Métaphore

Il fait froid dehors

Le nègre et l'instituteur

(note liminaire : excusez la forme, mais je n'ai pas réfléchi avant d'écrire. Enfin si, je réfléchis à ces idées-là depuis des années, mais je n'avais jamais réfléchi à comment les ordonner pour les faire passer par écrit.)

Ne l'avais-je jamais entendu ou n'avais-je jamais fait attention ? Toujours est-il que j'ai percuté aujourd'hui que les documentalistes de ma (lointaine) jeunesse n'en étaient plus, maintenant, ils sont professeurs documentalistes. J'étais par contre au courant depuis un bout de temps (j'ai mes taupes dans l’Éducation Nationale, j'en suis même entouré depuis tout petit) qu'on ne dit plus instituteur, mais professeur des écoles.

Bon, ça me fait chier.

Je suis quelqu'un de très Vieille France, mais pour moi, instituteur, c'était un beau mot. Un instit, c'est même plus important qu'un prof : le rapport avec l'enfant est beaucoup plus délicat et beaucoup plus formateur. Un prof, c'est rien : quelques heures par semaine, on survit très bien à un mauvais prof. Un mauvais instit, c'est huit heures par jour qu'il abîme le gamin. Je préambule sur l'instit pour qu'on comprenne bien que j'ai tout sauf du mépris pour ce métier-là. J'aurais pu le faire sur les documentalistes, mais là, je n'avais qu'à vous coller une photo de mes bibliothèques pour vous faire comprendre que les gens qui vivent dans les livres, forcément, je n'ai rien de mal à en dire.

Et donc, professeur des écoles, professeur documentaliste, professeur agent d'entretien ou que sais-je encore, ça m'énerve pour plusieurs raisons. Outre que merde, instituteur, c'était quand même un joli mot, je suis extrêmement gêné par le sous entendu qu'il y a derrière : ça me semble un aveu, de la part des gens qui ont pris ces décisions-là, qu'effectivement, un prof, ça vaut mieux qu'un instituteur, qu'il y a une hiérarchie et que l'instituteur est inférieur, de valeur moindre. Qu'appeler l'instituteur professeur est une gracieuseté qu'on lui fait, de l'avancement à peu de frais.

j'ai également fortement l'impression -je peux être complètement à côté de la plaque- qu'en plus d'être un os à ronger : ah, les instituteurs ne sont pas contents de leur sort, j'ai une top idée : on n'a qu'à les appeler Professeurs des Écoles, et ils seront tout content, ça sera comme si on leur avait donné une promotion, mais ça ne nous aura rien coûté, et on n'aura rien eu à faire pour améliorer leurs conditions de travail. Il y a derrière l'idée idiote qu'on fait vraiment quelque-chose, que ça va réellement résoudre les problèmes. Ah ouais, pas con, c'est comme les hôtesses de caisse ou les techniciens de surface, comment d'un seul coup on a changé le regard de la société entière sur eux, rien qu'en changeant de terme !

Et ce principe-là me semble d'une connerie sans nom, complètement à côté de la plaque et idéal pour se voiler la face. Appeler une caissière hôtesse de caisse, c'est du politiquement correct pour essayer de faire oublier le mépris que les gens ont pour les caissières (qui n'a pas entendu une connasse sortir à son chiard si tu ne travailles pas à l'école, plus tard, tu seras comme la dame ! ?) Mais le mépris n'a jamais été dans le terme, le mépris, il est dans toute une éducation, tout un schéma de pensée. Outre que l'occupation actuelle de qui que ce soit n'a jamais été un indicateur suffisant de la personne dans sa globalité, ces boulots que les gens méprisent, je l'ai déjà dit : pour moi, ce sont des boulots nobles.

Et puis c'est tellement pratique pour éviter de se remettre en question, de remettre en question son propre fonctionnement, et se voiler la face devant les vrais problèmes. Tu dis keubla, parce que black te paraît un peu insultant, ouais mais black, c'est la bonne idée que tu avais trouvé pour éviter de dire noir, qui était un peu connoté quand même. Ah oui, mais souviens toi, au départ, si tu disais noir, mais parce que décidément, nègre, c'était plus possible, ça faisait temps béni des colonies.

Oui mais nègre, tu sais, ce n'est pas sale, comme mot. Ça vient du Portugais negro, ça veut juste dire noir, comme en Anglais on dit black, bien sûr. C'est juste une description de la couleur de la peau. Tu trouves ça insultant quand on te dit que tu es blanc ?

