Ellis & Popa
Par Découvrir - Lien permanent
Ok, dernière journée. La nuit m’ayant porté conseil, je décide de faire le plus possible des gros trucs que je n’ai pas encore vus. Dans mon carnet, ça veut dire Ellis Island, l’Empire State Building et les Cloîtres. C’est sans doute un peu ambitieux, mais je dois pouvoir faire Ellis Island ce matin et l’Empire State Building à la tombée de la nuit, ça me laisse l’après-midi pour aller voir les Cloîtres.
Juste une formalité avant de m’y mettre : trouver des timbres. Il y a paraît-il un bureau de poste à trois rues de l’auberge, mais d’après mon plan, il y en a surtout un du côté de Bownling Green, à côté de Battery Park, pratiquement à la sortie du métro, ça ira plus vite (oui parce que je prends le métro. J’ai bien essayé de reprendre le bus -c’est direct- mais ça fait trop longtemps que je suis là : ma carte est périmée, je dois aller en racheter une.)
Ouais, ben pour la poste, tu rêves.
D’abord, on notera que ce qui n’était hier que désagréable est maintenant franchement douloureux : impression d’avoir les os des talons écrasés, et des élancements extrêmement désagréables dans les muscles, des mollets aux cuisses, Le résultat, c’est que je boîte, donc que j’avance beaucoup plus lentement qu’à mon habitude (et je ne vous parle même pas des escaliers.)
Ensuite, il semblerait que mon plan mente un peu : point de bureau postal où je m’attendais à le trouver, et il m’a fallu parcourir à peu près toutes les rues en dessous de Beaver Street, demander mon chemin à plein de flics sympa, mais qui n’en savaient mais, avant d’un trouver un qui avaient son iPhone avec Google Maps dessus, remonter le courant tel un saumon, mais un saumon qui boîte, dans un flot continu -mais inverse, donc- de postiers avec leur petit chariot, faire une longue file d’attente et au final me rendre compte que ma formalité m’a fait perdre près de deux heures.
Perdu la matinée à trouver un bureau de poste, maintenant il y a 27h de file pour Ellis Island.
Tuesday, December 22, 2009 11:49
Résultat, quand j’arrive à Castle Clinton, il y a une sa mère de file d’attente pour prendre les billets. Je la subis stoïquement avant de me rendre compte qu’elle était ridicule à côté de celle qui permet d’accéder à la fouille (mais qu’heureusement, la dernière, celle pour l”embarquement, est un rien plus courte.)
Résultat des courses, moi qui pensais embarquer vers dix heures trente, il est pratiquement treize heures lorsque je pose le pied sur Liberty Island, ce qui allonge d’autant plus mes prévisions que j’avais décidé de n’aller voir qu’Ellis Island et de faire l’impasse sur la grosse dame, mais au dernier instant, je finis par me dire que c’était bien con, c’est touriste à mort, mais ce n’est pas comme si je venais souvent. Et puis comme ça, mes cartes postales auront un joli cachet.
J’ai perdu des doigts Maurice Herzog style pour prendre des photos de la grosse dame.
Tuesday, December 22, 2009 12:46
Après avoir fait le tour de la dame en quelques photos, je rembarque sur le premier bateau, où je vais, comme sur le précédent, rester sur le pont pour prendre des photos. Vu la température ambiance, ça veut dire s’exposer à une mort presque certaine. En tous cas, ça veut dire que je vais vraiment, une fois de plus, regretter d’avoir acheté des mitaines plutôt que des gants.
Quand j’arrive sur Ellis Island, le centre de tri qui a vu passer des millions d’émigrants, je me rends compte que contrairement à mes prévisions, il m’est impossible de visiter ça en courant. D’abord parce que l’état de mes pieds ne me le permette pas, ensuite parce que c’est tellement dense qu’il m’est impossible de me reposer sur ma visite d’il y a six ans : moi qui comptait simplement faire un rappel, je me retrouve, fasciné, à tout visiter une nouvelle fois, à tout relire, et à avoir du mal à décrocher. Je me force à aller vite parce que je sais que j’ai encore des choses à faire, mais j’avais oublié que ma fascination pour New York a commencé ici. Si j’ai choisi le Lower East Side comme point de chute, par exemple, c’était en grande partie parce que c’était là que venaient s’installer la plupart des émigrants pauvres, ceux-là même qui passaient par le centre que je suis en train de visiter, donc[1].
L’après-midi est donc bien entamé quand je remets le pied à Manhattan, et il est évident que c’est mort pour les autres visites que je prévoyais, d’autant que j’ai encore des courses à faire ; j’ai fait au long du séjour une liste des bouquins qui m’intéressaient, il est temps maintenant de choisir ceux que je vais acheter parmi ceux-là. L’avantage, c’est que forcément, ils parlent tous de l’histoire ou de la cartographie de New York, du coup, ils sont tous disponibles à la boutique du Tenement Museum, à côté de l’auberge.
Malgré une sélection drastique, je me fais une petite addition à trois chiffres. Et encore, c’est parce que je ne pouvais pas me permettre plus, pas spécialement pour une histoire d’argent, mais surtout parce que des livres, c’est très lourd, et le très lourd, c’est très mal vu dans les avions pour rentrer.
Mode new-yorkaise : bottes en caoutchouc, North Face, North Face, North Face, North Face, North Face, North Face, North Face, et chemises de bûcheron
Tuesday, December 22, 2009 13:10
Après un passage à l’auberge pour déposer ça, je repars immédiatement sur Nolita et Soho, pour parfaire ma garde-robe. J’ai une impression d’étrangeté, non pas parce que je fais les boutiques, mais parce que c’est la première fois depuis mon arrivée que je sors les mains libres, sans ma sacoche ni mon appareil photo. C’est léger.
