Roland FP-7

Donc, ça y est, j'ai eu mon pianal. Il est beau.

J'ai pris des cours de piano quand j'étais gamin, six ans, j'étais un sombre merde. Ainsi que je l'explique toujours, j'ai fait ma première année une fois, ma deuxième année deux fois, ma troisième année trois fois, et j'ai arrêté parce qu'ils voulaient me faire passer ma troisième année une quatrième fois, ça cassait le rythme. Une vague tentative de reprise quelques années plus tard ayant été encore plus catastrophique que par le passé, je me suis plutôt mis à la basse.

Mais du coup, à la maison, il y avait un piano. Ça m'a bien servi quelques années plus tard quand on m'a expliqué comment fonctionnait cette histoire d'accords (jusque là, j'avais appris à déchiffrer une partition, surtout pas à la comprendre, ça perturberait sans doute les élèves.) Je me suis donc vaguement remis au piano, qui a l'avantage d'être l'instrument parfait pour voir la théorie, et de n'être pas une basse, sur laquelle je n'avais pas le niveau à l'époque pour jouer des accords.

Et depuis que j'ai quitté môman, j'ai aussi quitté son piano, qui me manque depuis des années. J'ai bien divers claviers qui traînent mais rien n'égale le toucher du piano. Une toucher d'orgue, c'est bien pour jouer ... ah ben de l'orgue, tiens. Et ça fait tellement longtemps que je rêve d'avoir mon piano à moi que lorsque que je me suis retrouvé par hasard il y a deux mois dans une boutique spécialisée , évidemment, j'en ai essayé, et j'ai été assez bluffé par ce qui se fait de nos jours en pianos numériques. J'ai su assez vite en posant les mains sur l'un d'entre eux que je le voulais. J'ai quand même pris quinze jours pour être sûr de ma décision, mais finalement, hop.

J'ai du l'attendre un bout de temps[1] mais me voilà fin content, cet engin me fascine. Pendant très longtemps, les fabricants de pianos numériques ont bossé pour reproduire correctement le son d'une corde de piano qui vibre, mais il manquait toujours un truc. Le truc, c'est qu'un piano, ça fait du bruit de partout.

Je vous explique.

À l'intérieur du piano, il y a plein de cordes, deux ou trois par note. Sur chaque corde, il y a un petit patin de feutre pour l'empêcher de vibrer. Quand on appuie sur une touche, ce patin se relève, puis un marteau vient frapper la corde pour la faire sonner. La corde va alors continuer à sonner tant qu'on n'a pas relâché la touche, car alors le patin va redescendre bloquer la corde. Du coup, jouer une note au piano n'est pas seulement jouer une note, il y a derrière un certain nombre de bruits "parasites" : le bruit du marteau qui se déplace, la vibration de la corde qui commence une fraction de seconde avant le choc, au moment où le patin se retire, mais aussi le cadre du piano qui se met à vibrer en même temps, et toutes les autres cordes[2], malgré leur patin, vont plus ou moins entrer en vibration sympathique.

Ce sont tous ces bruits qui ne sont pas directement la note jouée qui rendent vivant le son d'un piano acoustique. Bon ben le numérique que je viens d'acheter reproduit tous ces bruits là. Jusqu'à des détails assez fascinants : Il existe sur un piano une pédale qui relève simultanément les feutres de toutes les notes (ce qui permet de laisser résonner les notes même alors que les doigts ont quitté les touches pour aller voir à l'autre bout du clavier s'ils y sont.) Je l'ai dit au dessus : une minuscule vibration se produit dans la corde lorsque le patin s'en décolle, quand les patins quittent toutes les cordes en même temps, ça devient audible ; du coup, en tendant l'oreille, on perçoit un son lorsqu'on appuie sur cette pédale, alors même qu'on ne touche pas le clavier. Vous avez deviné : ce son là est également reproduit sur mon numérique. On arrive au final à une qualité sonore bien meilleure que sur le piano acoustique sur lequel j'ai fait mes classes[3].

Et le son de piano n'est qu'un aspect, il y a un ou deux sons de Rodhes qui me plaisent vraiment pas mal, et surtout il y a la simulation d'orgue qui est le détail qui m'a finalement décidé : On n'est pas prisonnier des quelques sons prédéterminés choisis par le constructeur, on peut modifier la couleur et les réglages comme sur un Hammond[4] : par tirettes, en choisissant la percussion et plusieurs simulations de cabines Leslie, lesquelles me bluffent complètement : On entend réellement augmenter la vitesse de rotation des speakers au moment du changement de régime[5], j'adore ça.

