Frère, il faut vivre

Qu'ils fatiguent le coeur, et le bien et le mal...
Des amours déçus le maelström infernal
Égale l'épuisement, c'est étrange et pourtant,
D'un cœur qui profite de se savoir vivant.

Bruxelles est une fort jolie ville peuplée de fort jolie filles, chaque jour qui passe m'en convainc un peu plus, dans les rues, les allées, les bureaux même parfois, de charmants sourires, de beaux yeux profonds enluminent mes journées, et honteux (un peu) et joyeux (beaucoup) je me laisse un peu aller... Je n'ai pas eu le temps d'aborder cette jolie inconnue qui attendait qui quoi qu'est-ce? Je ne sais pas. Mais Natalia a été charmante, et si j'ai un peu dragué Aurora, c'est Francesca qui ne voulait plus me lacher. Ah ces filles du sud... mais le nord n'est pas en reste et Ingeborg a ensoleillé ma journée d'hier d'un sourire...

Une mention spéciale pour ces petites demoiselles hier, simplement assises par terre et qui chantaient. Qui chantaient en vrai, en grand, cinq petites miss qui à elles seules chantaient comme tout un chœur religieux, ou de gospel, ou que sais-je encore, car leurs possibilités vocales étaient semble-t'il fort peu limitées. Je suis rarement resté sans bouger pendant une heure et demie à ne rien faire qu'écouter (bien qu'à regarder, elles n'était pas désagréables non plus)

Un grand sourire aussi pour la miss Hiez qui des canaux de venise m'a fait la joie de m'envoyer ses meilleurs souvenirs (en passant son silence son mariage, mais vous êtes déjà allés à Venise sans que ce soit en voyage de noces, vous?). Merci, mademoiselle, de me mettre de bonne humeur, et à charge de revanche!


Vous l'aurez sans doute remarqué, je suis en phase avec Richepin ces temps-ci, je voudrais donc vous faire profiter d'un autre texte, qui parle de lui-même, il est un peu plus long que les précédents, mais il vaut le détour. Il s'intitule Frère, il faut vivre.

Oui, je pleurais hier et j'en voulais mourir.
Frère, étais-je assez bète! Ah! j'aime mieux être ivre!
Et tout de suite! mieux vaux tenir que courrir.
Verse-moi du vieux vin, beaucoup. Frère, il faut vivre!

Verse! J'ai le gosier meurtri par les sanglots,
J'ai la luette sèche et j'ai la langue rêche.
Verse! verse du vin! Encore! Et que ses flots
Au ruisseau de mon cou chantent leur chanson fraîche!

Et fais-nous apporter des viandes, du jambon
Rose comme une joue en fleur de miss anglaise,
Et du roastbeef saignant. Frère, le sang est bon.
Et déboutonnons nos gilets tout à notre aise !

Le saucisson non plus, frère, n'est pas mauvais.
C'est l'éperon à boire. Ohé! qu'on nous l'amène!
Nous lutterons avec la ripaille, et je vais
Enterrer son armée au creux de ma bedaine.


Frère, veux-tu dormir sur ce bon matelas?
Jusqu'à l'heure où le ciel est bleu comme du soufre
Qui flambe, nous ferons un long somme, étant las.
Nous ne rêverons point, car en rêvant, on souffre.

Et demain, au réveil, nous serons frais et gais,
Nous aurons ce beau teint fleuri que l'on révère.
Nous chanterons; et quand nous serons fatigués,
Nous recommencerons à vider notre verre.

Et nous irons ainsi demain, après-demain,
Toujours. Si quelqu'un dit que l'on se déshonore
À ce jeu, nous ferons, en nous tenant la main,
Au nez de sa vertu ronfler un rot sonore.

L'honneur, c'est de bien vivre et d'être très heureux.
Ventre libre, pieds chauds, coeur vide et tête froide.
Au diable les prêcheurs rigides ! Bren pour eux !
C'est l'affaire d'un mort de se montrer si roide.

Nous, nous sommes vivants, et très vivants morbleu !
Nous trouvons le vin bon et les femmes bien faites,
Et nous ne voulons pas mettre un crêpe au ciel bleu,
Ni penser qu'il y a des lendemains aux fêtes.

Quels lendemains d'ailleurs? La mort n'en est pas un.
Ce n'est pas un coucher qui promette une aurore;
C'est le retour d'un peu de rien au tout commun;
Sous un aspect nouveau c'est de la vie encore.

Mais voilà! Quelle vie? Est-ce ma vie à moi?
Non. Quand je serais mort j'aurais fini ma vie.
Tu ris? Tu me crois soûl, n'est-ce pas! Et pourquoi?
Ma phrase à La Palice aurait pu faire envie,

Soit! Mais ce La Palice était un incompris.
On a dit un grand mot en disant qu'un quart d'heure
Avant sa mort... tu connais le reste ; il a son prix,
Et dit qu'il fait bon vivre avant que l'on ne meure.

Donc, frère, encore un coup, mangeons, buvons, baisons,
Vivons, pleins d'une faim de vivre inassouvie!
Et quand la mort clôra nos machoires, faisons
Du hoquet de la mort un salut à la vie !

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