Métaphore

Il fait froid dehors

A frenchman in New York (enfin, Greenwich Village surtout.)

Lost bike

Aujourd’hui, je fais mes adieux à Alan, dont c’est le dernier jour, puis -on ne change pas une équipe qui gagne- je pars à pieds vers Soho, histoire de prendre quelques photos ratées, de faire un peu de shopping (Fichtre, ces chaussures sont jolies et de remonter doucement, direction Union Square, où je me retrouve en plein marché. Pas celui de Noël, l’autre, le marché au primeurs, et ça me rappelle évidemment la première fois que j’y suis passé, il y a quelques années ; sans-doute était-ce déjà un lundi. Il y a des produits pas mal alléchants, mais je me vois mal ramener des fruits et légumes en Europe, et puis je pars bientôt.

Orchad

Intégration : Ça fait plusieurs fois que quelqu’un me demande son chemin et je peste contre les touristes.
Monday, December 21, 2009 14:06

De là, je remonte un peu vers Madison Square, histoire si possible de faire des photos du Flat Iron un peu moins pourries que la dernière fois. Peine perdue : le soleil est derrière son meilleur profil, la lumière est toute pourrite. Bon, tant pis. À la place, je remonte un peu la cinquième à la recherche d’endroits où j’ai pris des photos il y a quelques années. Mine de rien, ça me fait quand même remonter et redescendre une quinzaine de blocs, avec de fréquentes incursions dans les rues adjacentes, et pas mal de piétinement à cause des hordes de touristes lents contre lesquels je peste (nous sommes dans les environs de l’Empire State Building.

Lumières arc-en-ciel

En faisant les comptes, ça fait une semaine que je marche dix à douze heures par jour (musées et visites compris, donc ça inclut des heures de piétinement) et deux jours que je patauge dans la poudreuse et les flaques de neige fondue, ça commence à se sentir : mes pieds et mes jambes irradient de douleurs différentes, mais complémentaires. Je crois que pour l’instant, le mieux est de n’y pas penser, je n’ai plus si longtemps à tenir.

Retour ensuite à Greenwich Village, je voudrais reprendre de jour les photos que j’ai prises de nuit l’autre jour. Là encore, ce n’est pas une réussite : finalement, les photos prises sans réfléchir resteront plus sympa que celles que celles sur lesquelles je me casse le cul. De nouveau, un couple de touristes me demande son chemin ; je dois vraiment faire couleur locale. Bon, puisque je suis juste à côté, il est temps d’aller boire un coup au Stonewall Inn.

Bud @ Stonewall Inn

Accoudé au comptoir du Stonewall Inn, ce n’est pas mon histoire, mais c’est de l’histoire.
Monday, December 21, 2009 14:22

J’en ai déjà parlé l’autre jour, quand je suis passé devant : Il y a eu ici en 1969 un descente de police alors que le bar était un bar gay tenu par la mafia[1] et la Gay Pride est issue des manifestations annuelles du souvenir des trois jours d’émeutes qui s’en sont suivies.

Je crois que c’est la première fois de ma vie que je rentre dans un bar gay. Si certains aussi inexpérimentés que moi se posent la question : ça ressemble à n’importe-quel autre bar, avec peut-être plus de drapeaux arc-en-ciel et une certaine thématique dans les flyers et les posters.

On sent bien que le soir, ça doit être assez agité, mais là, c’est plutôt calme : deux couples de filles assez jeunes et au comptoir, à côté de moi, une brochette de gars dans la cinquantaine, voire soixantaine. Des classiques habitués de café, mais qui parlent quand même vachement plus de bite.

