté comme de l’autre d’environ 1% de la population. Je n’ai pas de chiffres sur la corrélation entre les deux, mais elle est relativement forte.
Publié le 06/05/14, dans la rubrique Bordel dans ma tête.
Commentaires
1. Par Deux ailes, le 06/05/2014 à 10:40
2. Par Melleisa78, le 06/05/2014 à 10:52
3. Par Araignée, le 06/05/2014 à 10:59
4. Par Xavier, le 06/05/2014 à 11:05
5. Par xave, le 06/05/2014 à 11:14
6. Par saymonz, le 06/05/2014 à 11:34
7. Par xave, le 06/05/2014 à 11:37
8. Par Xavier, le 06/05/2014 à 12:31
9. Par Araignée, le 06/05/2014 à 12:37
10. Par Sacrip'Anne, le 07/05/2014 à 10:11
11. Par Pep, le 07/05/2014 à 22:58
12. Par M. LeChieur, le 08/05/2014 à 16:32
13. Par Notre Conscience, le 26/05/2014 à 16:28