Métaphore

Il fait froid dehors

L'homme qui a vu l'ours

photo: petit déjeuner sur la terrasseEn descendant pour prendre le petit-déjeuner ce matin, on nous propose de la prendre sur la terrasse. Pardon ? Ah ben oui, il fait beau, il fait chaud, alors pourquoi pas ? Et puis un deux janvier, c'est quelque-chose qui ne se refuse pas. Prenons des forces, il va falloir sortir de la ville... Sortir de la vieille ville d'abord, ce qui est plus aisé en plein jour, mais ensuite surtout sortir de la ville elle-même, toujours sans le moindre panneau. Finalement, nous y arrivons, mais sans même comprendre comment nous avons fait.

La première destination du jour, dans les montagnes avoisinantes, c'est Termesos : encore des ruines greco-romaines ou assimilées, encore un lieu conquis par Alexandre (de toutes façons, dans la région, c'est lui ou Hadrien.)

photo: le théâtre de Termesos

La spécificité de ce site là, c'est que c'est tellement haut perché dans la montagne que :

  1. Ça n'a jamais servi de carrière.
  2. C'est resté relativement inexploité par les archéologues.

Et effectivement, quand après un longue montée (d'abord en voiture avec des dizaines de virages, puis à pieds, en ahanant) on arrive sur les ruines, elles sont assez étranges pour qui est habitué à en voir de bien nettoyées et redressées quand c'est possible : ici, tout est de travers, envahi par les herbes, et on se promène dans de simples sentiers serpentant entre les arbres. Ajouté à la quasi absence de touristes (bon d'accord, on y croisera quelques allemands, dont un qui nous a posé des questions dont nous ne saurons jamais la teneur,) l'expérience est loin d'être désagréable. On est vraiment ici tout en haut d'un somment, et les bâtiments surplombent des vallées, c'est assez impressionnant, surtout le théâtre, qui comme partout ailleurs a mieux résisté aux tremblements de terre que le reste.

photo: un passage du théâtre de TermesosNon content d'être étendu, l'endroit est aussi fortement dénivelé. C'est pourquoi Julie ne fait même pas mine de vouloir m'accompagner quand au bout d'une visite qui n'est pas de tout repos j'annonce vouloir m'écarter un peu pour aller voir une des nécropoles, donc loin de l'agglomération. Afin tout de même de ne pas trop la faire attendre, c'est d'un pas assez vif que je m'enfonce dans la végétation et que je m'éloigne des chemins balisés, mais quand même, c'est loin !

À force d'avancer à cette vitesse, je regarde beaucoup mes pieds et ce qu'il y a juste devant eux, histoire de ne pas me prendre une branche. Je suis donc assez surpris quand retentit à quelques mètres un formidable grognement qui me hérisse le poil. Je lève alors les yeux et devant moi, une formidable masse de poils bruns se met en mouvement et s'éloigne de moi en brisant tous les branchages sur son passage. Oulah, mais ce truc est trop gros pour être un sanglier ! Ah ben oui, c'est un ours... MAIS POURQUOI PERSONNE NE M'A PRÉVENU QU'IL Y AVAIT DES OURS PAR ICI ?!?

photo: moi dans un tombeauHeureusement pour moi, c'est en s'éloignant de moi qu'il brise tout sur son passage... Bon, me souvenir de mes lectures maintenant, à quelle bestiole ne faut-il pas tourner le dos ? L'ours ? Peut-être... Dans le doute, au lieu de m'enfuir en courant (après tout, ce n'est peut-être pas la peine, n'est-ce pas ce que lui vient de faire ?) j'attends très longtemps (au moins douze secondes, au moins) avant de commencer à remonter à reculons le sentier qui m'a amené ici, et trébucher quelques mètres avant d'enfin me retourner pour remonter calmement la pente, sans m'affoler, sans m'énerver, sans avoir l'air de m'enfuir. Arrivé en haut, je remarque que j'ai terminé en ayant sévèrement accéléré quand même. Voilà qui laissera un souvenir marquant, mais pas forcément le meilleur.

photo: la porte du Temple d'HadrienQuand je finis par rejoindre Julie, mon histoire la fait sourire : Tu es sûr que ce n'était pas un écureuil ? Un très très gros alors, pas tant même pour la taille, mais pour le grognement !

Une fois que j'ai repris un peu mon souffle, nous redescendons par l'autre nécropole, et j'espère y trouver moins de plantigrades. Effectivement, on n'y trouve que des tombes, des sarcophages, des tombeaux creusés dans la roche, mais que sont devenus les occupants ? Pas le moindre petit bout d'os ici ... Et j'ai essayé un tombeau : ils n'étaient pas grands, les habitants du lieu, je suis tout tordu dedans.

