Jean-Luc Bleton : vielles

Jean-Luc Bleton est luthier, il fabrique des vielles. Et des plutôt pas mal en plus : au lieu de continuer et d’améliorer la tradition, il s’est assis, a pris une feuille blanche, et a cherché la meilleure façon de faire des vielles, sans s’inquiéter de ressembler ou pas à ce que doit être une vielle dans l’esprit des gens.

Et le résultat est plutôt plus qu’honnète : ses vielles ont une caisse de résonance unique qui leur donne un répondant certain en termes de puissance et un système de clavier révolutionnaire qui cherche à éviter les inconvénients du clavier traditionnel.

Moi, tout ça m’a attiré l’œil et l’oreille, forcément, mais acheter une vielle ne se fait pas à la légère (on parle de prix de base tournant autour des deux ou trois milles euros) et d’ailleurs, ça tombe plutôt bien parce que Jean-Luc Bleton ne fait pas de vielles à la légère : Pour vous faire une vielle, il faut que je vous connaisse…, l’ai-je un jour entendu dire.

Ouais, ben c’est pas facile ! Hors lutherie, il semblerait qu’il y ait un autre art dans lequel il est passé maître : celui d’éviter les gens. J’ai bien remarqué qu’il déteste être coupé quand il parle et qu’il peut sévèrement envoyer balader ceux qui s’y risquent. C’est pourquoi j’ai toujours évité de le faire : me plaçant respectueusement un pas en retrait de lui et de son interlocuteur du moment en attendant qu’il aie terminé ou qu’il montre par un signe quelconque qu’il a remarqué ma présence et qu’il me parlera éventuellement lorsque sa conversation en cours sera terminée…

Ah oui mais non : ça fait trois ans que j’essaie. Trois ans ! Et trois ans qu’il m’ignore totalement, que je peux rester une heure à un mètre de lui sans qu’à un seul instant il tourne le regard vers moi. Je ne sais pas, je ne dois pas avoir une tête de musicien ou tout simplement pas une tête de client. Trois ans qu’il vit dans un monde supérieur où moi, pauvre ver, je n’ai pas accès.

Oh si : cette année, il m’a parlé : ça faisait trente minutes que j’étais planté en attendant un regard du maître et son interlocuteur a fini par lui signaler que j’existais : C’est pour ? Essayer une vielle ? Ah mais c’est pas possible, celles que j’ai là ne sont que pour regarder, il aurait fallu passer avant…

Ok. En 2008 peut-être, j’aurai l’honneur de lui parler, en 2011 d’essayer une de ses vielles et - soyons fous - en 2024 de lui en acheter une ?

Ou alors je peux laisser tomber la vielle (je sais, il existe d’autres luthiers, mais ce sont vraiment celles là qui m’avaient tapé dans l’œil,) il y a plein d’autres instruments fabriqués par des gens qui vivent sur la même planète que moi.

Commentaires

1. Le vendredi 11 septembre 2009, 12:51 par biscotte

Je comprends votre désarroi car moi aussi je tente simplement d'apercevoir le visage du luthier. Cette année quand je suis allée sur son stand, je n'ai vu qu'une magnifique vielle sur sa table et je n'ai même pas osé poser un regard sur cette merveille ni envisagé de la toucher. Pourtant moi aussi je rêve d'acquérir une de ces vielles.... en 2024 alors.....

2. Le lundi 2 juin 2014, 13:07 par Charlotte

Hé hé...en 40ans, il n'a pas changé.... :)

3. Le lundi 9 mai 2016, 19:34 par xave

(commentaires fermés et commentaires hors-sujet supprimés)

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