(Ah, j'allais oublier le petit détail agréable : le revêtement des touches est microporeux. Ça n fait pas une grande différence pour moi, mais les ceusses qui ont facilement les mains moites doivent largement préférer ça aux touches recouvertes de plastique qu'on trouve ici ou là. Je n'ai jamais joué sur un clavier en ivoire et en ébène, mais il parait que c'est fidèlement reproduit.)

Bon, finalement, le seul problème avec ce piano, c'est que depuis quelques jours j'y passe tout mon temps libre (en me bousillant les doigts, à force) et qu'il faut bien que je me rende à l'évidence : Je suis un pianiste très médiocre.

Mais je m'en fous, je m'amuse.

Notes

[1] C'est assez peu officiel, mais il semblerait que le constructeur ait organisé la pénurie en fin d'année, le cours de change du Yen commençant vraiment à craindre. Ils sont plus facile à trouver maintenant que l'augmentation traditionnelle des tarifs de début janvier est passée par là (et que par exemple celui que j'ai acheté s'est pris 300€ de plus dans la tête, ouch ! Je l'ai commandé à temps.

[2] Enfin, surtout celles de fréquences harmoniques voisines, mais là, c'est pratiquement de la physique. Disons que ça concerne principalement les cordes dont la vibration est harmonieuse avec la corde frappée.

[3] Parce qu'évidemment, ils reproduisent le son d'un piano à queue, pas celui d'un piano droit de salon, fut-il de qualité correcte (et pour rire, dans les réglages, il y a des choses comme l'ouverture du couvercle, qui influe bien entendu sur le son.

[4] En passant par des menus quand même. Pas question de jouer avec les tirettes en live.

[5] Pour faire court si vous ne connaissez pas le truc : La cabine Leslie est une espèce de grosse boite qu'on branche sur un orgue pour l'amplifier. Dedans, il y a des bidules qui tournent, et c'est ça qui crée ce fabuleux son ondulant (c'est à cause de l'effet Doppler, mais ça, vous connaissez, quand même ?)

Commentaires

1. Le mercredi 14 janvier 2009, 14:58 par samantdi

Ton billet me fait penser à mes rêves de jeunesse : j'ai toujours voulu apprendre à jouer du piano et à 30 ans, j'ai été assez riche pour mettre mes menaces à exécution... Las, après deux ans d'étude assidue, il fallut se rendre à l'évidence, je n'avais ni oreille ni doigté ni sens du rythme. Mais au moins, je suis allée jusqu'au bout de cette idée et je n'ai plus de regrets !

(comme quoi, ce n'est pas si mal d'aller au bout de ses lubies)

2. Le mercredi 14 janvier 2009, 15:02 par Pascal

En fait, la qualité des numériques est telle que je connais de plus en plus de gens qui préfèrent jouer sur des pianos numériques que sur des pianos mécaniques. J'en ai vu dans des conservatoires (je suppose que le coût de maintenance est inférieur à un piano droit qu'il faut accorder sans arrêt). J'ai même assisté à des concerts de musique classique où le piano était numérique.

C'est qu'au niveau du son, comme tu le dis, la qualité de la reproduction et le souci du détail deviennent vraiment très acceptables, mais en plus, au niveau mécanique, le piano numérique est souvent supérieur. Forcément, il n'y a pas toute cette mécanique imprécise à mettre en branle à chaque pression. (enfin presque : dans le mien, il y a réellement toute la mécanique pour que ça imite au mieux le toucher, c'est juste que les marteaux ne tapent sur rien et que ça ne participe pas à la création du son, donc c'est pas grave si c'est imprécis)

Typiquement, c'est un truc que tu sens quand tu joues dans les pianissimos. Sur un mécanique, il arrive parfois que le jeu soit inégal parce que telle touche va mieux (ou moins) répondre et donc produire un son plus (ou moins) fort que ses voisines. Sur un numérique, pas de souci de ce genre, toutes les touches répondent exactement pareil. La contrepartie, c'est que si tu maîtrises mal tes doigts, ça fait ressortir tes défauts de jeu... Mais bon, c'est une bonne école.

Un autre avantage est que le piano numérique est accordable. Très pratique quand il s'agit de jouer avec un autre instrument non accordable (orgue...), ou bien quand il s'agit de transposer à vue, ou bien quand il s'agit d'enregistrer une piste par dessus d'autres pistes déjà enregistrées.

M'a l'air bien, ton Roland... Avant j'avais un Hohner, bon toucher mais synthèse pourrie, depuis 2003 j'ai un Korg, pas aussi raffiné que le tien dans les possibilités de réglage, mais largement suffisant pour mon usage.

