Alors, la Malaisie : fait.

Je suis donc de retour, vivant, entier, heureux.

Après quelques jours de ré-acclimatation (40° de choc thermique, quand même. Je suis passé des engelures aux coups de soleil et aux suées, puis de nouveau au gros coup de froid) j'ai commencé à me replonger dans le séjour en commençant à classer mes photos ; visiblement, j'en ai beaucoup moins que la dernière fois, mais soit j'ai moins de déchet, soit je deviens beaucoup moins exigeant vis à vis de moi-même, parce que j'ai envie d'en garder beaucoup plus.

Windows seat

Récapitulons : comme les problèmes de santé sont un peu devenus une habitude cette année (non mais écoutez vos grand-mères : l'important, c'est la santé) je suis revenu au boulot en Novembre après quinze jours d'arrêt, pour y être accueilli par mon chef qui m'annonce que pour des histoires de budget, il avait besoin de connaître les dates des congés que j'allais encore prendre cette année. Pour quand ? Cet après-midi. Ah ué.

Il me restait trois semaines à prendre, je ne pouvais pas tout caser entre Noël et Nouvel-An, donc vite, trouver un truc : j'ai rencontré une Malaisienne en Écosse qui m'a dit de passer quand je voulais. Ah ben voilà, ne restait plus qu'à trouver des dates entre deux rendez-vous médicaux, un vol pas cher et c'est parti.

Et puis j'ai passé presque trois semaines à paniquer parce que je partais dans un pays dont je ne connaissais rien et qu'on ne se refait pas : l'organisation, ce n'est pas mon truc. Une semaine avant de partir, j'ai pensé à demander un permis international, trois jours après, j'ai pensé à prendre un billet de train pour aller jusqu'à l'aéroport, la veille du départ, j'ai pensé utile de réserver un hôtel pour la première nuit, puisque j'arrivais tard. C'est à peu près la totalité de mes préparatifs, pour le reste je n'avais pas la moindre idée de ce à quoi m'attendre (hors Japon -mais c'est spécial- je ne suis jamais allé en Asie, j'en savais juste assez sur le pays pour savoir que de toutes façons il n'était pas très représentatif.)

Et puis pour la deuxième fois cette année, me faire retirer les fils d'une intervention a été le signal que je partais le lendemain. Et c'est pas pour cafter, mais vous devez aller en Malaisie : j'ai tout adoré, tout. De base, le pays est extraordinaire grâce à ses habitants : 60% de malais[1], 25% de chinois, 10% d'indiens, et le reste de divers et variés. Alors bien sûr, ce n'est jamais sans problème de faire cohabiter ainsi des groupes ethniques, mais dans l'ensemble, ça donne un savoureux mélange et une grande ouverture à l'autre (surtout, my god, au niveau de la bouffe, ces cuisines qui se mélangent, c'est un orgasme perpétuel.)

À l'époque où je n'étais encore jamais parti seul, j'étais effrayé par cette idée, parce que j'avais toujours délégué l'organisation à quelqu'un pour qui c'était un talent naturel, alors que ce n'est vraiment pas mon truc. Et puis plus ça passe, plus je me rends compte que finalement, ce n'est pas grave : si on ne sait pas organiser, il n'y a qu'à improviser, et c'est encore mieux : se laisser porter et ne pas savoir ce qu'on fait le lendemain, ça a quelque-chose de très agréable.

