Métaphore

C'est quand même un dur métier que d'être journaliste. Je pense à cet andouille l'autre jour sur France Inter qui disait à Bayrou qu'il ne pouvait pas ne pas se placer entre Sarkozy et Royal (Vous voterez pour qui au deuxième tour ?), il avait tout compris des positions de son invité, celui là. Je pense aussi à ce crétin sur France 5 qui recevait entre autres Albert Algoud, spécialiste reconnu de toutes choses tintinophilesques et qui lui soutenait que mais si, Hergé était un vieux réac un peu facho, que lui il savait.

Nan mais il avait sûrement raison, qu'est-ce qu'ils y connaissent, les spécialistes ? Ils présentent une émission, eux ? Non ? Bon alors ?

Non, Hergé n'était pas un facho. Oui, Hergé était réac, au début. Hergé était catholique dans les années vingt, il était donc par définition réac. Oui, Tintin au Congo est rempli de petits nègres civilisés par les bons missionnaires : Ça ne serait venu à l'idée de personne à l'époque de penser autrement. Est-ce qu'on pourrait s'il-vous-plaît arrêter de juger les références culturelles d'une œuvre du passé à l'aulne des nôtres ?

D'autant qu'il n'a jamais refusé de s'expliquer sur le sujet. Il faut écouter sa Radioscopie où l'une des premières questions de Chancel est Mais dites moi, Hergé, vous étiez profondément raciste, non ? Le premier mot de sa réponse est oui.

J'aime Hergé, comme j'aime les Beatles ou Brassens : quand on aime un genre et qu'on fouille un peu les influences des gens qu'on apprécie, on finit fatalement par retomber sur les classiques, ceux sans qui rien ne serait pareil. Sans Hergé, rien ne serait pareil : il n'a pas inventé la bande dessinée, mais personne autant que lui n'a contribué à en fixer les codes. Non, Hergé n'est pas non plus gentillet : si Tintin a tellement facilement traversé les décennies, c'est que l'œuvre est autrement plus profonde que des simples petits bonshommes rigolos. Je ne vais pas vous faire un cours sur Hérgé, ses influences, son histoire, ses périodes, mais je ne peux m'empêcher d'avoir une certain sympathie pour un monsieur qui a passé la majeure partie de sa vie à remettre en cause ce qu'il était dans sa jeunesse. Être éduqué dans le catholicisme intolérant des années 20 et finir plus proche plus proche du Zen que d'autre chose, c'est un parcours honorable.

En plus il aimait les chats.

(c'est marrant quand même de voir les similitudes entre les deux plus grands belges morts du siècle dernier, surtout au niveau de la biographie, surtout au niveau de la jeunesse, surtout au niveau de la couleur : gris. Des enfances sans intérêt qui leur ont laissé un mauvais souvenir. Toute une vie ... Non : toute deux vies à sortir de la grisaille.)