Au bout du chemin, nous trouvons le temple d'Hadrien local qui indique que nous avons retrouvé le parking. De là , hop, retour à Antalya, qu'il faut une fois de plus traverser. Et merde ! Re-labyrinthe... Ça n'a l'air de rien, traverser une ville, mais ce n'est pas si simple. Nous étions à l'ouest, nous partons à l'est pour aller voir le théâtre d'Aspendos, à un paquet de kilomètres de là : deux heures de routes encore une fois pour arriver à ce qui est un des théâtres antiques les mieux préservés du monde, nous dit le guide, visiblement tellement impressionné qu'il n'a pas pensé à nous dire qu'il y avait les restes de toute une ville autour.

photo: le théâtre d'Aspendos

Après avoir acheté nos tickets à la guérite officielle (pas au vendeur à la sauvette en euros mais plus cher, mais à la guérite officielle Il Faut Payer Seulement Le Lira Turc Pour l'Entre Prise annonce fièrement en français l'affichette du ministère de la culture,) nous entrons dans ce fameux théâtre. Il est bien, il est grand, il est bien conservé (il a servi de caravansérail.) Mais pour Julie et moi, pas plus de déclic que ça. C'est un théâtre antique, quoi... On commence à en avoir vu un paquet depuis quelques années, et malgré sa taille est son état de conservation, c'est loin d'être le plus intéressant.

photo: Julie dans le théâtre d'AspendosEt comme nous n'avons pas vraiment le temps (ce n'était pas prévu, merci le Routard) nous n'allons pas voir le reste du site : il nous faut repartir, nous avons encore au moins deux heures de route avant la prochaine étape, et nous voudrions y arriver avant la tombée de la nuit. En effet, dans les alentours de là où nous voulons passer la nuit, il y a parait-il une petit plage paradisiaque qui vaut le coup d'être vue, même s'il n'est pas trop question de s'y baigner en cette saison.

Commence alors une course contre le soleil : nous sommes partis assez tôt, mais la route est longue. Une fois passé (une fois de plus, nous avons beaucoup tourné en rond aujourd'hui) le labyrinthe d'Antalya, le soleil commence à baisser alors que nous avons encore près de 80 kilomètres à parcourir. La route suit la côte et serpente beaucoup, et ici comme ailleurs, les stations services jalonnent la route tous les cinq kilomètres. Tant mieux, parce que si nous voulons voir cette plage, il vaut mieux essayer de ne pas faire le plein maintenant. Le guide l'a bien précisé Pour routards motorisés - une plage qui se mérite. Effectivement, nous sortons de la route principale pour arriver dans une toute petite route en lacets avec des beaux à-pics que je prends un poil trop vite, disparition prochaine du soleil oblige.

photo: soleil sur la route

Et il semblerait que nous devions perdre cette course : le soleil continue de baisser, et la route de se lover d'une colline à l'autre, continuant, continuant, continuant ... Non seulement la plage n'est pas en vue, mais je commence à suer à l'idée de me retrouver à court d'essence. Arrivé au village dont dépend la plage sans aucune indication de l'endroit où trouver celle-ci, nous devons nous rendre à l'évidence : nous avons perdu la course. En commence alors une autre : essayer de retourner à la station service la plus proche sans tomber en panne d'essence. Ça ne va pas s'avérer facile : bien que la voiture n'aie émis aucun signal de panique, la jauge est au plus bas depuis une demie-heure. De plus, tout ce que nous avons descendu de la route principale à ici, il va maintenant falloir le remonter, ce qui promet une jolie consommation, et la nuit qui tombe vraiment ne va pas m'aider plus que ça à destresser, puisque les routes en question possèdent fort peu de parapets pour décorer les lacets et les virages en épingle à cheveux. Tout fonctionne alors par petites victoires : Oups ! Nous sommes arrivés au premier hameau ! Ouais ! Nous arrivons sur la route principale ! Ouais ! Ça descend .... euh ... Elle est où la station ?

La station est loin : il y en a une tous les cinq kilomètres dans la portion de route qui est refaite, à avoir les soixante kilomètres après Antalya, mais du coup, ça nous fait vingt kilomètres avant d'arriver à la première pompe. Une fois le moteur arrête, je reprends enfin ma respiration : Ça m'a presque fait une bonne heure d'apnée, tout ça.

Après avoir découvert que c'était bien du super sans plomb qu'il fallait mettre dans le réservoir, contrairement à ce qu'on nous avait dit à l'agence de location (la voiture n'a pas du aimer le premier plein.) Nous repartons une fois de plus en sens inverse, en grand fan des aller-retours. Il s'agit cette fois d'arriver à Chimera, lieu de naissance d'un certain nombre de mythes et de légendes puisqu'en haut d'une montagne surgissent du sol des flammes, issues d'émanations de méthane. Je vous passe les détails de la route qui serpentait autant que la précédente (mais cette fois, il fait vraiment nuit) et nous arrivons finalement au parking. Il est tard, il fait nuit depuis bientôt deux heures, peut-être pour une fois allons nous pouvoir échapper au parking payant ?

photo: moi parmi les flammes

Que non point ! Notre arrivée réveille le chien de la maison du gardien ; Celui-ci n'a besoin que d'une minute pour sortir nous vendre des tickets et nous demander si nous avons une lampe de poche. Son air dubitatif devant la taille plus que modeste de la mienne me laisse à penser qu'il n'a pas encore atteint son quota de touristes perdus. Commence alors une ascension d'une petite demie heure dans un sentier perdu en pleine montagne et non éclairée, et ça valait le coup : Arriver ici de nuit, alors qu'il n'y a personne a été une très bonne idée.

