Églises peintes
Par Découvrir - Lien permanent
Ce matin, nous commençons à peine à entrouvir les yeux qu'on frappe à la porte : c'est Bülent, le gardien, qui vient nous chercher pour le petit déjeûner, sollicitude inédite pendant ce séjour. Nous rejoignons alors les autres clients dans ... la cave. La salle est en effet sous notre chambre, les murs blancs sont creusés dans la roche et la déco est tout à fait sympathique. Nous nous installons avec les autres clients : un couple franco-roumain, qui sont justement ceux qui accaparaient les forces francophones du resto d'hier soir et Nadine, une française habituée des lieux (treize ans de voyages en Turquie derrière elle.) On mange ici le petit déjeuner le plus copieux que nous ayons eu depuis le début du séjour (il y a même un ersatz de Nutella, visiblement séché depuis les derniers enfants qui sont passé ici, l'été passé. Je passe.) au son d'une musique new-age qui me donne l'impression d'être dimanche soir, très tard, et à l'écoute de Classic 21... Les franco-roumains quittent la ville, mais Nadine est encore là quelque jours, nous nous reverrons...
Nous sommes en Cappadoce, qui est dit-on la plus jolie région de Turquie, célèbre pour ses paysages, ses églises, ses pigeonniers et ses habitations troglodytes. Je le précise parce qu'à lire la description dans le Routard, je n'ai jamais vu nulle part que les églises étaient troglodytes... Enfin bon, nous n'avons pas été plus que ça impressionné par le guide, ces vacances-ci.
Nous commençons par le site de Zelve, une petite vallée percée de trous où l'homme a habité jusqu'aux années 50. Nous sommes les premiers sur la place et nous avons le site pour nous, ça veut dire que si nous mourrons, personne ne viendra nous ramasser, et ça risque d'arriver. En effet : ça glisse. Surtout moi... Alors que Julie et moi avançons pour aller admirer les trous (parce que ça en fait, des trous, dis !) nous ne sommes vraiment pas assurés.
Il faut dire que ces derniers temps, il n'a pas fait grand soleil ici : quand nous étions à Istanbul et que nous expliquions notre intention de venir dans la région, on nous mettait en garde : Attention, c'est plein de neige ! Ah ? Et on nous l'a répété ici ou là sur la route. D'ailleurs, ces deux derniers jours, alors que nous nous approchions, il y avait effectivement de plus ou moins grandes tâches de neige aux alentours de la route, et mon sourire s'élargissait en même temps qu'elles.
Lâs, une fois sur place, de neige, point l'ombre. Tout avait fondu... C'est très dommage, parce que moi j'adore ça, et c'est aussi très dommage, parce que de la neige qui fond, ce n'est pas l'idéal dans une région aussi facilement boueuse : non, les gens n'avaient pas de marteau piqueurs pour se creuser des bâtiments dans la roche, la roche n'est tout simplement ici guère plus que du sable agglutiné. Du coup, dès que l'eau tombe, ça ruisselle, ça s'engouffre, et ça glisse.
Julie et moi essayons donc de visiter en trouvant les quelques chemins praticables et ce n'est pas facile. Plus téméraire qu'elle, je décide tout de même d'aller voir des grottes qui ont l'air intéressantes mais qui ne sont pas facilement accessibles. Enfin, plus téméraire, c'est mon opinion à moi, sans doute qu'elle se trouve plus sage que moi. Et elle a parfaitement raison, comme en pourra témoigner l'état de mon pantalon en sortant de là.
Après avoir payé notre tribut au cerbère du Parking et un petit arrêt sur la route pour aller admirer un panorama (visiblement gratuit en hiver) du côté de Çavuşin, nous nous dirigeons vers Göreme, qui d'après le guide est le point d'orgue du séjour en Cappadoce.
