Le syndrôme de l'imposteur
Celui-là, ça fait tellement longtemps que je le tourne dans ma tête que je ne sais absolument plus comment j’en suis venu à découvrir son existence, partant son adéquation à mon cas. Ce n’est pas quelque chose de très compliqué à exprimer, je l’ai trouvé décrit sous le nom de complexe de l’autodidacte. Les deux noms sont intéressants, l’un aide ceux qui en souffrent à se rendre compte qu’il s’agit de quelque chose qui les concerne, l’autre donne d’emblée une vision claire d’une de ses causes principales.
J’ai pour ma part découvert à peu près vers l’époque où j’ai eu ma première certification, laquelle m’a laissé sur le cul, puisque je n’étais pas censé l’avoir du tout. Le premier à en être persuadé, d’ailleurs, c’était moi. Pourquoi ?
Je vous pose le décor (les habitués n’ayant rien à y découvrir, je leur conseille d’enjamber allégrement les deux ou trois prochains paragraphes.)
J’ai fait une scolarité toute pourrie : fort en primaire sans me fatiguer, moyen au collège sans me fatiguer, mauvais au lycée sans me fatiguer. Catastrophique en supérieur sans me fatiguer. C’est simple, dès la fin de mes années lycée, c’était le plus souvent une arrivée à huit heures pour dire bonjour aux copains, suivie directement d’un départ au café. On ajoute dessus de forts errements post-baccalauréat dûs principalement à une conception de l’assiduité scolaire qui ne s’est jamais démentie, et me voilà sur le marché à un age avancé, sans expérience comme il sied à un débutant, mais surtout sans diplôme aucun.
En arrivant sur le marché du travail avec un tel passif, je cumulais deux handicaps majeurs : le premier était d’avoir un CV à faire fuir tout employeur potentiel, le deuxième était d’avoir fini par accepter que la fumée de tous ceux qui me répétaient depuis des années que j’étais un bon à rien cachait forcément un feu du même bois quelque part.
Et puis j’ai commencé à bosser, et ça ne s’est pas si mal passé que ça ; ma seule période de chômage n’a duré que deux mois, et les postes que j’ai trouvés étaient plutôt intéressants. Sans détailler le parcours, disons que je suis arrivé assez vite à un poste assez costaud, où mes collègues sont tous beaucoup plus diplômés que moi, tout comme d’ailleurs la majeure partie de l’équipe en dessous de la mienne. Le tout sans aucune validation d’acquis évidemment.
Du coup, j’ai passé des années à attendre le couperet : il me paraissait évident qu’un jour, quelqu’un allait s’apercevoir que je n’étais pas à ma place. Je vous avoue que c’était lourd à porter, quand même, d’aller bosser le matin en se disant systématiquement Tiens, c’est peut-être aujourd’hui qu’ils vont me demander un truc, s’apercevoir que je n’en suis pas capable, et dérouler tous les fils pour se rendre compte réellement que je n’ai pas le niveau et qu’ils doivent se débarrasser de moi.
Ça vous dit quelque chose ? Vous n’êtes pas seul !
Quand il y a environ un an, j’ai lu je ne sais plus où ce terme de Syndrôme de l’imposteur, j’ai fait quelques recherches et je me suis aperçu que c’était assez reconnu, comme pathologie, ça a été une révélation. Ça peut arriver à n’importe qui arrivant à un poste plus élevé que ce pour quoi il a été formé, surtout si autour de lui il se trouve des gens qui ont suivi, eux, les formations adéquates.
Ça arrive, et ce n’est pas si rare. Le savoir est la meilleure chose qui puisse vous arriver, histoire de comprendre ce sentiment permanent qui vous dit que vous êtes une merde qui vole sa place et qui sera bientôt découverte. Une fois que vous aurez bien compris ça, vous comprendrez peut-être que vous ne serez pas forcément bientôt découvert, parce que vous ne volez peut-être pas votre place, parce que si ça se trouve, aussi incroyable que ça puisse paraître, vous n’êtes peut-être même pas une merde. Dingue, non ?
C’est effectivement le complexe de l’autodidacte qui joue à plein : sans validation d’acquis, votre inconscient reste toujours prisonnier de l’idée que vous êtes une bouse : Qu’est-ce que je fous là ? J’ai pas le droit…
Mais finalement, imaginez un instant que vous ayez raison et qu’effectivement, vous n’avez pas le niveau pour effectuer le job pour lequel vous êtes payés depuis des années, vous ne croyez pas que vous êtes quand même super balèze ? réfléchissez un peu : si ça fait des années que vous êtes tellement fort pour dissimuler votre incompétence, voire faire croire que vous avez le niveau, aux yeux de collègues et de chefs qui, eux, connaissent vraiment le boulot, est-ce que par hasard ça ne voudrait pas dire que finalement, vous n’êtes pas si mauvais que ça ?
Je n’aurais qu’un conseil : faites une validation d’acquis, quelle qu’elle soit. Croyez moi, vous allez être surpris.
Publié le 09/05/07, dans la rubrique Bordel dans ma tête.
(lire d'autres billets sur : ligne de vie zébrures )
Commentaires
1. Par Franck, le 09/05/2007 à 12:15
2. Par Pep, le 09/05/2007 à 12:16
3. Par xave, le 09/05/2007 à 13:44
4. Par Notre Conscience de son état, le 09/05/2007 à 18:33
5. Par xave, le 09/05/2007 à 20:11
6. Par biou, le 09/05/2007 à 22:44
7. Par LeChieur, le 09/05/2007 à 23:00
8. Par xave, le 09/05/2007 à 23:03
9. Par Notre Conscience, le 10/05/2007 à 14:09
10. Par xave, le 10/05/2007 à 14:59
11. Par Notre Conscience de n'avoir rien compris, le 10/05/2007 à 18:17
12. Par David, le 10/05/2007 à 20:19
13. Par sandrine, le 11/12/2007 à 11:09
14. Par xave, le 11/12/2007 à 23:06
15. Par sandrine, le 14/12/2007 à 10:36
16. Par saturi, le 18/12/2007 à 23:16
17. Par Emma, le 18/10/2009 à 17:26
18. Par L'intello du dessous, le 08/06/2012 à 08:23
19. Par LeChieur, le 09/06/2012 à 00:11
20. Par doubleportion, le 10/12/2015 à 16:26
21. Par xave, le 10/12/2015 à 16:29
22. Par Kozlika, le 10/12/2015 à 18:27