Métaphore

Il fait froid dehors

Kilim

photo: Julie au marché Non, finalement, pas de grasse-matinée aujourd'hui, nous rejoignons Nadine pour le petit déjeuner dans la cave. rappelons que le petit déjeuner turc est généralement plus salé que le notre. Aujourd'hui, tout de même, nous arrivons à des extrémités que nous n'avons jusqu'alors pas connues : avec le thé, le café, le pain, la confiture, le miel, les tomates et tout ce qui est habituel, voilà qu'on nous sert ... des frites. Julie n'aurait jamais cru manger des frites au petit déjeuner, moi, c'est pire : jamais je n'aurais cru apprécier des frites au petit-déjeuner.

Aujourd'hui, c'est vendredi, jour du marché à Avanos, et nous nous y rendons tous les trois. Julie, bien sûr, est attirée par les si colorés stands de vente d'épices. Elle tient également à acheter des verres à thé d'ici, bien différents de leurs équivalents du Maghreb qu'on voit beaucoup plus facilement chez nous.

photo: stand d'épices

Le marché ici, loin des grosses métropoles, est l'occasion de vérifier une fois de plus que nous sommes à mi-chemin entre ruralité profonde et occidentalisation rapide ; S'y développe une impression de marché de nos campagnes à nous, vers les années cinquante, mais y arrivent en force aussi toutes sortes de merdes clinquantes assez proches de ce qu'on peut trouver chez les vendeurs à la sauvette sénégalais de nos coins à vacanciers. On y trouve également des choses bien plus surprenantes, mais logiques finalement dans un coin où le marché est la source d'approvisionnement principale : des pièces de moteur, des cadres de fenêtre, des drogueries complètes sur un étal, ou des petits culottes affriolantes pour démontrer encore une fois que bien que majoritairement musulman, le pays est bien moins prude que ne le sont les pays du Moyen-Orient (on avait déjà remarqué une ouverture similaire à leur consommation d'alcool : le Turc sait boire.)

photo: une autruche. Ben si. Une fois les achats effectués (et les photos prises,) Nadine nous emmène dans la boutique de Kirkit. C'est un peu compliqué : Au départ, Kirkit était un magasin de vente de Tapis à Avanos. Puis il se sont diversifiés : ils ont proposé une agence de voyages, qui organisait des expéditions dans la région, et une pension (celle où nous sommes installés, donc.) Puis ils se sont agrandis : il y a maintenant à Avanos, la pension, l'agence et un magasin de tapis, il y a également une agence à Istanbul, un bureau de l'agence à Paris, et trois magasins de tapis à Paris, plus une présence dans un certain nombre de salons européens. Oui, ils s'en sortent plutôt bien. Et Nadine, qui vient régulièrement en Turquie depuis plusieurs années, les connaît plutôt bien.

photo: Yassin Au magasin de Tapis, c'est Yassin qui nous accueille. La maison est absolument magnifiquement restaurée, le thé est chaud, et Yassin a pour son métier une passion communicative ; Nous étions là pour regarder un peu, simplement parce que ça fait un peu partie de l'ambiance, et nous voilà sans nous y attendre conscient que toutes ces broderies autour de nous ne sont pas de bêtes objets de décoration, mais bien des œuvres, des symboles, des objets absolument utilitaires et de bouts d'histoires personnelles, en bref, quelque choses de bien plus intéressants que de bêtes tapis. Du coup, Julie se tâte : certains kilims anciens lui plaisent vraiment bien, mais ce n'est pas vraiment donné. Je lui propose alors ma large participation, qu'elle refuse, car elle n'aime pas être redevable de ce genre de choses (voyez comme je suis grand stratège : non seulement je suis un gars bien parce que je l'ai proposé,, mais je ne dépense rien. Ne suis-je pas machiavélique ?)

photo: la grippe aviaire est apparue en Turquie Pendant qu'elle réfléchit, Ahmet, l'aide de Yassin, nous fait visiter la maison, non seulement superbement restaurée (il s'agit de deux maisons datant de l'époque grecque - donc avant 1923 - de la ville, réunies en un seul bâtiment, entièrement dans la style local avec des méthodes traditionnelles, pas un gramme de béton,) et intéressante en elle-même, mais en plus transformée en musée du tapis, dont certains pièces ont un âge qui ne se compte même plus en décennies. >Bon, c'est intéressant, mais il fait monstrueusement froid dans les étages, on écourte la visite pour préserver la santé des filles.

