Métaphore

Il fait froid dehors

Ceci est un détournement

Ne bougez pas : ceci est un détournement de site. Mettez vos mains sur la tête, ne paniquez pas, et lisez lentement tout ce qui suit. Si vous suivez ces instructions, nous vous laisserons repartir librement et en bon état, ou peu s'en faut. Nous, c'est les représentants du mouvement UVMPLMMM (Une Vie Meilleure pour les Managers du Monde de la Musique).

Xave est un gars bien. Il ne veut pas être considéré comme un pirate par l'industrie de la musique, parce que le téléchargement et le gravage lui permettent de découvrir des artistes, et d'orienter ses choix lorsqu'il sort sa carte bleue pour le plus grand plaisir de son disquaire.

Le problème, c'est qu'il y a d'autres types de pirates. En dehors de ceux qui en font une activité rémunérée à grande échelle, et dont il n'est pas besoin de parler, j'en distinguerai trois :

- ceux qui, comme Xave, font des MP3 et des CD gravés exactement le même usage que celui qu'on faisait des cassettes audio il y a quinze ans. Ca leur sert à découvrir, à faire connaître, ou à pouvoir quand même écouter de la musique quand ils n'ont pas de sous. Ceux-là participent à la vie de la musique : ils aiment les groupes, propagent l'information autour d'eux, vont aux concerts quand ils peuvent, et préfèrent s'acheter des vrais albums s'ils en ont les moyens. Ceux-là sont les "utiles".

- ceux qui auraient le budget, mais ont choisi de ne plus s'acheter de CD. Ils ont généralement entre 25 et 45 ans, une vie sociale épanouie, et un ordinateur au boulot qui leur permet de télécharger toute la journée en tâche de fond. Ceux-là vont toujours chez les disquaires, mais seulement pour repérer les nouvelles sorties, écouter les albums récents aux points d'écoute, et faire la liste des morceaux qu'ils iront télécharger le lendemain. Nous les appellerons les "nuisibles".

L'exemple de l'écrivain invoqué par Janis Ian, que cite Xave, est faux : certes, quand on est auteur et qu'on a un livre qui circule sur le web, ça peut inciter les lecteurs à entrer dans une librairie pour acheter les autres. Quand on est musicien, ce n'est pas un titre qui circule, mais absolument toute votre oeuvre ! Je m'occupe d'un groupe peu connu, qui tourne loin des médias nationaux. Chacun de ses albums est disponible en dizaines d'exemplaires sur e-donkey, et on trouve également la possibilité de télécharger l'intégrale en un seul clic... Dans le cas de ce groupe, le téléchargement a aussi son utilité : il fait découvrir le groupe, et participe au remplissage des concerts. Le problème, c'est qu'il y a des tas d'artistes qui ne vivent que de leurs disques, parce qu'ils ne veulent pas ou ne peuvent pas faire de concerts. Tous les répertoires ne sont pas forcément adaptables à la scène, et tous les tempéraments ne se prêtent pas forcément au spectacle.

Evidemment, les nuisibles n'ont nullement l'impression qu'ils sont en train de saper le marché. Ils ne voient pas pourquoi ils iraient payer pour un service qu'ils peuvent obtenir gratuitement. Ils n'ont pas conscience, ou alors ils s'en contrefoutent, que leurs agissements permettent tout et n'importe quoi :

- grâce au piratage, les majors ont trouvé l'argument imparable pour justifier tout ce qu'elle font. Elles rendent les contrats et mettent les artistes à la rue ? La faute aux pirates. Elles licencient ? La faute aux pirates. Elles ne s'engagent plus artistiquement ? La faute aux pirates. Elles nous abreuvent de groupes fabriqués par la télé-réalité ? La faute aux pirates ! Faut bien survivre...

- La rentabilité, déjà indispensable dans nos métiers, est devenue le seul critère de survie. Tu es artiste, et tu penses pouvoir trouver un public d'environ 20 à 30.000 acheteurs ? Passe les concours de la fonction publique ou enregistre ton disque dans ta cave. A moins de 100.000 albums en ligne de mire, plus personne n'ira s'engager sur ton projet.

- La distribution des disques, déjà trustée par les supermarchés, devient de plus en plus compliquée. Si tu n'es pas au TOP 50, ton disque ne sera pas disponible chez Auchan. Quant aux enseignes spécialisées, elles sont en train de resserrer les boulons. Autrefois, quand un CD sortait chez n'importe quel distributeur indépendant, il était automatiquement référencé à la FNAC. Ce n'est plus le cas : il faut pouvoir garder de la place en rayon pour ce qui se vend encore à haute dose. Quant aux petits disquaires indépendants, qui survivaient car ils avaient une clientèle exigeante, ils sont en train de mourir, et pas à petit feu : c'est justement chez eux que se rendent les "nuisibles" décrits plus hauts. Toujours aussi exigeants, mais de plus en plus radins... Et les magasins ferment.

Conclusion de tout ça ? Il y a de moins en moins de nouveaux disques, de moins en moins de points de ventes spécialisés, et on ne se dirige même plus vers "l'uniformisation" du marché : on se dirige vers une situation où on aura le choix chaque mois entre 20 albums, qu'on mettra dans son caddie entre les croquettes pour le chien et le PQ... Conséquence automatique, les amateurs de e-donkey vont à leur tour avoir bien du mal à trouver du contenu pour leurs agissements... Ca s'appelle tuer la poule aux oeufs d'or.

Alors bien sûr, les maisons de disques n'ont qu'à s'organiser. Inventer de nouveaux moyens de diffusion de la musique, rebondir en faisant preuve d'intelligence et d'originalité. Mais il faut du temps, pour tout ça. Le temps nécessaire à des centaines d'artistes, de disquaires et de petits labels indépendants pour trouver le chemin de l'ANPE.

Ah oui, je parlais de trois types de pirates, et je n'en ai présenté que deux. Le troisième, ce serait une firme européenne, fabricant de matériel audio et propriétaire d'une des plus anciennes maisons de disques. Juste avant d'annoncer la mise en vente de son premier graveur de salon, cette société s'est comme par hasard débarrassée de l'ensemble de ses activités de production musicale... Rien d'illégal là-dedans, c'est juste du business. Ou, en français courant, du cynisme.

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Commentaires

1. Par LeChieur, le 24/11/2009 à 18:10

Putain, qu'est-ce que j'étais con, en 2004... J'en suis tout ébahi (j'avais complètement oublié cette cochonnerie, j'aurais jamais du cliquer sur le tag "LeChieur"... )
"Y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis", il paraît. Bin c'est bon signe...

2. Par xave, le 24/11/2009 à 18:46

Mais non, tu étais professionnel.

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