3. Le mercredi 14 janvier 2009, 16:05 par xave

Samantdi> Il y a une chose que je répète ad nauseam à tous ceux qui veulent apprendre un instrument : La courbe d'apprentissage est faite de montées entrecoupées de paliers de stagnation plus ou moins longs. La très grosse erreur de beaucoup de débutants, c'est de se décourager au moment du premier palier important. Recommence !

Pascal> Je ne joue jamais pianissimo. Quand je dis que je suis mauvais, c'est entre autres parce que je suis un bourrin sans aucune sensibilité (et aussi parce que j'ai de gros problèmes de coordination et que mes mains refusent de m'obéir (surtout la gauche.)) D'où on peut déduire que le Roland est beaucoup plus que suffisant pour mon usage.

Mais il fait des trucs épatants : on peut appliquer des effets sur n'importe quel son de base, il y a aussi un mini sampleur qui permet d'assigner des sons à certaines touches. Du coup hop : un certain "ping" caractéristique dans la mémoire, une Leslie sur un son de piano et on peut s'amuser.

4. Le mercredi 14 janvier 2009, 16:30 par martin

Au fait, sais-tu qui doublait Richard Wright à l'orgue pendant que celui-ci faisait du doppler-steinway au début du morceau ?

5. Le mercredi 14 janvier 2009, 16:36 par xave

Samantdi> En plus, il suffit de connaître quatre accords pour pouvoir déjà jouer des taaaaas de chansons.

Martin> Figure toi que je me suis encore posé la question hier. Je soupçonne très fort qu'ils ont overdubbé ici ou là. C'est monstrueusement évident sur Seamus en tous cas, mais Seamus fait partie des morceaux filmés en studio. Ceci dit, il y a des inserts sur Echoes qui à mon avis l'ont été aussi. L'un dans l'autre, qui double Richard sur Pompeii ? À mon humble avis, c'est Richard.

6. Le mercredi 14 janvier 2009, 17:21 par PT

Ah tiens moi je savais ce qu'était une Leslie ;p
(Comment ça c'est grave de ne lire que les notes de bas de page ?!)

7. Le jeudi 15 janvier 2009, 02:48 par Emma

Hiiiiiiii. OH-MY-GOD.
Un faux.
C'est donc un faux.
Ils te l'ont dit les japonais que c'était un faux ?
Un faux avec un bel emballage commercial, ça, j'en conviens. Plus que jamais, je demande la vidéo... mais en fait non, ça ne me renseignerait pas beaucoup malheureusement :-(

Dis, tes ingénieurs, est-ce qu'ils ont pensé à reproduire la vibration de la 4ème cheville à partir du La3, parce ce que celle-là, quand elle vibre dans le sommier d'un piano acoustique, rendue toute guillerette par "toute la mécanique imprécise à mettre en branle" (tu sais, tout le bordel à l'intérieur, là), ça vous fait une signature acoustique inimitable. Sans ça, ça ne marche pas. Si si.

Non mais je rêve. Soyons sérieux 2 secondes. Tu sais que tu aurais juste pu t'offrir un clavier maître avec une banque de sons si c'est ça ? Il y en a qui sont à se méprendre.
Mais si on veut un instrument de musique, est-ce qu'on peut occulter les vibrations qu'il transmet au corps ? Et les phénomènes non linéaires qui interviennent dans l'amortissement du son d'un instrument acoustique ? Tu sais, toutes ces "perturbations" dans la décroissance d'un son liées à la structure anisotrope du bois qui compose une vraie table d'harmonie d'un vrai piano ? Ces phénomènes non linéaires qui, seuls, rendent le son "intéressant" et "naturel" pour l'oreille (qui s'en détourne sinon), ils y ont pensé à ça, les japo-niais ? Aaarf :-(

> Pascal : Moi j'ai assisté à des concerts que les pianos, y jouent tous seuls en imitant les plus grands interprètes. Si si si, ça existe. Et peut-être que bientôt on fera des faux cd avec des faux pianos qui jouent sans pianiste, ça sonnera im-pec-cable, pour sûr.
Et même que des fois, aux concerts, les chanteuses, c'est pas elles qui chantent. D'ailleurs moi même, la prochaine fois, j'envisage de me faire doubler par un autotune, on sait jamais, des fois que je foutrais une note imprécise au milieu de la chanson, ça pourrait choquer irrémédiablement l'auditeur.
(et l'orgue, ça s'accorde ; et... bon j'arrête :-) )

Ok, je suis pas gentille ; mais c'est vous qu'avez commencé : j'ai cru mourir en vous lisant. Pardon. Je vais me coucher :-(