Alors, du coup, conduire à gauche, de nuit, en ville, le lendemain de son arrivée : fait. Prendre des coups de soleil en décembre : fait. Ne manger que des trucs dont on ne soupçonnait pas l'existence et se régaler toujours[2]: fait. Conduire encore sur les routes défoncées sous les pluies tropicales, s'arrêter parce qu'on passe à côté d'un village où il y a un marché malais, traverser le pays dans des petits bus brinquebalants: fait. Remonter le fleuve en pirogue, casser mes lunettes dans la jungle, y marcher deux jours dans la boue en portant le paquetage de deux personnes à cause d'un accident de chaussures : fait. Se choper des sangsues, défendre sa nourriture contre les féroces souris de la jungle, essayer de dormir sur une planche dans le barouf incroyable des animaux qui se réveillent la nuit : fait. Rester une heure à regarder le soleil se coucher sur les tours jumelles -elles sont beeeeeeeelles- de Kuala Lumpur, visiter des temples d'à peu près toutes les confessions, marcher des petits quartiers délabrés aux grands ensembles modernes dans lesquels règnent une frénésie de construction, se réveiller aux aurores pour faire des visites ou faire la grasse matinée sous le ventilateur : fait. Prendre mon pied en me disant dans les moments les plus inconfortables que je ne vis pas ça tous les jours : fait.

Il y a des années, je suis allé en Jordanie, ça restait pour moi l'expérience où je m'étais le plus régalé, au niveau de la bouffe et de la gentillesse des gens. Honnêtement, je me demande si sur ces deux points, je n'ai pas préféré la Malaisie. Il y a tellement de pays à visiter que je n'ai pas vraiment l'habitude de retourner à un endroit où je suis déjà allé, mais je sais déjà que je retournerai là bas.

Je vous présente mes excuses les plus plates pour l'auto-lustrage, mais je veux aussi me souvenir des deux compliments récurrents du séjour : c'est marrant, à t'écouter, je n'aurais jamais cru que tu étais Français. (ce qui n'est peut-être pas un compliment, en fait, puisqu'on m'a demandé si j'étais Tchèque ou Russe.) Et les chinois qui me félicitent sur ma tenue des baguettes (jusqu'à ah ouais, en fait, tu es plus doué que moi... quand même. Je savais que mon entraînement finirait un jour par porter ses fruits !)

Et puis retenez que tout ça ne m'a rien coûté, en tous cas par rapport à toutes les autres destinations que j'avais choisi jusqu'à présent : j'ai trouvé un billet vraiment pas cher qui a représenté les deux tiers du coût total, ce qui n'est guère étonnant quand on sait qu'une fois sorti de Kuala Lumpur, on peut faire un repas extraordinaire pour trois euros. Donc bon bref, arrêtez d'engraisser les mouches à touristes de Bali ou de Thaïlande et allez en Malaisie, bordel de merde !

Et puis joyeux Noël, hein ?

Notes

[1] Ça me paraît un moment aussi bon qu'un autre pour préciser que les malais, c'est le peuple qui donné son nom à la région. Le gentilé pour la Malaisie, c'est bien malaisien (ce qui est connu de tous les dictionnaires, contrairement à ce que m'a affirmé un péremptoire ami mais que j'aime bien quand même, surtout quand pour une fois c'est moi qui ai raison.)

[2] Au bout d'une semaine, j'ai goûté un truc que je n'aimais pas, j'étais presque rassuré de savoir que ça existait. Pour le reste, encore une fois merci Maman et Papa de m'avoir fait avec un estomac à toute épreuve qui me permet de prendre du plaisir à manger du n'importe quoi auquel je ne suis absolument pas habitué sans jamais le moindre problème.

Commentaires

1. Le samedi 25 décembre 2010, 19:14 par Un ami péremptoire cité en note

Sincèrement (mmm, regarde-moi bien dans les yeux, là...), tu avais déjà entendu ou lu le terme gentilé avant de consulter la rubrique Malaisien de Wikipedia (ou avant de lire le Lonely Planet sur la Malaisie) ?