Dans les faits, c'est vrai que les églises creusées dans la roche qu'on y trouve sont pour certaines absolument magnifiques, c'est vrai qu'il y a de quoi venir de loin pour voir ça (je ne sais cependant pas si j'irais, comme ces gens croisés sur le parking, jusqu'à me taper la route depuis Paris en 205 pour venir jusqu'ici.) C'est vrai que les peintures sont absolument exceptionnelles (Julie d'ailleurs y laissera sa dernière batterie d'appareil photo.) Mais tout ça ressemble un peu trop à un parc d'attraction : circuit balisé, chemin dallé pour passer d'une église à l'autre, déplacements de préférence en groupe, surtout pour les japonais... Tout est beau, mais le côté outrageusement commercial est assez lourd. Contrairement à ce que dit le guide, je ne finirais pas mon séjour dans la région par ce site-ci... Il y a sans doute moins beau, mais plus sauvage.
En sortant de là, il nous prend d'aller nous promener à Ürgüp, un village du coin : C'est mort. Visiblement, l'hiver n'est pas la période la plus touristique ici, et le vent souffle dans des rues vides, c'est assez déprimant, et malgré leurs excellentes pâtisseries au fromage, nous n'allons pas rester longtemps. Un coup d'œil au guide nous convainc qu'il est encore d'autres endroits à visiter avant la tomber de la nuit ; En route !
L'étape suivante est Uçhisar, un des hauts lieux de la carte postale touristique du coin : le village est sur une hauteur qui domine la région et est lui même dominé par un château creusé dans une gigantesque roche en forme de bosses de dromadaires. Il fait vraiment froid, il y a beaucoup de vent et nous décidons de faire l'impasse sur la visite du château lui-même, rencontre de tous les vents du pays. D'ailleurs, le village lui-même est plutôt désert : nous rencontrons un touriste tout aussi perdu que nous (est-ce que nous avons l'air de savoir nous diriger, franchement ?) et la moitié des maisons sont en ruine (et à vendre, en français dans le texte.)
À la sortie du village, j'aperçois Nadine en train d'attendre le Dolmus sous l'abri-bus et nous la prenons au passage. Discutant de la journée, et devant son air peu emballé à l'énoncé de notre destination, nous décidons de laisser tomber. À la place, nous rentrons à la pension à Avanos et allons boire un thé à la cave, où les hommes de Kirkit jouent au rami. Le courant passe vraiment bien avec Nadine et elle nous emmène chez Salhi, un de ses amis qui tient une bijouterie sur la place.
Salhi est un des meilleurs francophones que nous ayons rencontré jusque là et nous accueille autour du poêle pour le thé, une longue discussion et pas mal de rires, surtout quand passe Ali Fuat, un copain de Salhi, plutôt déconneur et maîtrisant lui même suffisamment le français pour me trouver l'accent belge !!! On ne m'a jamais trouvé l'accent belge, il a fallu que je vienne au beau milieu de la Turquie pour que ça arrive ! Il nous donne aussi quelques cours de prononciation turque, histoire de ne pas reproduire la mésaventure de ces français qui faillirent n'arriver jamais à Çavuşin parce que si les chauffeurs de bus avaient l'habitude de se rendre à Tchavoutsinn, il n'avaient pas la moindre idée de où étaient situé Kavussin.
Nadine mange à la pension et nous quitte pour y être à l'heure. Nous restons encore pour discuter avec Salhi, qui m'offre une bière : Efes, la bière du coin, en 50cl. La canette normale quoi. Julie continue au thé, quand même. Et nous restons encore un certain temps à l'écouter parler, avant de le laisser rentrer en famille.
Ali Fuat, qui fait rire Shali, Nadine et Julie
Nous deux, nous retournons pique-niquer à la pension, avant de redescendre à la cave pour prendre le thé. Encore ? Ah oui, il est bon (et c'est un buveur de café qui vous dit ça.) Et tandis que nous mangeons des pistaches grillées sur le poële (ce sont les pistaches qui sont grillées sur le poële, pas nous qui les mangeons assis sur le poële, enfin !) nous partons avec Nadine dans une discussion qui nous mène tard dans la nuit. Euh ... Grasse matinée demain ?