8. Le jeudi 15 janvier 2009, 10:36 par xave

Oulah, oulah, oulah, calmons-nous. Emma, tout le monde ici est d'accord avec toi : un vrai, c'est mieux. Relis bien, le terme que Pascal a employé est acceptable. Il est évident qu'un vrai piano a beaucoup plus d'âme. D'ailleurs, et je tiens ici à m'y engager devant témoins, je me débarrasse du piano numérique dès qu'on me fournira pour une dépense similaire un vrai piano, à queue de préférence, un vrai Hammond avec une vraie Leslie, ainsi qu'un vrai Rhodes, en même temps que la place pour les installer, dans un endroit où les utiliser plusieurs heures le soir n'amènera pas de tentatives d'assassinat sur ma personne de la part des voisins.

En attendant, laisse moi réfléchir... Est-ce que je vais me contenter d'une vulgaire imitation de piano ou ne pas jouer du tout comme je l'ai fait ces dix dernières années ? Le choix est difficile.

(Et accessoirement, ne commets pas l'erreur d'imaginer que Pascal est un vulgaire consommateur de musique à l'oreille non éduquée, ça serait trèèès loin de la réalité.)

9. Le jeudi 15 janvier 2009, 17:28 par Emma

Bon bon d'accord, je me dé-passionne mais ma vessie n'est pas une lanterne ! Pascal n'a pas écrit qu'"acceptable", il soutient qu'"en plus, au niveau mécanique, le piano numérique est souvent supérieur". Et ça me hériiiiissse, je l'avoue (que met-on derrière cette notion de supériorité, et surtout, que n'y met-on pas pour trancher le débat dans ce sens ? Quel facteur ou accordeur a réglé la mécanique de son piano pour qu'il en ait une telle opinion ? De quel piano parle-t-on ?... La généralisation est tellement impossible ! )

Ceci dit, je n'exprime qu'un désaccord avec ses propos, je ne permets pas de me faire une opinion de fond sur ce Monsieur que je ne connais pas. Mon intervention va dans le sens d'un débat, pas d'une sentence : comme je te l'ai dit, je ne demande qu'à voir ton piano. J'ai essayé des luths dont la table était en fibres de carbone, et à part le fait qu'ils pèsent 3 grammes, je n'y ai vu que du feu. Mais je ne suis pas luthiste :-)

Sur le reste, je suis d'accord avec toi et toute passionnée que j'étais, j'en ai oublié l'essentiel : je te souhaite de te faire plaisir, et visiblement c'est le cas donc c'est un bon choix pour toi. Enjoy :-)

10. Le jeudi 15 janvier 2009, 17:41 par samantdi

Ah tu es encourageant ! je crois que j'étais vraiment trop nulle car appliquée mais sans résultats... M'enfin, je vais garder ton encouragement dans un coin de ma tête, comme une porte ouverte et un jour, on ne sait jamais... Quand je serai vieille, avec mes chats Maine Coon et mes perroquets, j'aurai aussi un piano, et j'en jouerai !

Merci :-)

(pour le reste, dis donc, ça a quand même l'air très sérieux ces histoires de choix de pianos, ouh la la !)

11. Le jeudi 15 janvier 2009, 18:02 par xave

Emma> Au niveau mécanique, est supérieur ce qui présente techniquement le moins de frottements et de risques d'erreurs ou d'imprécisions. Donc il a parfaitement raison : au niveau mécanique, les pianos numériques sont supérieurs. Mais ça n'est pas un jugement de valeur, tout le monde sait bien que la perfection, c'est chiant, et que ce sont les défauts qui rendent les choses et les gens attachants.

D'ailleurs, c'est drôle comme le grand défi des instruments numériques, c'est de reproduire aux mieux les imperfections des instruments classiques. Je me faisais justement cette réflexion hier soir en sentant le mécanisme d'échappement des touches alors évidemment ça ne sert strictement à rien sur un numérique, et que les fabricants de pianos mécaniques cherchent depuis des siècles un moyen de le supprimer.

12. Le jeudi 15 janvier 2009, 19:26 par Gru

Il faut que je passe tester cette chose.

Si tu veux, en échange, j'ai un Gaveau quart de queue chez moi. Terriblement faux, mais assez harmonieusement faux pour que jouer dessus soit tout à fait possible pour qui n'a pas l'oreille absolue.

Et puis je m'en fous, ça donne un coté vintage trop classe.

bref faut qu'on se fasse des bouffes et puis je suis sûr qu'on a des tas de choses à s'apprendre :)

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