Sinon, je confirme : mon dictionnaire de référence ne connaît pas le terme "Malaisien". (Je ne dis pas que la langue doit rester figée et qu'on n'a pas le droit de faire évoluer les concepts, hein. Mébon. Qu'on me reconnaisse au moins que ce mot était une faute de français il y a une poignée d'années, et qu'on m'accorde qu'il faut un peu de temps pour qu'un terme récemment forgé, comme c'est visiblement le cas ici, trouve sa légitimité au sein d'une langue. Et ce, a fortiori quand le substantif nouvellement créé prend exactement la forme de ce qui était jusque là une faute extrêmement courante.)

Tiens, pis tant qu'à faire mon chieur : puisque la notion de gentilé ne t'est pas étrangère, n'oublie pas la majuscule initiale quand tu écris "les Malaisiens". Nanmého.

2. Le samedi 25 décembre 2010, 19:32 par Un ami péremptoire cité en note

(Ah non, pardon. C'est quand tu écris "Les Malais" qu'il ne faut pas que tu oublies la majuscule initiale. En revanche, tu peux l'enlever dans "je n'aurais jamais cru que tu étais Français". Tu es français, mais tu es aussi un Français qui écrit en français, et cette langue est farcie de pièges pour faire chier les honnêtes gens ; faut bien que les emmerdeurs aient un peu de grain à moudre...)

3. Le dimanche 26 décembre 2010, 00:11 par xave

Mon poussin, je t'accorde volontiers cette histoire de majuscule, ça fait partie de mes faiblesses congénitales (les jours ? les langues ? les mois ? les peuples ? Les gentilés ?) Au même titre par exemple que toutes les histoires de consonnes doublées, où je suis une sombre merde.

Par contre, non, désolé, ne me prends pas pour une buse : gentilé, je connais le mot depuis trois ou quatre siècles. Je t'accorde que je le prononce peu dans la vie courante (ou alors en choisissant mes interlocuteurs) parce que je ne voudrais pas me faire accuser de pédanterie. Si je l'ai utilisé ici, c'est une réponse directe à ta propre phrase.

Et tu ne m'as pas parlé de ton dico de référence, tu as dit "aucun dictionnaire", ce qui n'est pas vrai, au regard des quelques-uns que j'ai consultés. Maintenant, quant à la jeunesse de l'officialité du terme, je n'ai rien à dire, j'ai vérifié des dicos sans penser à en vérifier les dates. Mais les nouvelles formes qui viennent d'erreurs extrêmement courantes, c'est comme ça que ça fonctionne, d'habitude, non ?

4. Le dimanche 26 décembre 2010, 00:39 par Ton Poussin

Mmouais. Sur le gentilé, je t'accorde le bénéfice du doute, mais c'est quand même un terme qui n'est habituellement fréquenté que par les géographes et les pervers (sans parler des cumulards : les géographes pervers). En tout cas, je viens d'effectuer un rapide sondage autour de moi : sur un échantillon représentatif de une personne extrêmement intelligente, belle et cultivée que j'ai la chance de connaître, 100% n'en avaient jamais entendu parler.
Pour "aucun dictionnaire", je fais amende honorable : en bon gros sectaire que je suis, je ne consulte que le TLF et le Littré. C'est mal, et je songe que je pourrais aussi accorder ma confiance au grand Robert d'Alain Rey (j'aime bien Alain Rey).

5. Le dimanche 26 décembre 2010, 01:12 par xave

Après un très rapide sondage autour de moi, je m'aperçois (avec étonnement, mais quand on connaît un mot depuis des années, c'est toujours surprenant de se rendre compte que ce n'est vraiment pas le cas de tout le monde) qu'effectivement, le terme n'est pas forcément connu de gens pourtant cultivés, je me vois donc obligé de me ranger parmi les pervers, n'étant pas géographe. Mais tu n'es pas géographe non plus, que je sache. (D'un autre côté, tu as sans doute oublié les geeks, dans ta classification.)

