Métaphore

Il fait froid dehors

Papa

Dans quelques heures arriveront chez moi les gamins que je veux voler depuis des années, accompagnés de leur parents. Et j'ai en tête une réflexion sur le sujet qui me traîne depuis la dernière fois que je les ai vus (j'en profite parce que dans une semaine, ils m'auront sans doute tellement épuisé que j'aurai changé d'idée.)

J'ai eu envie d'avoir des enfants deux fois dans mon existence : d'abord après quelques années passées avec la première femme de ma vie, ensuite après quelques années passées avec la seconde. Pour moi, ça avait toujours été clair : il ne s'agissait absolument pas d'une envie d'enfants per se, mais d'une étape logique dans l'histoire d'amour ; je n'avais pas plus que ça envie de me reproduire, plutôt de reproduire la fille que j'aimais (d'ailleurs, je voulais des filles.)

Depuis quelques mois, j'ai beaucoup réfléchi à ce sujet, depuis surtout qu'en triant le souk à l'intérieur de ma tête, je me suis rendu compte qu'une des plus grosses sources d'angoisse de la rupture était qu'en disparaissant, elle détruisait pour moi la possibilité d'avoir des gamins à un âge "décent", puisqu'entre le temps pour me remettre de cette histoire, le temps de rencontrer à nouveau quelqu'un, le temps d'être suffisamment à l'aise dans la relation pour commencer à y penser et le temps que ça arrive vraiment, je ne m'attends pas à pouvoir être appelé Papa avant un bon nombre d'années, si même ça arrive un jour.

Et c'est du gâchis. Parce que j'ai compris maintenant que plutôt que d'avoir envie de prolonger l'histoire d'amour par une famille, c'est la famille elle-même dont je rêve. Une famille dont l'amour n'est pas un pré-requis, mais une composante indispensable. Mon fantasme absolu, c'est d'offrir à des gamins ce que je n'ai jamais eu : des parents qui s'aiment.

Et c'est du gâchis parce que s'il m'arrive encore d'être emprunté quand on me colle un bébé dans les bras, je sais qu'il ne s'agit que d'un manque d'habitude. Je n'ai plus la crainte de ne pas savoir donner, je sais au fond de moi que je saurais satisfaire de mes enfants les besoins d'amour, de protection, d'assise et de tendresse. Je sens en moi les capacités d'attention, d'autorité et de patience qui pourraient rendre des enfants heureux[1].

Je me sais capable d'être un bon père.

J'en crève d'envie.

Notes

[1] Sans compter la transmission de gènes reconnus comme étant de qualité par l'ensemble du corps médical, merde !

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Commentaires

1. Par jrm, le 06/08/2009 à 14:23

Si bien dit que je me fends de mon premier commentaire en... longtemps.
Voilà une pensée que je n'ai pas été fichu de formuler pendant des années avant l'arrivée accidentelle et oh combien heureuse de mon fils (à l'époque, d'ailleurs, j'aurais bien aimé qu'une fille naisse d'abord).
Aujourd'hui jeune père trentenaire d'un fils de trois ans (pour notre génération, c'est la bonne décennie, assez tardive pour pouvoir se brûler les ailes comme il faut dans la précédente et suffisamment précoce pour avoir encore l'énergie indipensable pour bien faire les choses), je te confirme que c'est bien cela : avant, ça semble étrange de s'occuper d'enfants, de prendre soin d'un nourisson ; après, c'est ce qu'il y a de plus naturel et épanouissant au monde.
Et la condition sine qua non - j'en suis plus que jamais convaincu - est bien d'être au moins deux. Amoureux. Et de se voir en "famille", pas uniquement en "couple avec enfant". Voilà l'une des conditions pour être un bon père (je ne m'avancerai pas sur les mères).
Ah, et cela aussi, pour les frileux : on ne perd rien, on gagne autre chose.

2. Par Presque Toi, le 06/08/2009 à 19:14

Tu me rappelles un de mes amis, dans le même cas, la même envie, la même crainte... Ben il l'a eue, sa fille. À 41 ans, et ouais. Alors qu'à 39 et demi il était toujours célibataire.
Tu sais que plus on vieillit plus tout va plus vite dans ce genre de choix. Tu sais que j'y crois, moi, à ta paternité ?

