Métaphore

Il fait froid dehors

C'est comme les cochons

Quand j'étais jeune (ça m'est arrivé, étonnant non ?) j'avais des tas de copains (ça m'est arrivé, étonnant, non ?) et ces tas de copains étaient des gens très bien ; Le keffieh, les cheveux longs et les baskets, c'était des gens qui avaient des choses à dire, des gens qui ne s'en laissaient pas conter, des qui avaient une saine défiance vis-à-vis du système, des à qui on ne la fait pas, des qui ne rentreront jamais dans le rang, bref, des rebelles.

Et au fur et à mesure que je prenais du retard dans ma scolarité, je les voyais terminer la leur, rester avec celui ou celle, pas vraiment choisi, avec qui ils étaient à ce moment là, se trouver un boulot, prévoir l'achat de leur appartement, se couper les cheveux, s'habiller de façon à ne pas faire peur à un employeur, s'installer. Et moi j'étais derrière et je ne comprenais pas. Aujourd'hui encore, je dois avoir un problème quelque part, un mécanisme mal réglé, parce que je ne comprends toujours pas comment on peut changer d'avis sur des éléments que j'estime constitutifs d'une personnalité.

Je ne comprends pas, mais je suis bien forcé de l'intégrer, vu le nombre de personnes que j'ai fréquentées qui allaient refaire le monde quand ils avaient moins de vingt-cinq ans et se contentaient de refaire le papier-peint du salon arrivés à trente.

J'avais vingt-cinq ans quand je me suis retrouvé mal dans mes pompes à essayer de gérer une perte à laquelle je n'étais pas bien préparé[1] et mon monde s'est retrouvé rempli de gens qui ne voulaient que mon bien et m'ont ressassé ad nauseam qu'il fallait que j'en sorte, que j'oublie ces conneries d'adolescent et que je devienne un peu adulte. J'avais vingt-cinq ans et quelque mois quand je me suis pris sur le coin de la gueule un choc qui a mis tous les précédents en perspective et m'a mis la tête à l'envers. J'avais pratiquement vingt-six ans quand j'ai commencé à remettre mes cases dans l'ordre et que je me suis juré de ne jamais oublier mes conneries d'adolescent et de ne jamais devenir adulte au sens où ils l'entendaient.

Aujourd'hui, j'ai beaucoup moins de copains. Mais mes copains d'aujourd'hui, qu'ils aient vingt-cinq, trente ou cinquante ans, ils en ont vingt. Je veux dire par là que si leur version de vingt ans rencontrait leur version actuelle, elle serait fière, au lieu d'avoir envie de se cracher dessus comme, j'en suis convaincu, la grosse majorité des autres. Mes copains d'aujourd'hui, ils ne se réveilleront jamais en se disant Bordel, mais ma vie est exactement ce que je voulais qu'elle ne devienne jamais ! Ils sont fidèles à ce qu'ils étaient quand ils avaient vingt ans.

Allez, un petit quizz, pour garder un côté loisirs à ce site : à votre avis, Brel, quand il écrivait les Bourgeois, il crachait sur quoi ?

Notes

[1] oui, il y a de la redite dans ma vie

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Commentaires

1. Par Pascal, le 08/07/2008 à 17:59

Ouaip je suis bien d'accord. Je me suis fait peur vers 27 ou 28 ans, j'ai failli rentrer dans le moule, mais j'étais sous mauvaise influence (une fille, si si). Ça va beaucoup mieux maintenant ! Faut dire qu'être homo et donc, ne pas pouvoir se marier et faire des enfants, ça aide bien à rester en dehors du moule.

2. Par Amazone, le 08/07/2008 à 18:21

Une pirouette pour ton petit quizz : à ton avis, Brel, c'était pas un bourgeois ?

3. Par xave, le 08/07/2008 à 18:52

Pascal, tu triches, c'est sûr que ça aide. Ceci dit, ce n'est pas la panacée : j'ai connu de vieux cons homos.

Amazone, tu triches, on a déjà discuté de ça et je t'ai donné la réponse, en tous cas celle que j'attends. Tu n'as pas le droit de participer.

4. Par Missy'V, le 08/07/2008 à 19:57

Moi je ne comprends pas pourquoi ce serait toi qui aurait un mécanisme mal réglé, tous autant qu'ils sont a être différents/dans le rang/cons ?

N'était-ce pas sur l'attitude des gens qui s'indignent d'une certaine liberté de penser qui fut la leur autrefois qu'il crache ?
Tout comme Renaud actuellement il me semble.
Le jeu de l'arroseur arrosé ou de l'entatreur entarté, belgiquement parlant...

5. Par gilda, le 08/07/2008 à 20:22

Si ça peut te consoler moi c'est encore plus pire : j'ai fait le chemin dans l'autre sens ; à 20 ans je tentais seulement de m'en sortir entre deux périodes de mauvaise santé, du coup j'étais vieille, et c'est à 40 que j'ai enfin pu commencer à commencer à être moi-même.
(et non, non ce n'était pas une crise de la quarantaine, juste un sens des responsabilités trop solide qui m'avait mené dans un mauvais chemin (que les autres, au demeurant, trouvaient tous très bien)).
J'ai saisi le gouffre qui me séparait de certains de mes vieux amis lors de la réflexion de l'une d'entre elle face à une belle flambée dans une cheminée (quelque chose comme : il est difficile de trouver une femme de ménage qui sait bien les nettoyer en laissant ce qu'il faut de cendres).
Et effectivement mes amis d'aujourd'hui sont tous de ceux qui ont su ne pas se trahir au nom de l'économie ou pour certains de la mettre à leur service et redistribuer.

Je ne suis pas certaine que l'orientation sexuelle aide (ou pas) en quoi que ce soit : certain(e)s homosexuel(le)s ne sont progressistes qu'en ce sujet précis et très conservateurs par ailleurs (comme s'ils souhaitaient "se rattraper", sur-prouver aux autres que malgré "ça", ils sont des gens "bien"). C'est probablement une minorité (parce que bon en gros il semble assez clair que davantage de libertés et de tolérance profitent à tous en toutes choses), mais ils existent.

Enfin, et même si je morfle, je peux au moins dire que je ne regrette rien. Et que je ne crois pas avoir jamais nui à personne ou alors par conséquence de conséquences d'événements sur lesquels je n'avais aucune prise et que je subissais (ça n'est jamais gagné : on peut être à l'origine, involontairement, d'un accident). C'est déjà ça.
Les gens gris et rangés ont de toutes façons tendance à confondre maturité et conformisme. Et plus ça va, pire c'est (par rapport aux années 70 ou maturité se rapprochait davantage de capacité à se prendre en charge dans des chemins peu balisés). Ils aimeraient en fait que tout le monde s'emmerde comme eux. (cf. un film de Mike Leigh que je viens de voir "Happy go lucky" avec une belle scène de dispute entre personnes des deux types).

6. Par Vivien, le 08/07/2008 à 21:54

Bonjour...
La description du premier paragraphe colle à peu près à la mienne... J'espère sincèrement ne pas ressembler à la description du second dans quelques années. Peut-être que justement on en profite quand on est jeune, tout en sachant qu'on deviendra inévitablement (?) gris et rangé plus tard ?
J'aime bien tes derniers mots, Gilda.

Quelqu'un qui lit depuis quelques temps, sans jamais commenter.

7. Par [SiMON], le 09/07/2008 à 17:31

Arf, j'aurais pu écrire ton deuxième paragraphe. Enfin, les deux premiers en fait. J'espère aussi ne pas devenir un vieux con.

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