Bonjour le renouvellement aussi, pour soulager ta conscience, tu es passé (je traduis tout, pour que ça soit plus clair) de noir à noir, puis à noir, et enfin à noir. Et pendant ce temps-là ? Il y a encore des gens qui sont persuadés que ce sont des grands enfants, très forts pour la course à pied, mais qui ne valent quand même pas un blanc. Ça n'a pas tellement fait évoluer les états d'esprits, ces changements de dénomination. Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt, et ici, c'est pareil : quand certains ont senti le mépris qu'il y avait quand on parlait des nègres, ils ont décidé de supprimer le mot nègre. Ah c'est brillant, les enfants, une grande réussite, vous avez fait disparaître le racisme d'un coup.

Dans la vie de tous les jours, avec les gens qui me connaissent et qui ne sont pas susceptibles de me mal interpréter, il m'arrive de dire nègre ou pédé, et ce ne sont pas des insultes, ce n'en sont jamais, parce que par contre, j'ai arrêté depuis longtemps des les utiliser comme tels. Ce ne sont pas les mots qui m'emmerdent, c'est le sens que les gens leur donnent : je ne voudrais pas avoir l'air monomaniaque après mon billet précédent, mais c'est l'exemple le plus parlant : dire d'un gars qu'il est pédé parce qu'il est pédé, je ne vois vraiment pas où est le problème. Dire d'un gars qu'il est pédé parce qu'il n'aime pas roter en buvant sa bière devant le match de foot, c'est la base de beaucoup de formatages imparfaits dans la tête des gens.

Ben moi, si j'avais un pote nègre, pédé et instituteur, je serais fier.

(Je rajoute une petite note pour terminer : bon, la réalité est plus complexe, surtout dans les cas des tout ce qui est appelé professeur, puisqu'effectivement, on change un statut ici, on rogne là, on simplifie les études pour gagner trois sous et à la fin on mélange bien et on met des jolis termes par au dessus (un professeur des écoles n'a pas la même formation que celle qu'avait eu un instituteur, soit, mais un professeur certifié n'a plus non plus la même formation que les anciens professeurs certifiés). je l'ai dit plus haut : j'ai mes taupes dans l’Éducation Nationale, et le mépris de certains qui s'estimaient être des vrais profs par rapport aux autres, je ne l'ai jamais avalé. Voilà, c'était le point de départ de mon énervement.)

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Commentaires

1. Par xave, le 03/02/2011 à 22:13

Bon, excusez-moi, je me fais la conversation tout seul parce que voilà qu'on me signale par d'autres biais que ce "j'en serais fier" n'a pas lieu d'être, que mon ami imaginaire n'aurait pas moins de mérite à être blanc, hétéro et expert comptable.

Ah mais je suis entièrement d'accord, je n'ai jamais dit ça, je n'ai pas parlé d'être fier de lui. Il s'agit d'être fier de moi, d'être fier d'avoir dépassé certaines valeurs puantes qu'on a essayé de m'inculquer insidieusement ici ou là tout au long de ma vie.

C'est plus clair ?

2. Par xave, le 03/02/2011 à 22:20

Ah puis (il faudrait que je le mette dans l'en-tête du site) j'exprime un ressenti personnel, là, pas une vérité absolue.

3. Par anita, le 03/02/2011 à 22:25

Tout ça me rappelle l'histoire du noir dans le bus qui lit un journal en hébreu. Un type s'approche et, accablé, lui demande : "mais ça vous suffisait donc pas d'être nègre!!!!".
Désormais, je la raconterai comme suit : c'est l'histoire d'un noir qui lit les "cahiers pédagogiques" en hébreu...

4. Par L'Astronome, le 03/02/2011 à 22:31

Pour répondre à ton commentaire ci-dessus : nan, ça pue toujours du cul, un peu comme certains passages de ton billet d'hier... Bon, mais du coup tu me prives de 90% de mon élan réactif, là... À part ça, je voulais apporter un éclairage technique sur le statut de "professeur des école", différent de celui d'instit, et rappeler que les deux ont coexisté (coexistent peut-être toujours ?)... Mais pfff... c'est long et on s'en fout. Non, la vraie question, c'est : tes billets sur l'eau qui mouille et le feu qui brûle, là, c'est une stratégie pour nous faire regretter ceux qui parlaient de toi, c'est ça ? 'Tain, mais tout le monde te l'a dit, non ? Les gens qui traînent par ici viennent te lire parce que tu parles de toi. Les trucs sur l'eau qui mouille, en revanche, pfff... (Allez, pis sois gentil : raconte-nous tes rencontres en Malaisie, steuplé.)

