Métaphore

Il fait froid dehors

Peur du vide

Dans la salle d'attente
De la gare de Nantes
J'attends
Juste le retour du printemps.

Higelin

Aujourd'hui, c'est un double anniversaire : Celui de l'agression et celui de la rupture (en réalité quelques jours plus tard, mais quand elle a refusé de me voir ce jour là, sachant ce que ça représentait pour moi, j'ai compris.) Et forcément, ça n'est pas le jour de l'année où je me lève dans les meilleures dispositions.

C'est très particulier, ce qui m'arrive en ce moment. Particulier à mon échelle : Mon amour pour elle a rempli les sept dernières années de ma vie. Les neufs précédentes l'avaient été par ma première grande histoire et ses séquelles. Ça fait seize ans.

Depuis seize ans, je me suis regardé par les yeux des deux filles que j'ai vraiment aimées. J'ai fait mon possible pour être celui que je croyais qu'elles voulaient. Oh, ça ne veut pas dire me travestir ou me trahir, ça tient plus du maquillage : Montrer principalement les bons côtés, essayer de laisser dans le placard les morceaux dont on n'est pas fier. Et surtout, ne pas se regarder, mais essayer d'imaginer l'image qu'on va produire chez l'autre. Travailler à s'améliorer, mais en se disant Elle va aimer ça plutôt que Je me sens mieux.

Et puis c'est pratique, ça évite de se regarder soi-même. Parce que j'ai du mal à me cacher mes propres mauvais côtés, ils me sont douloureusement évidents. A un point tel que je me demande parfois si cette occasion de ne pas me regarder n'est pas une des raisons principales de ma façon de me donner à l'autre. En tous cas, ça m'a bien aidé ces seize dernières années à ne pas regarder en face de ce mec que je n'ai jamais aimé : celui que je voyais ou que j'imaginais dans les yeux de l'autre était beaucoup plus sympathique.

Seize ans.

Je ne sais même plus comment c'était avant cette période là, parce que c'est à cette époque que mes souvenirs commencent à se perdent complètement. Je ne sais plus de quelle manière je m'arrangeais pour éviter d'affronter ce que j'étais et que je n'aimais pas. Ma seule certitude, c'est ça : je ne m'aimais pas, je ne l'ai jamais fait. Je ne me suis pas plus aimé ces seize dernières années, mais j'avais trouvé un prisme qui m'aidait. Il n'était pas nécessaire qu'elles soient là, il suffisait que devant le miroir j'imagine l'effet que ça pouvait produire sur elles, plutôt que d'affronter mon reflet.

Aujourd'hui, je ne suis plus amoureux que d'un fantasme. Je sais que la fille à laquelle je rêve encore tellement n'existe pas, que c'est une image que nous avions construite à deux et qui n'est pas réelle. Je ne peux pas m'imaginer à travers les yeux d'un personnage de roman, mon prisme est cassé. Me voilà tout seul avec moi, pour la première fois depuis dix-sept ans.

Ça va être mon voyage le plus fascinant.

Voyage parce que Je ressens exactement la même chose qu'avant de partir au bout du monde, d'aller rencontrer l'inconnu : Je crève de trouille, et je suis excité. Exactement la même chose, juste en beaucoup plus fort, parce que c'est un des plus grand voyages que je puisse faire. Pour la première fois depuis de longues années, pour la première fois de toute la portion de ma vie dont je me souviens, en quelque sorte pour la première fois de ma vie, je vais vivre pour moi, je vais apprendre à être moi, je ne vais pas pouvoir cacher les côtés pas propres, je vais devoir les corriger ou apprendre à m'aimer malgré eux.

C'est très particulier ce qui m'arrive en ce moment parce qu'il ne s'agit vraiment plus de gérer une rupture : il s'agit de tourner la page sur tout ce qu'a été ma vie jusqu'ici. Il s'agit, enfin, de m'affranchir du regard des autres, du regard de l'autre, et de vivre pour moi, d'être pour la première fois au centre de mes priorités, d'être plutôt que de paraître. Il s'agit de faire de moi réellement, pour la première fois de mon existence, le personnage central de ma vie.

J'ai peur du vide, je ne sais pas ce qu'il y a derrière, je découvre et je suis comme un bébé qui apprend à marcher. J'ai peur, mais je suis confiant ; je suis en train de découvrir que toutes ces années à essayer de devenir celui qu'allait aimer les filles que j'aimais, ça n'a pas totalement servi à rien. Maintenant que je suis obligé de regarder en face ce mec que j'ai commencé à éviter il y a tant d'années parce que je ne l'aimais pas, je m'aperçois qu'il n'est plus exactement le petit con que je connaissais à l'époque, il a changé, il a grandi. Je me demande même si je ne commence pas à le trouver sympathique.

Il fait gris. Mais de temps en temps, un coin de ciel bleu entre deux nuages annonce l'arrivée prochaine du printemps.

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Commentaires

1. Par pythie, le 14/02/2009 à 12:18

Sourire (très) ému...

2. Par saperli, le 14/02/2009 à 14:02

un très beau moment en tout cas, ce billet, qui peut redonner espoir à ceux qui n'ont pas compris ce que toi, tu nous livres avec beaucoup de courage.

3. Par zelda, le 16/02/2009 à 11:10

Te voilà, sinon paré pour le voyage, du moins les yeux ouverts. Ce regard bienveillant sur toi vaut tous les bâtons de marche.
C'est un texte qui fait du bien quand on le lit.

4. Par Nab, le 20/02/2009 à 14:38

Quelle bonne nouvelle et quel plaisir de lire ça... et je suis d'accord avec toi, c'est le plus beau voyage et celui qui t'emmène le plus loin... alors paré au départ, lâchez les amarres et bon vent!

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