3. Par LeChieur, le 07/08/2009 à 17:35

Tu réécris un peu l'histoire, si je ne m'abuse. Il me semble qu'au contraire, c'est grâce à ta dernière rupture que tu retrouves des chances d'avoir des enfants, vu que la dame que tu chérissais n'en voulait pas. Et puis fi de ces histoires d'âge, puisque ton check-up dit que tu tiens une forme olympienne ; le compteur, on s'en fout. Conclusion, arrête de chouiner devant ton écran et bouge un peu de là : les jolies demoiselles, c'est dehors qu'elles sont, rien qu'aujourd'hui j'en ai vu plein dans ton quartier (mais tu attendras cinq ou six jours de plus pour aller à leur rencontre, quand même, vu que ton appart est un peu surpeuplé, ces temps-ci...)

4. Par LeChieur, le 07/08/2009 à 17:38

Ah, et c'est normal d'avoir l'air emprunté quand t'as un bébé dans les bras, ça le fait à tout le monde (sauf aux gens dont c'est le métier, j'espère). Y a que les siens qu'on sait tenir, ceux des autres on a toujours peur de les casser en les prenant.

5. Par xave, le 07/08/2009 à 17:57

Oulah, mais je ne réécris rien du tout : Tu as été le premier à dire qu'il était manifeste (sauf pour elle à l'époque) que la dame que je chérissais en avait envie aussi. Elle se faisait juste une idée un peu trop extrême de ce que devait être son indépendance, pensant qu'elle devait exclure la vie en couple et la progéniture. Elle m'a confirmé plusieurs fois depuis (et très tôt après la rupture) qu'elle avait très nettement revu ses positions.

Ceci dit, oscillant encore entre nous aurions été complémentaires et ce n'est pas la mère que je veux pour mes enfants, ma réflexion était générique et pas nécessairement liée à elle. C'est contre le timing que je peste.

6. Par LeChieur, le 07/08/2009 à 22:52

Certes, je parlais évidemment du discours officiel. Après, les interprétations et les hypothèses, toussa, c'est trop hasardeux. Quant au timing, si tu fais des mômes dans cinq ans, tu ne seras toujours pas à la retraite au moment de les inscrire à la fac. Tout va bien.

7. Par omicron, le 08/08/2009 à 00:39

Bonsoir (de Toulouse),

je viens de temps en temps picorer sur votre blog quelques unes de vos tranches de vie et c'est toujours un plaisir pour moi de lire votre style.
Si je me permets un commentaire ce soir, c'est pour vous apporter ce témoignage qui vous conduira certainement à mieux envisager votre avenir de père.
http://www.pauljorion.com/blog/?p=4...
En même temps, comme papa de deux enfants de 24 et 21 ans, je me demande si l'exemple dont je vous transmets le lien est vraiment à suivre et s'il est bien raisonnable de ma part de vous faire espérer jusqu'à 63 ans ! :-)

8. Par Emma, le 08/08/2009 à 21:33

Je rejoins LeChieur : peut-être que tu ne réécris rien, mais tu écris des regrets, alors qu'il n'est absolument pas trop tard. Et c'est la part de résignation inconsciente qu'ils infiltrent qui me semble pernicieuse (je ne crois absolument pas à l'idée de destin mais à ce genre "d'auto-programmation", oui).

Une large part de ton texte m'évoque un regard suspendu, "dans le vide" comme on dit. Je préfère largement le regard (au) présent qui résonne à la fin. Celui-là me paraît le plus sincère : tu es prêt, tu es déjà père dans l'âme. Il me semble que c'est le plus long, le plus difficile. Alors pour moi, nul doute que la concrétisation suivra.

9. Par Philippe, le 09/08/2009 à 10:06

Tu n'es pas obligé de les faire, les enfants, tu peux aussi rencontrer une dame qui en a déjà, et t'en occuper.

10. Par gilda, le 09/08/2009 à 16:02

T'inquiète donc pas, autant pour les femmes l'horloge est impitoyable (même si de nos jours on a vu possibles quelques étranges bricolages) autant pour les hommes le temps qui passe n'est pas un obstacle infranchissable. En plus que maintenant que tu es un type qui fait des pompes et en pleine santé tu risques de vivre vieux :-)

11. Par PT, le 10/08/2009 à 22:31

"c'est d'offrir à des gamins ce que je n'ai jamais eu : des parents qui s'aiment."
Après discussion, envie de te demander : ne serait-ce pas plutôt "un père qui (montre qu'il) m'aime" ?

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