Riot Please

C’est marrant : je n’ai pas vu bcp d’endroits à NY qui m’ont semblé si importants, globalement parlant (à part le WTC, mais c’est des barricades et des grues.)
Monday, December 21, 2009 15:13

2272

C’est vraiment bizarre parce que je suis venu à Ne York chercher de l’histoire et j’en ai trouvé plein, mais c’était surtout de l’histoire new-yorkaise. À part le World Trade Center, mais on a du mal à ressentir la porté globale du truc devant des palissades et des grues. Du coup, les émeutes de Stonewall, avec ce qu’elles ont entraîné dans la visibilité et petit à petit l’évolution des droits des gays, me semble un des endroits les plus historiquement importants parmi ceux que j’ai vus à New York. Je ne sais pas trop pourquoi, moi, qui ne suis pas concerné, je ressens ça comme ça, mais ici, en train de siroter tranquillement ma bière au comptoir, je ne peux m’empêcher de ressentir que je suis entouré d’un pan d’histoire qui compte[2].

Une quarantaine de minutes plus tard, je repars en balade dans la rue. Sauf que j’ai bu plusieurs Bud, et j’ai beau être allé plusieurs fois aux toilettes au Stonewall Inn[3], je me retrouve en train de danser. Et ici, pas de toilettes publiques, pas d’encoignures, une demie-heure se passe sans que je prête attention au monde qui m’entoure, jusqu’à ce que je trouve un parking rempli de congères m’offrant une intimité bienvenue. Je prête tellement peu attention au monde que ce n’est que plusieurs jours après mon retour, en fouillant le Streetview pour replacer précisément mes photos, que je me suis rendu compte que juste en face de mon parking, il y avait le Deli qui m’avait tant marqué en 2003 mais dont la situation géographique m’était totalement inconnue. C’est malin, il va falloir que j’y retourne, maintenant.

Premier pas à Brooklyn

Pourtant, en cherchant mon endroit tranquille, je suis aussi passé devant la façade du Musée du Feu, dont je me souvenais parfaitement (il y avait une vache de la Cow Parade, la dernière fois), tellement bien que je l’avais cherchée, mais j’étais persuadé que c’était une caserne dans Lower Manhattan. C’est quand même particulier, cette mémoire qui refuse de ranger les choses tant que je n’ai pas un bonne prise, tant que je ne fais pas attention à noter les détails et à quoi les choses se raccrochent. Voilà d’ailleurs un peu plus bas que je retombe sur un carrefour pris en photo il y a des années, et que forcément je reconnais immédiatement. Je commence à remettre le trajet complet que nous avions effectué dans le quartier.

Il faudra que je revienne tirer une ou deux choses au clair à ce sujet, mais là, je n’ai pas le temps : le crépuscule approche et j’ai autre-chose à faire qui attendait cette heure et cette lumière là, ailleurs. Me demandant où est la station de métro la plus proche, je sors mon plan, le regarde une minute, et la paire de copines qui discutaient derrière moi après s’être croisées par hasard sur le trottoir s’interrompt : Vous avéz bésoin d’aide ? Ah ben merde, je n’ai pas dit un mot, mon plan est local, qué ? Ça se voit à ce point que je suis français ? Oh, on en a beaucoup par ici. Tu parles que je suis original. À Greenwich, touriste = français, je note.

Après une semaine à 10~12h de marche par jour, je commence à avoir un peu mal aux jambes. C’est con, je pars à Brooklin à pieds là.
Monday, December 21, 2009 16:31

Quelques minutes plus tard, me voilà au pied du City-Hall, prêt à m’engager sur le pont de Brooklyn. C’est quand même grand, cette chose, l’autre soir j’ai tourné autour un bout de temps sans trouver l’accès piétons ; c’est facile : c’est tout au bout. C’est parti pour deux heures à voir la skyline passer par toutes les couleurs au fur et à mesure que le soleil se couche. Tous les guides disent bien que c’est à voir de préférence à la tombée de la nuit, tous les guides ont raison : ça a de la gueule. Ca peut sans doute se faire en moins de deux heures, remarquez bien, mais il y a des panneaux explicatifs sur l’histoire du pont et sa mise en contexte historique, j’ai une faiblesse pour cette petite chose. De plus, je suis allé au bout, tant qu’à faire, puisque j’avais prévu une journée à Brooklyn qui ne pourra pas se faire par manque de temps, que je puisse au moins dire que j’y ai mis les pieds (en plus, ça tombe bien, il faut que je retrouve une petite encoignure calme, saloperie de Bud !)

