Métaphore

Il fait froid dehors

Mémoire géographique

Bouge

Longtemps, en voyage, j'ai noirci les pages de mes petits carnets pour noter tout ce que je visitais, tout ce que je vivais, tous ceux que je rencontrais. Je voulais garder un souvenir le plus net possible, et pour ce faire, j'avais besoin de documenter. Un jour, je suis parti en Nouvelle Zélande et je suis allé plus loin : sur mes cartes, tous les soirs, je surlignais le trajet de la journée. Grâce à ces trajets et à la couverture énorme de Street View dans le pays, lorsque je suis rentré, j'ai passé des jours à géo-localiser toutes mes photos. Ça a été une révélation.

D'un seul coup, ce voyage là s'est gravé dans ma mémoire comme ça n'avait jamais été le cas pour les précédents. J'ai compris alors que j'avais besoin de fixer mes trajets et situer mes photos pour pouvoir, de mémoire, retrouver tout ce qu'il y avait autour. Lors du voyage suivant, je suis parti avec un enregistreur GPS, et celui-ci a annulé presque tout besoin de prise de note. Ça m'a permis également de resituer des images qui me restait de mon séjour précédent au même endroit, ravivant des souvenirs vieux de plusieurs années.

Récemment, à Tokyo, même topo : j'avais des photos prises plusieurs années auparavant qui m'étaient frustrantes, parce que je ne savais pas à quoi les rattacher. Quand j'ai retrouvé les mêmes lieux, que j'ai pu fixer géographiquement ces images, j'ai eu exactement la même impression qu'après un grand ménage : ayant enfin pu ranger ces images qui me pesaient depuis longtemps, j'ai ressenti une légèreté nouvelle. J'ai même eu l'occasion de ranger des images qui me pesaient encore plus : celles dont je n'avais pas de photos. Des lieux que j'avais enregistrés, dont j'avais une image mentale floue et que je ne savais absolument pas à quoi rattacher. Ce restaurant où j'étais allé le deuxième soir, cette plate-forme et cet escalier donnant sur une gare, ce bazar à la façade qui détonne dans une rue chic...

Et ce troquet, au milieu d'un marché de rue, sous une voie-ferrée, où les employés du coin viennent socialement se saouler entre collègues après le boulot. Cette image est restée nette dans mon esprit pendant des années, aucun support visuel, aucune idée de sa localisation. C'est bon, j'ai maintenant.

(photo: le bouge en question))

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