5. Par xave, le 03/02/2011 à 22:32

Uhuh. Ça me rappelle une de mes préférées, tiens, sur le même thème : c'est un noir, un juif et un arabe qui montent dans un avion. Là, le commandant les regarde et leur demande nan mais vous n'en avez pas marre ?

6. Par xave, le 03/02/2011 à 22:39

Ah ben rev'la l'autre. Nan, mes billets sur l'eau qui mouille, c'est parce que je tombe régulièrement sur des gens qui s'en étonnent ou qui le nient, et ça m'énerve. Et j'ai personne en face de moi à qui dire que ça m'énerve alors je l'écris.

Et pour ce qui est de parler de moi, euh... putain, faudrait que j'écrive un billet pour expliquer pourquoi c'est très mauvais pour mon rapport à moi-même de parler de moi debout sur un banc avec un porte-voix, mais si je faisais ça, je serais encore en train de parler de moi, et hop, le mouvement perpétuel.

Nan mais sans rire, vous n'en avez pas marre de ma gueule ? Ma psy, elle est payée pour ça, mais vous ?

7. Par gru, le 03/02/2011 à 22:39

j'ai pas compris

8. Par xave, le 03/02/2011 à 22:40

C'est parce que tu n'as pas d'humour, t'es nul en blagues.

9. Par gru, le 03/02/2011 à 22:44

moi je m'en fous que tu parles de toi ou pas sur ton blog, mais je veux que tu expliques la blague là, je me sens super con.

merci.

10. Par xave, le 03/02/2011 à 22:47

C'est une blague de clôture, à sortir après une série du genre. Un peu comme après une série de Monsieur et Madame, quand tu arrives dans les niveaux "ont trois fils, deux filles, un chien, une opel corsa et un PEL", tu termines la soirée avec celle des quatre fils de monsieur et madame Talus.

11. Par gru, le 03/02/2011 à 23:24

du métahumour donc, hum

12. Par xave, le 03/02/2011 à 23:41

Ouais. Prochaine leçon, le méta-comique de répétition.

13. Par Franck, le 04/02/2011 à 10:49

Non mais pour de vrai, il est de quelle couleur ton sang ? C'est cryptique, alors lire ceci

14. Par Bob, le 04/02/2011 à 12:36

Il paraît que tu as des propos intolérables, où il y a pas de tolérance ?
Tu sais donc pas que c’est pas bien, d’être raciste ? Que c’est mal ? Qu’on ne doit pas faire de discrimination raciale, c’est mal.
Juger les gens sur leur religion, c’est mal. Sur leur couleur de peau, sur leurs origines sociales ou sur leur nationalité, c’est mal.
OK, puisque je vois qu’on peut pas discuter, on va faire un duel.

15. Par samantdi, le 04/02/2011 à 18:22

Moi j'aime autant les billets sur l'eau qui mouille que ceux sur ta vie amoureuse (sur laquelle j'ai à dire la chose suivante : sois heureux et compte fleurette à une chouette fille sans trop te fier à son tour de poitrine ou à ses lèvres pulpeuses et ses cheveux carotte).

Ceci dit, la dénomination "professeur des écoles" a permis d'être payé sur la grille des profs certifiés, ce qui a été quand même un plus (idem pour les professeurs documentalistes) lors de la création du terme. Sous-entendue aussi une volonté de mettre tout le monde au même niveau, que l'on enseigne de la maternelle au lycée. Fausse bonne idée, parce que ce n'est pas tout à fait le même métier, mais idée que je préfère quand même à celle de l'UMP qui aimerait que les instits de maternelle (professeurs des écoles) soient remplacés par des "nounous" (pas payées comme des profs, on s'en doute).

Sinon, professeur documentaliste, c'est un vrai métier, ça n'a pas grand-chose à voir de nos jours avec la merveilleuse représentation qu'on peut avoir d'un amoureux des livres vivant pépère dans le calme apaisant d'une une belle bibliothèque aux rayonnages garnis.

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