5:16

Oppidum Net in the dark Pier 17 Water Street Woolworth


Un peu plus tard, je suis de retour dans Greenwich, il n’est pas si tard mais il fait déjà nuit noire. J’essaie donc de recoller un peu les bouts dont je me souviens du trajet fait il y a des années, et je crois que j’en ai maintenant une idée assez claire. Pas suffisamment pour retrouver le supermarché où j’avais découvert que New York était une ville civilisée (il y avait du Nutella) mais assez pour me souvenir d’une autre boutique, un peu plus loin, enfin je crois. Dans un tabac, je demande ma route dans mon meilleur anglais, on me répond dans un français mâtiné d’un fort accent turc que c’est juste un peu plus bas. Ah ben merde, deux fois dans la même journée ? C’est vrai qu’ici j’ai parlé, comme me le confirme mon interlocuteur : Oui, ton accent, tout de suite on le reconnaît.

J’ai racheté des friandises à base d’insectes pour l’apéro du nouvel an.
Monday, December 21, 2009 19:40

Je retrouve en effet un peu plus bas Evolution, un magasin qui fait dans l’histoire naturelle : on y trouve en vrac des papillons, des ossements, crânes et squelettes en tout genres, des animaux empaillés, des météorites, cristaux et cailloux de toutes sortes, des maquettes médicales, des fossiles, bref, des tas de choses amusantes, en particuliers quelques insectes, dont certains dans des sucettes ou grillés et épicés, à déguster, en petits paquets à emporter. Nous avions eu l’occasion de tester les limites d’un copain à l’époque en lui en ramenant, aujourd’hui, j’ai plein de copains, alors je fais un petit stock[4]

Evolution

J’ai bien tourné dans le quartier, il est temps de continuer mon périple et d’aller voir tout ce qui reste sur ma liste, et ça fait un paquet. Je commence par un petit tour chez Macy’s, histoire de voir à quoi ça ressemble (c’est pratique, c’est ouvert 24/24 en période de fêtes). C’est vite vu : il n’y a à peu près rien ici qui m’intéresse, ce qui est balèze dans un magasin de cette taille (pratiquement le plus grand magasin du monde, quand même.) Très bien, je sais à quoi ça ressemble, je n’en demandais pas plus.

Je saute dans un nouveau métro pour rejoindre maintenant Grand Central, la gigantesque station de train dont le hall a vu le tournage d’à peu près 732027 films. Nous l’avions raté la dernière fois, et c’était d’autant plus rageant qu’en géo-localisant mes photos de l’époque il y a quelques mois, je me suis rendu compte que nous en avions pris plusieurs sur le trottoir qui est juste devant, sans songer à entrer, alors que nous n’avions qu’à pousser la porte.

St. Bartholomew

Transport hub No Peddling Grand Central Lexington Sitting on stairways is strictly prohibited 590 Madison Av.


En fait, comme je m’en rends compte ce soir, nous étions rentrés dans le bâtiment, mais pas dans le hall, non : dans le marché. Il y a l’intérieur de la gare une galerie avec un marché couvert, et c’est un autre des souvenirs que j’avais que je ne savais rattacher à rien. En m’y promenant, tout correspond à l’image que j’en avais gardé, mais pas un seul instant je n’aurais pensé à situer ça ici. Du coup, je me sens encore un peu plus idiot de n’être pas entré plus avant dans cette gare.