Devant nous, des flammes sortent de terre. C'est un spectacle assez magique, on comprend les légendes de monstres au souffle brûlant qui dorment dans la montagne. En fait de monstre, ici comme partout ailleurs en Turquie, il y a un chat. Je repense à son congénère qui dormait à la chaleur d'un spot à Sainte-Sophie. Celui-ci a plus classe : se chauffer à la chaleur d'une flamme qui sort de terre, ça a de la gueule, pas à tortiller.

Dans un coin, à l'endroit sans doute où un flamme a été éteinte, le gaz à moitié liquide sort de la roche en faisant des bulles... Mère Nature, des fois, elle aime s'amuser quand même. Après nous être nous même chauffés un peu, et avoir manqué de tuer mon pantalon pour ma part (il y a des flammes, mais quand même, il fait nuit, et les rochers sont tout sauf plats.)

photo: le chat de ChimaeraD'ailleurs, la descente n'est pas évidente. Va savoir pourquoi, on se prend plus les pieds au retour qu'à l'aller. Est-ce parce que ce coup-ci, c'est moi qui tient la lampe ? Il nous faut longtemps en tous cas avant que les aboiements ne nous signalent que nous arrivons en bas.

Il est temps maintenant de trouver un endroit où dormir, et on dirait qu'à Çirali, le patelin d'à côté, tout est fermé. En tous cas beaucoup de choses... En tournant un peu pour essayer de trouver une pension conseillée par le Routard, nous passons devant un hôtel qui a l'air engageant, si bien que lorsque nous trouvons la pension, nous faisons finalement demi-tour pour l'hôtel. Heureusement, celui-ci n'a plus de place.

photo: Julie parmi les flammes

Heureusement, car ça nous oblige à repartir à la pension, et c'eût été dommage de la rater : Oh, bien sûr, comme d'habitude, elle est plus chère qu'indiqué dans le Routard, mais ça, c'est une habitude (nous n'avons pas vu un seul prix à jour depuis notre arrivée.) Cependant, devant notre détresse alimentaire, et comme rien n'est ouvert aux alentours, Mehmet, le patron, qui a construit la pension de ses mains, nous propose de goûter à la cuisine de sa femme. Ça s'appelle la Blue Paradise Pension, et Je vous conseille vraiment de descendre là si vous devez dormir dans le coin : On se sent vraiment bien accueilli et nous nous sommes régalés. Oh, ce n'était pas grand chose : Soupe de lentilles (glargl, j'ai encore la salive aux lèvres) et boulettes de viandes (mais les meilleures du séjour, qui fut pourtant faste à ce niveau là.) mais c'était vraiment bon, et même si Mehmet n'est pas un angliciste distingué, c'est un plaisir de discuter avec lui. photo: la folle des couverturesSes enfants également fournissent à Julie l'occasion de se délester d'une surprise Kinder géante qu'elle traîne depuis l'aéroport : Un grand père Noël - un Noel Baba comme on dit en turc - à monter, les gamins ont l'air d'apprécier.

Il est temps de se coucher. Pour payer le moins cher possible, Julie a choisi de ne pas avoir de climatisation dans la chambre, ce qui m'a paru étrange, la sachant frileuse. C'était sans compter les couvertures : une fois qu'elle a installé ses douze couvertures, il me reste fort peu de place pour dormir ! Bah, j'ai l'habitude...

-

Commentaires

1. Par Laurent, le 19/01/2006 à 23:15

Si tu crois que j'ai pas repéré le chat !

2. Par xave, le 20/01/2006 à 06:14

Un chat ? Où ça ?

3. Par ZeuBeuBeu, le 20/01/2006 à 06:29

Dans ta chaudière interne à methane ! ;)

Que veut dire "en hahanant", marcher en hurlant "copa, copaaaaa hahanaaaaaaa" ?

4. Par xave, le 20/01/2006 à 06:38

Ça veut dire que mon doigt a rippé, bien sûr, et je corrige de ce pas !

5. Par Laurent, le 20/01/2006 à 12:23

Et en plus, il fait l'innocent…

6. Par xave, le 20/01/2006 à 12:45

Mais je suis innocent, monsieur le président !

7. Par Laurent, le 20/01/2006 à 21:19

Et chimaerachat.jpg, hein ? Non, mais…

8. Par xave, le 21/01/2006 à 08:58

On va dire qu'il t'est spécialement dédicacé. Heureux ?

Ajouter un commentaire

URL de rétrolien : https://xave.org/trackback/652