Finalement, Julie se décide. C'était une dépense non prévue c'est même une petite folie, mais quand on aime, on ne compte pas, et Yassin aime, et il est contagieux. Moi-même, j'ai des passions très chères et donc des tas de façons de dépenser mon argent autrement, mais je comprends qu'on puisse avoir envie de ce genre de pièces. Quand en plus c'est beau, allons-y, faisons des folies !

photo: Julie fait son choix

Assez d'enfermement : la Cappadoce, c'est la région idéale pour les randonnées, et si le temps, lui, ne l'est pas (surtout avec le dégel,) ça serait quand même dommage de ne pas aller marcher un peu. Nadine nous entraîne donc à Mustafapaşa, d'où nous partons nous promener dans la nature. Nous avons de la chance, le soleil n'est pas trop éloigné, il fait même plutôt beau et doux. Le problème, c'est qu'effectivement, le sol est humide, très. Et très vite, nos semelles commencent à entraîner une cargaison complète de boue, de feuilles et de cailloux qui n'aident pas maintenir une position verticale sûre... Heureusement, les panoramas valent quelques sacrifices, et après tout, nous décrotterons nos chaussures au retour, mais ça va être du boulot.

photo: l'église St Christophe, aux alentours de SinasosLa balade est intéressante ne serait-ce que parce qu'enfin nous comprenons que ces petits trous carrés que nous voyons partout dans la roche sont ces fameux pigeonniers dont on parle partout ; C'est assez évident lorsqu'on le sait, tellement évident qu'effectivement, le guide n'a jamais songé à le préciser, c'est un peu énervant. C'est au cours de cette balade également que pour la 76ème fois des vacances, le rythme de mes pas s'accorde avec la machine à laver, le plus idiot parmi les morceaux de mon camarade Martin, et pour la 66ème fois des vacances, je le déteste (oui, les dix premières, c'était drôle.)

photo: un coin calme, près de SinasosAprès avoir bien marché, et retrouvé le chemin du retour malgré nos inquiétudes, ne ne quittons pas Mustafapaşa sans avoir visité une maison en train d'être restaurée, qui a pour l'instant une sale tête, mais un énorme potentiel. Le village entier de toutes façon et vraiment mignon : malgré son nom actuel, on sent bien encore la présence de Sinasos (le nom qu'il avait lorsqu'il était village grec) : beaucoup de murs blancs, de tâches bleues ici ou là, et des bâtiments restaurés ou en cours de restauration d'un charme indéniable. La seule étrangeté, ça a été de finir par un thé en terrasse, au plus fort de l'hiver mais au soleil, dans ce village grec habité par des turcs, en buvant un thé tout en écoutant ... Des mariachis, qui tout un concert qui sortaient de la radio du café !

En rentrant vers Avanos, Julie attaque une fois de plus sur un projet qui lui tient à cœur : un hammam. Tant qu'à venir en Turquie, autant prendre un bain turc, non ? Le problème jusque là était qu'elle n'était pas trop chaude pour y aller seule (ce n'est pas mixte) mais la rencontre de Nadine a relancé sa détermination. Justement, il y a dans la région une source thermale où on a installé un hammam. Zou, nous voilà partis !

photo: Julie et Nadine contournant un champLe problème, c'est que ce n'est pas facile à trouver. Le guide le dit bien qui exhorte ses lecteurs à suivre très précisément ses instructions, ce que nous faisons : partir vers tel patelin, suivre la route pendant très exactement quatorze kilomètres, passer sur un petit pont de pierre, prendre à droite, rouler sept kilomètres, arriver dans le village, suivre les panneaux bleus. Certes.

photo: scéance de décrottageCertes mais non : On part vers le tel patelin, on suit la route pendant quatorze kilomètres, on ne voit pas de pont, ni à quinze, ni à seize, ni plus tard, mais vers vingt, un route (la première) part sur la droit. nous la suivons, après cinq kilomètres arrive un embranchement. Quid ? Nous prenons une des directions au hasard, roulons encore pendant un certain nombre de kilomètres, la route est à peine plus qu'un circuit, il n'y a pas trace d'un être vivant, la nuit est tombée, les virages se suivent, de plus en plus serrés, la jauge d'essence s'approche de plus en plus du zéro, et de village, point.

