Amusons nous avec nos représentants du peuple...
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Je ne suis pas un grand vulgarisateur, pas non plus un très bon conteur, veillez donc me pardonner le style à peine plus que télégraphique de ce qui suit. Au cas où vous ne seriez pas encore tombé la dessus au détour de vos surfs quotidiens, je vais vous faire un petit résumé (et qu'on me pardonne aussi les simplifications outrancières, je ne suis pas un technicien de la loi, par contre, d'autres le sont, c'est pour ça que ce billet est aussi un agrégateur vers la plupart des articles d'Eolas qui traitent du sujet.)
En 2001 (voir un rappel de la chronologie) est arrivée une directive européenne concernant la gestion des droits autour de tout ce qui était numérique. Comme toujours en pareil cas, les pays membres avait quatre ans pour adapter ça dans leur législation. Voilà donc qu'en France, on a balancé ça en urgence devant l'Assemblée Nationale ... une dizaine de jours avant la date limite. Le but étant : on valide à l'Assemblée, on valide au Sénat, et c'est torché. Hop, de toutes façons, c'est Noël, tout le monde s'en tamponne, d'ailleurs, tiens : allons plus loin que ce que demande la directive, rajoutons des tas de clauses restrictives, les éditeurs nous l'ont demandé gentiment[1].
Manque de bol, tous les députés ne sont pas des branques, voilà qu'il y a foire d'empoigne : contrairement à ce que pensaient ceux qui avait préparé la loi, un certain nombre des élus savent de quoi on parlent, savent même pour certain qu'on limite les libertés du public pour faire plaisir aux éditeurs, voire supportent très mal qu'on ai invité ces éditeurs à faire leur pub et à venir offrir des cadeaux dans les locaux mêmes de l'Assemblée. Arrive alors un gros imprévu : une bonne partie des députés de la majorité rejettent le texte en cœur avec l'opposition, et des amendements sont même faits qui retournent le texte en faveur du public, sacrilège !
Bon allez, on va faire un truc alors : on oublie. Tant pis, on paie l'amende, on va resserrer un peu les boulons du truc et on va le repasser ne plus propre, sinon, les éditeurs risquent de ne plus nous faire des jolis cadeaux. On revient donc quelques semaines plus tard avec un texte nettoyé, où on a pris soin d'oublier tous les amendements trop ostensiblement en faveur du public. On a juste laissé deux ou trois trucs un peu flous, histoire de faire plaisir à tout le monde. On se bagarre encore un peu, mais finalement ça se calme et le texte est voté, avec de quoi faire plaisir à tout le monde, partant, d'énerver tout le monde.
Mais heureusement, le Sénat est là ! Notons bien une différence entre l'Assemblée et le Sénat : les sénateurs ne sont pas élus. Et si beaucoup de gens étaient allé voir leur député pour lui dire "Euh, scuse, mais le truc dont vous allez parler, là, moi (ton électeur), ça m'intéresse." pour les sénateurs, ça ne fonctionne pas de la même manière. Tout à fait en accord avec personne d'autre qu'eux (à moins, mais je ne voudrais pas dire du mal, qu'eux aussi soient copains avec les éditeurs.) ils ont pris la loi, ont soigneusement arraché tout ce qui était en faveur du public, et ont dit qu'elle était finie, voilà, que pour peu qu'elle soit en accord avec la constitution, elle passerait comme ça[2].
Et heureusement qu'il a fallu valider ça par rapport à la constitution : le Sénat avait oublié des trucs, dis ! Restait dans la loi le principe d'interopérabilité[3], l'absence de prison ferme et d'inscription au casier judiciaire pour les ceusses qui téléchargent sans payer (on leur faisait payer une amende plutôt.)
Donc ou, le Conseil Constitutionel a pu terminer le travail : Interopérabilité ? Naaaaan, c'est trop flou comme concept, faisons le sauter. N'oubliez donc pas d'acheter le dernier morceau de la starac une fois pour votre autoradio, une fois pour votre chaîne hifi, une fois pour votre baladeur, une fois pour votre téléphone portable, et ainsi de suite[4] et les vilains criminels internationaux qui piratent (et c'est beaucoup plus courant qu'on ne pourrait le croire. Si des enfants de primaire peuvent chanter des chansons sans avoir auparavant payé les droits, la porte est ouverte à toutes les fenêtres, nous vivons dans un monde de délinquants !) on va le mettre en prison.