Pour le dico de référence, même si j'avoue un amour pervers pour le Littré, ma référence à moi, depuis l'épatante époque où mon amoureuse était une étudiante en lettres qui posait ses Robert sur l'étagère (authentique), et les soirées passées à comparer, j'avoue qu'en bon scientifique bas du front, je garde mon Lexis, que je trouve merveilleusement carré. Les autres dicos sont pour moi des plaisirs, mais souvent trop littéraires à mon goût, j'aime les définitions nettes et sans fioritures du Lexis.

6. Le dimanche 26 décembre 2010, 11:01 par Ni géographe, ni pervers

Ah oui, mais moi, je ne connaissais pas ce terme avant la semaine dernière.

7. Le dimanche 26 décembre 2010, 11:25 par xave

Ah d'ac. Oui ben visiblement, il est courant de ne pas le connaître. Mais je ne sais pas pourquoi, moi je l'avais dans ma besace, celui-là. Peut-être depuis que je sais que le gentilé de Saint-Julien-Molin-Molette est "Piraillons" ?

8. Le dimanche 26 décembre 2010, 13:26 par Droop

Quant à Malais, en plus d'être un gentilé désuet, c'est aussi un glottonyme, ce que tout bon pervers sait.

9. Le dimanche 26 décembre 2010, 14:50 par J'aime pas le suspense

Bon, et alors, la Malais(e)(ienne) rencontrée dans les lochs, elle a bien voulu faire du sèsque avec toi, finalement ?

10. Le dimanche 26 décembre 2010, 15:31 par xave

Droop> OMG. Il y a des gens normaux qui me lisent ou pas ? Manifestez-vous, j'ai peur.

Petit curieux> Oh ben non, ce n'était pas du tout le propos.

11. Le dimanche 26 décembre 2010, 15:42 par Je ne sais plus comment je m'appelle

"Il y a des gens normaux qui me lisent ou pas ?" Uh uh. Et puis quoi, encore ?

12. Le dimanche 26 décembre 2010, 16:12 par xave

Laisse-moi le rêve.

13. Le lundi 27 décembre 2010, 16:06 par laure

Wahou, je suis épatée par la façon dont la Malaisie sait éblouir, mais aussi tromper. C'est vrai que c'est un pays magnifique, facile, agréable. Et menteur. L'entente entre Indiens, Malais et Chinois, c'est très beau. En surface. Ils ne se parlent pas, ne se regardent pas, se jalousent se méprisent et se détestent. C'est chacun chez soi. Les lois diffèrent en fonction de l'origine, quand même. Et donc ici, faut pas confondre Malais et Malaisien. Malais, c'est l'ethnie, et donc aussi la religion. Malaisien, c'est la nationalité. N'allez pas dire à un Malaisien chinois qu'il est malais...

14. Le lundi 27 décembre 2010, 16:27 par xave

Laure, j'ai vu aussi les problèmes, je l'ai dit. Mais dans la pratique, je crois que tout dépend de tes interlocuteurs : effectivement, il n'y a pas de vrai mélange dans le sens ou les ethnies vivent leurs vies séparées, effectivement, mais même sans s'inter-pénétrer, ça se côtoie, les cultures de sont pas hermétiques (les Malais qui cuisinent au wok avec des épices indiennes, miam !) Et j'ai aussi parlé avec des amoureux de leur pays, du multi-culturalisme, pas de leur ethnie. Et j'ai aussi parlé avec des gens inquiets à l'idée de venir en France à cause du racisme qu'ils imaginent bien pire que chez eux.

15. Le lundi 24 janvier 2011, 10:02 par Richard

Merci pour tes notes.
La Malaisie reste aussi l'un de mes meilleurs souvenirs de voyage, spécialement pour les relations humaines, le sentiment de sécurité jusqu'au coeur des villes, la faune et la flore, ainsi que la nourriture, vraiment excellente. Un point négatif quand même : l'état de la jungle, bouffée par les plantations de palmiers à huile (le désert avant d'arriver à Taman Negara et au lac Chini par exemple) et les urbanisations douteuses (Cameron Highlands).

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