Quand nous finissons par en trouver un, Nadine se rend au nouvelles pour savoir si par hasard ce ne serait pas celui que nous cherchons... Ah non, mais même pas du tout alors : par rapport à notre point de départ, nous sommes même à l'opposé, et loin. Bieeeeng. Nous allons repartir par une route qui ressemble un peu plus à une route, faire le plein (enfin : vingt lires seulement, heureusement, Nadine avait son dictionnaire franco-turc, parce que le concept de "vingt" est difficile à faire passer au travers de la barrière de la langue,) retourner à Avanos, et essayer de repartir.

photo: panorama

Parce que Nadine, connaissant la région depuis des années, a peut-être trouvé d'où vient le problème : le tel patelin dont nous parlions tout à l'heure est relié depuis quelques années à Avanos par une toute nouvelle route, rectiligne et à quatre voies, mais ça n'a pas toujours été le cas. Et si le guide parlait encore de l'ancienne route ? Il fait maintenant complètement noir et la pluie s'est mise à tomber par intermittence, mais nous y croyons toujours.

photo: Julie prend le temps et le théEt nous avons raison d'y croire : au bout d'une quatorzaine de kilomètres, nous passons effectivement sur un petit pont. Juste derrière, il y a un petit embranchement, hourra ! Nous suivons la petite route pendant quelques kilomètres et arrivons effectivement à un village, là il faut encore comprendre les fameux panneaux bleus : ils ont une forme de flèche qui va dans un sens et dessus est peinte une flèche qui va dans l'autre sens. Bon, finalement, après quelques lacets supplémentaires, nous finissons par trouver, perdu au milieu de rien, le hammam en question. Je reste dans la voiture tandis que les filles vont s'enquérir des conditions, elles vont dans un sens, dans l'autre ... et reviennent vers la voiture : l'endroit n'est pas très engageant, le bain de vapeur est fort peu vaporeux, et la salle de la pierre chaude n'est même pas ouverte. Bien bien bien ... Alors ? Ben on rentre. Et nous voilà partis pour une retour sur la pluie qui s'est maintenant déchaînée. En gravissant une partie de la route qui monte, j'ai un peu l'impression d'être un saumon qui remonte à la source. Nous aurons donc passé une heure et demie et cent kilomètres sur les routes pour pas de hammam... Aaah, les vacances !

Bon allez, ne nous laissons pas abattre : pas question d'aller au lit dépités, nous nous offrons un petit resto, ou le serveur répond en anglais au turc de Nadine, et fait son boulot de serveur turc : il est de tradition ici, pour montrer qu'on prête attention au client, de lui enlever le plus vite possible les plats qu'il a terminé. C'est un peu déstabilisant : comme nous sommes pratiquement les seuls clients du restaurant, il a du temps à nous consacrer : À peine avons nous posé la fourchette après avoir ingurgité la dernière bouchée que l'assiette a déjà disparu. Pour lui, c'est un gage de qualité, mais nous, ça ne nous aide pas à nous détendre, ça nous donnerait presque l'impression qu'il est pressé que nous partions.

Alors nous partons.

photo: tasse de thé

Nous partons pour retourner à la pension, il y a bien longtemps que nous n'avons pas bu un thé dans la cave. Mais ce soir, nous allons essayer de nous coucher plus tôt quand même. Entre ci, et ça, les discussions et moi qui essaie le saz, cet espèce de luth long avec des quarts de tons sur le manche (c'est assez déstabilisant) y arriverons nous ?

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Commentaires

1. Par vero, le 24/11/2006 à 00:50

Bonjour,
super les photos ! Et ça me rappellle plein de souvenirs : j'ai passé plein de vacances à Kirkit. Et voilà que je reconnais l'ami Yasin... que je n'ai pas revu depuis 5 ans et dont j'ai perdu l'adresse email ! Tu n'aurais pas ces coordonnées par hasard ? Le n° de téléphone comme le mail que j'avais ne sont plus bons et je n'arrive pas à le contacter. merci d'avance !

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