Boutonneux, fais attention : la prochaine fois que tu téléchargeras un massacre par la starac d'une chanson d'un bon auteur qui s'est fait jeter par sa maison de disque, ça vaudra trois ans fermes et la fermeture de tout poste dans la fonction publique (pour être payé par l'état, il ne te restera plus qu'à faire député.)
La prochaine fois, pour vous rendre la confiance dans vos élus, je vous raconte comment Vanneste essaie, en invoquant la Bible de faire voter des lois dont il serait le seul bénéficiaire.
Notes
[1] En langage de député, c'est un peu comme en langage de journaliste : ils nous ont offert des cadeaux, des croisières, des trucs gentils comme ça. Et tant qu'à faire, rendons leur la pareille ; Puisqu'ils nous ont invités, invitons-les à faire leur pub au sein de l'enceinte, du côté où depuis des décennies ne vont que les députés eux mêmes et les services d'entretien.
[2] Ah oui, c'est un des points rigolos de la procédure en urgence : normalement, une loi, ça fait des aller-retours entre l'Assemblée et le Sénat, histoire qu'ils se mettent d'accord. Là non : Assemblée, puis Sénat, fini !
[3] Interopérabillité : un terme barbare qui veut dire que si vous achetez un morceau, vous avez le droit de l'écouter où bon vous semble, pas uniquement où le vendeur l'a décidé. Ça veut dire que vous n'êtes pas obligé d'acheter le morceau une fois pour votre chaîne hifi,une fois pour votre baladeur, une fois pour votre autoradio, etc.
[4] On en profite pour paver la voie à une criminalisation totale de toute tentative de contourner les DRM, ces dispositifs qui permettent à un éditeur de contrôler ce que vous faites avec ce qu'il vous vend, ou ce qu'il vous loue plutôt, puisqu'il peut décider quand il le désire de vous ôter l'accès.
Commentaires
Bonjour xave,
J'ai une petite question qui me taraude, qu'il serait peut-être plus judicieux de poser à Eolas mais on ne sait jamais que tu te la sois déjà posée, donc voilà.
Etant, si je ne m'abuse, français résident en Belgique, es-tu "soumis" à la DADVSI française ou à l'absence de DADVSI belge ?
Étant moi-même belge, je ne suis guère victime de la DADVSI (enfin, jusqu'à ce qu'elle passe la frontière), mais des amis français envisagent sérieusement de s'installer en Belgique... en fonction des prochaines présidentielles.
À ce propos, si tu voulais bien enlever ta dernière note concernant la chaleur excessive de ces derniers temps en Belgique, je t'en saurais gré. Moi qui leur serine depuis des lustres que le climat belge est comparable au climat breton, je vais perdre toute crédibilité s'ils passent sur ton blog.
Merci d'avance si tu as une réponse à ma question.
Je te souhaite.
J'imagine que ça dépend du pays où je ferais ces copies... sauf cas très particuliers (tourisme sexuel par exemple) il ne me semble pas être soumis à la legislation française lorsque je suis à l'étranger, fusse un étranger aussi proche.
Pour ce qui est du déménagement en Belgique, j'en connais aussi plusieurs qui y pensent, même si malheureusement, financièrement, ce n'est pas à la portée de tout le monde .... Il y a quand même un signe, parce que je n'ai pas souvenir que de telles idées se soient ainsi promenées lors des précédentes présidentielles.
Pour le temps, je n'y peux rien, moi, si la Belgique ne tient pas ses promesses !
Enfin, pour terminer, je te fais parvenir la facture de mon ophtalmologue.
Bonsoir
Juste une rectification (de taille quand même), les sénateurs sont élus !
Ils le sont par ce que l'on appel les "grands électeurs", terme qui désigne en fait d'autres élus.
En résumé, les sénateurs sont élus par des élus qui eux sont élus par le peuple !
Heu, suis-je bien clair ? et puis c'était quoi la question déja ???
"élus par le peuple", c'était un peu long à écrire et un peu ronflant.