le Cirque des Mirages à la Cigale
Par lez'Arts - Lien permanent
Or ça donc, il y a peu, invitée par Julie, j'ai fait l'aller-retour sur Paris pour aller à la Cigale voir avec elle le Cirque des Mirages sur scène. J'avais déjà parlé d'eux lorsque j'ai découvert leur premier album, en bien, parce que c'est bien. Et j'étais fort curieux de les voir en chair et en os, tant ce disque, enregistré en public, transpirait la scène et le contact avec le public.
C'était plus qu'à la hauteur de mes espérances : les planches sont vraiment leur élément. La Cigale est un théâtre, mais ils en font un cabaret, quelque part à mi-chemin entre la fin du dix-neuvième et les années 30. Tout ce qui m'avait paru emprunté à l'écoute du disque est ici tout à fait à sa place, justifié : il s'agit de la part du chanteur d'une performance d'acteur, il devient chacun des personnages des histoires qu'il nous raconte, un bateleur, un cosaque, un gangster, un poète maudit ... Chaque chanson est un nouveau monde, une nouvelle histoire, et une nouvelle occasion pour le public de prendre son pied.
Parce que tout ça est éminemment jouissif. Encore plus que sur disque, le plaisir ressenti est charnel ; La performance a du corps et ça se sent. Pas question d'une quelconque faiblesse, d'un bout à l'autre, le niveau est élevé, c'est sombre, c'est drôle, c'est puissant, et lorsqu'ils jouent la jambe ou la véritable histoire du christianisme, je prends mon pied comme rarement lorsque j'écoute des chansons.
J'apprécie particulièrement l'exigence sur les textes : pas question ici de la soupe qu'on entend sur les ondes : les mots sonnent, ont de la profondeur, et restent largement hors de portée du footballeur de base. Et ce piano, mes aïeux, ce piano ! Oh, ce n'est pas Gould ou Jarrett, certes, mais c'est une machine de guerre ! J'ai toujours été fasciné par les accompagnateurs, ceux qui suivent les chanteurs quelque soient les faiblesses rythmiques ou les audaces d'improvisation de ces derniers. Ici, je ne mesure pas bien la part d'impro, mais il n'y a pas moyen d'avoir une faiblesse rythmique avec ce piano qui n'a besoin de personne[1] pour construire une chanson, une ambiance, sans jamais à aucun moment donner l'impression d'un flou au niveau du rythme ou d'une hésitation quant à l'harmonie. Ce piano est une armée en bataille que la voix pourrait n'avoir plus qu'à chevaucher tranquillement. Sauf que non, on en profit pour en rajouter dans l'intensité : la présence scénique de ce chanteur là, je n'irai pas (car je sais me tenir) jusqu'à dire qu'elle est aussi énorme que celle de Brel mais ... Je ne vois pas trop à qui d'autre le comparer, il n'y a pas de compétition.
Une fois que ça a été terminé, la première pensée qui m'est venue, c'est que la chanson, ça sert à ça. Ça sert à ce que parfois certaines choses de cette importance là existent, le reste est du remplissage.
Merci Julie.
Notes
[1] Et le deuxième album le montre bien qui reprend en studio certains morceaux enregistrés en public pour le premier en y ajoutant cordes, accordéon ou orgue de barbarie, seulement pour arriver à une interprétation moins forte.