Christmas time is here again

Puisque j’en suis à essayer de recoller ensemble des souvenirs fragmentaires, je me remets en jambe la promenade du premier soir de l’époque, entre Park Avenue, Madison, la 42ème et la 57ème. Comme la luminosité est en plus à peu près identique, je retrouve énormément d’images que j’avais dans la tête, beaucoup mieux appréhendées maintenant que je comprends mieux la ville : je sais ce que je vois, ce ne sont pas simplement des impressions visuelles qui se télescopent.

En arrivant sur la 57ème rue, je passe devant ce qui fut notre hôtel à l’époque et qui visiblement a pris un sacré standing depuis : les clients que je vois sortir de la limousine ne ressemblent en rien aux touristes fauchés que nous étions à l’époque. Je n’aurais pas cru que j’attendrais d’être si prêt de la fin du séjour pour aller faire un tour du côté de ce qui fut notre camp de base, mais ce n’est pas non plus un quartier passionnant, je n’y suis venu que pour rafraichir certains souvenirs visuels.

Welcome Parade

Il commence à se faire vraiment tard et je songe à rentrer. C’est facile : je suis sur la cinquième, je n’ai qu’un bloc à faire vers l’ouest pour trouver une station du métro qui m’amènera directement à l’auberge. Mais là, c’est presque mon dernier soir, j’ai envie de marcher un peu. Je commence donc à descendre la cinquième en me disant que je prendrai la station suivante, à hauteur de la 49ème rue.

Douze heures de marche une fois de plus, je ne sens plus mes pieds, mes jambes font mal. Tiendrais-je un jour de plus ?
Tuesday, December 22, 2009 00:35

Arrivé à cette hauteur là, je me dis que j’ai encore envie de marcher un peu. Après tout, je n’en aurai bientôt plus l’occasion. En papillonnant un peu, en descendant l’avenue, en la remontant un peu parfois, en faisant quelques incursions dans les rues adjacentes, je finis, bien longtemps après, par me retrouver à Madison Square. Je n’ai toujours pas envie de rentrer, mais si je veux avoir accès à mes chargeurs pour pouvoir repartir tôt demain, je dois être à l’auberge avant minuit (plus tard, le personnel est couché.) Je me mets donc en quête d’une station de métro, mais vu le temps que je mets à la trouver, et l’état dans lequel me laisse la demie-heure de marche à pied supplémentaire, je me dis que finalement, c’était une bonne idée de ne pas terminer à pieds, je crois que je n’en aurais pas été capable[5].

Flat Iron at night

(Photos dispos sur la galerie sur Flickr.)

Notes

[1] On peut se faire une idée très précise de ce genre d’ambiance et de plan en regardant A Time To Hate, un épisode de Cold Case où on voit justement une descente de police dans un bar gay tenu par la mafia, qui normalement arrose la maréchaussée pour être prévenue avant chaque descente, exactement comme c’était le cas au Stonewall Inn (sauf qu’il n’avaient pas été prévenus ce fameux jour. Dans l’épisode de Cold Case, ça se passe en 1964, mais ça reste très proche.

[2] Le barman a du sentir que je venais chercher de l’histoire qui demande à ses vieux habitués s’ils ont connu les émeutes, mais visiblement, le seul qui était déjà gay à l’époque habitait au bout du monde, dans le New Jersey.

[3] Ouais, je vais dans les backrooms maintenant, je m’enhardis vite, hein ?

[4] Il m’en reste, pour ceux qui aiment ça.

[5] Par ailleurs, je me rends compte qu’alors que mon départ est dangereusement proche, j’ai passé ma première journée sans musée depuis mon arrivée.

-

Commentaires

1. Par Bbt, le 18/02/2010 à 19:04

Regarde ici le blog de Patrick Flandrin, dont je t'ai causé il y a peu. Photographe majeur à mes yeux. Comment fait-il, à supposer la photo prise ce matin, pour y donner autant de charme distant qu'aux décennies révolues ?

Ajouter un commentaire

URL de rétrolien : https://xave.org/trackback/4622