Je retrouve encore des magasins vus il y a des années, je crois même, d’ailleurs, que j’ai acheté des Converse dans la même boutique qu’à l’époque (en tous cas, c’est toujours super street-wear, plein de gros blacks en survet, et de rap beaucoup trop fort dans les enceintes. Les vendeurs avec qui j’ai parlé n’étant pas sourds, il est impossible qu’il aient déjà été là six ans plus tôt.)
Je sacrifie peu aux modes locales : d’accord, j’ai acheté une chemise de bûcheron[2] (en soldes chez Gap sur la cinquième, t’vouas ?
) mais je finis de détruire mes baskets là où la mode new-yorkaise pour traverser la neige, c’est la botte en caoutchouc, tout le monde a ça aux pieds. Et je n’achète rien chez North Face non plus, signe évident que je ne suis pas d’ici, parce que dans le wagon de métro standard, on se rend vite compte que c’est pratiquement deux personnes sur trois qui sont équipées de cette marque là.
État d’épuisement total. Juste ce qu’il faut pour ne pas regretter mon départ.
Tuesday, December 22, 2009 18:32
De retour avec mes courses à l’auberge, il est plus que temps que je me mette à préparer mes bagages : en étalant tout, je m’aperçois qu’il est matériellement impossible que je rentre ça dans les sacs de l’aller, alors que pourtant il va falloir. La soirée, voire la nuit, ne sera pas de trop pour essayer d’y parvenir, sauf que là, je suis démotivé, ça me semble insurmontable.
Il faut dire que je suis physiquement assez usé : non seulement je marche depuis que je suis arrivé, mais ça fait maintenant deux jours que les douleurs ne vont qu’en s’amplifiant, ce qui finalement est très bien, puisque la perspective de me reposer atténue la tristesse du départ. C’est très bien aussi parce que ça me rend incapable de sortir ce soir, du coup, je vais avoir le temps de jouer au Tetris avec les bagages, plusieurs heures vont être nécessaires.
Après une heure de tentatives infructueuses, je m’accorde une pause bien méritée. Voilà plusieurs jours que sont arrivés Isabelle, une française qui termine ici un voyage itinérant de six mois, et Siegfried, un de ses copains, venu la rejoindre pour passer la fin d’année à New-York, tous les deux très sympa et avec qui le courant passe pas mal. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la demoiselle et ils me proposent de boire une coupe, enfin un verre, enfin un bol (mais personne ne fait sa vaisselle ici ?) de champagne.
Hallu totale : j’ai réussi à caser douze tonnes d’achat dans les sacs de l’aller…
Tuesday, December 22, 2009 19:49
C’est là qu’ils me demandent si je suis toujours d’accord pour les accompagner à un concert ce soir dont ils me parlent depuis plusieurs jours. Je leur explique mon problème de bagages, l’état de mes pieds, ma fatigue généralisée, l’avion que je dois prendre demain matin, tout ça. Et je ne sais pas comment ils font, mais ils arrivent très vite à me convaincre que tout ça, c’est des mauvaises raisons, allez, allez ! Et dépêche-toi, on part dans trente minutes.
Ah merde, ils sont forts, les oiseaux. Bon, je tente le coup. Et contre toute attente, une demie-heure plus tard, tout est rangé, compilé, compressé, écrasé, mais dans des sacs fermés. J’ai beaucoup de mal à y croire, il faut absolument que je rajoute une ligne dans la rubrique talents sur mon CV.
Dans un bar de la 3ème avec Popa Chubby sur scène. Classe dernière soirée.
Tuesday, December 22, 2009 22:07
Et je suis bien content qu’ils aient insisté : une heure plus tard, nous voilà installés dans un petit bar de la 27ème rue, pour voir jouer Popa Chubby. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un guitariste de blues qui remplit quand même le Bataclan quand il vient jouer à Paris. Ici, il va jouer en power-trio au fond du bar, sur une estrade à peine surélevée où mon groupe n’aurait même pas tenu. Et on ne parle pas d’un concert avec entrée payante, non, il s’agit du vrai concert de bar, où c’est cool, on a de la musique pendant qu’on boit des bières.
Alors on a bu des bières, et puis on a mangé le steack de 500g, (excellente) spécialité du bar, et des cacahuètes aussi (il y a partout des paniers de cacahuètes à décortiquer, et le sol est recouvert d’une couche d’épluchures ; ouais, c’est roots. Et j’ai passé une super soirée, entre Isabelle toute souriante (mais cette fille sourit depuis que je l’ai rencontrée) et qui d’ailleurs se fait draguer, et Siegfried, vraiment fan de Poppa Chubby (il était déjà venu le voir jouer au même endroit l’année dernière) et sur un petit nuage pendant tout le concert. J’ai d’ailleurs pratiquement autant apprécié ses réactions que le concert en lui-même. J’aime bien les gens passionnés.
À une heure du matin, quand même, il est temps de boiter jusqu’à mon lit. J’ai 8000 kilomètres à faire demain.
(Photos dispos sur la galerie sur Flickr.)
Notes
[1] Comme je viens de la lire sur un site qui parle mieux que moi, le Lower East Side, c’est le berceau de la diversité culturelle new-yorkaise, la quintessence du melting-pot
[2] Il y a un peu partout des pubs pour plusieurs marques de vêtements assez difficiles à différencier, puisqu’elles semblent vendre exactement la même chose : des chemises de trappeur canadien. C’est particulier, ces publicités pratiquement identiques, mais avec à chaque fois un logo différent.