Franchement, on ne savait pas à quoi s'attendre... On savait juste que Roger Waters, ancien leader du groupe, allait être sur scène avec eux, et ça déjà, c'était un évènement incroyable, en tant que fan, je n'aurais jamais cru voir ça un jour. Comme il y en a sans doute parmi vous qui n'ont pas suivi ça de près, je vous propose une mini biographie du groupe :

Pink Floyd a été créé en 1966 après une flopée de différents groupes étudiants par Syd Barrett (Guitare et chant), Roger Waters (Basse), Nick Mason (Batterie) et Richard Wright (claviers.) Syd Barrett pète complètement les plombs après le premier album, dû largement à sa plume, et resté complètement culte. Après son départ et son remplacement par David Gilmour, Pink Floyd se cherche en allant d'expérimentations en expérimentations, flirtant avec l'art contemporain et la musique concrète. En 1973, ils se trouvent avec Dark Side of the Moon - un sérieux prétendant au titre de meilleur album de tous les temps - et son tube immortel : Money. À partir de cet album, Waters signe tous les textes et de plus en plus de musiques. Les albums suivant rencontrent un succès populaire gigantesque qui met le groupe mal à l'aise. C'est en partie en réaction à ça que Waters écrit presque seul en 1979 The Wall, largement autobiographique. Il devient de plus en plus despotique vis à vis du groupe, vire le claviériste, ne fait presque pas jouer le batteur sur l'album suivant et refuse les contributions du guitariste. Puis il se dit que quitte à bosser seul, autant le faire sous son nom, et il quitte le groupe.

Il était évident pour lui qu'après son départ, le groupe était mort, mais David Gilmour ne l'entendait pas de cette oreille et il remue ciel, terre, tous ses copains auteurs et des requins de studios pour un premier album du Floyd sans Waters qui démarre directement numéro un des ventes, alors que les albums solos de Waters peinent à rencontrer leur public. Ce sera encore le cas quelques années plus tard avec un album beaucoup plus proche des racines où la plupart des morceaux auront été écrits en commun par le guitariste, le batteur et le claviériste réintégré.

Et tout ça ne s'est pas passé sans heurts : On s'engueule, on se fait des procès, on se crache dessus par médias interposés... Un vieux couple qui divorce en s'envoyant les meubles à la figure. Et il y a encore un mois, Waters et Gilmour ne s'était pas adressé la parole depuis une quinzaine d'années.

C'est pour ça qu'il y a trois semaines, quand il a été annoncé officiellement que Bob Geldof avait réussi à convaincre Waters de jouer avec Pink Floyd et Pink Floyd de jouer avec Waters, nous (les fans) en sommes tous restés un peu sur le cul... Pour ma part, même après l'annonce officielle, j'avais encore des doutes : laisser ces quatre gars là dans une pièce pour répéter pendant trois semaines ? Ttttt... Ils s'engueuleront avant la fin !

Ben non : le premier des quatre que la caméra nous aie montré, c'était Roger Waters, là devant mes yeux en train de jouer avec le groupe !!!! Julie dormait, il était tard, il faisait noir, je luttais contre le sommeil depuis trois quarts d'heure et j'avais un sourire béat ... Et j'étais heureux.

J'ai bien aimé parce qu'ils souriaient. Ils étaient visiblement contents d'être là, contents d'être ensemble, et ça, ça n'a pas de prix. Un grand moment de plaisir pour nous, mais aussi pour eux et du coup encore plus pour nous.

J'ai bien aimé parce qu'il étaient peu : les dernières tournées nous ont habitués à un mur sonore créé par une armée de musiciens ; Pas ici : Il n'y avait qu'eux quatre, avec un guitariste et un claviériste qui sont de vieux habitués et qui ont tous les deux tourné avec Waters et avec Pink Floyd, et le solo de sax sur Money a été assuré par le gars qui a fait le solo de sax sur Money en 1973. C'est la première fois depuis 1977 que Nick Mason est seul à la batterie et Roger Waters seul à la basse. Du coup, les morceaux étaient humains... Tellement même qu'ils n'étaient pas parfaits, et ça aussi c'est du bonheur : il y en avait marre du gros son inattaquable sans la moindre fausse note, sans le moindre flottement de rythme, là, c'était vivant !

J'ai bien aimé parce qu'ils ont joué comfortably numb, une de leur plus belle chanson, mais qui était incomplète depuis 1980, puisqu'elle est normalement chanté moitié par Gilmour, moitié par Waters, et qu'elle a toujours eu un goût de pas fini aux concerts de l'un ou de l'autre.

J'ai bien aimé parce qu'ils ont collé Breathe et Breathe reprise, histoire de caser le Home, home again, I like to be here, when I can... et que mine de rien, Pink Floyd qui fait un arrangement différent d'un de ses morceaux, c'est pas tous les jours, surtout ces vingt dernières années.

J'ai bien aimé parce que Gilmour et Waters ont chanté We're just two lost souls swiming in fishbowl year after year, running over the same old ground, what have we found ? the same old fears... ensemble après que Waters aie dit combien il était ému de se retrouver sur scène avec les autres.

J'ai bien aimé apprendre depuis que les sondages font de leur set la meilleure prestation du Live 8, que depuis, les ventes de leur Best-Of ont augmenté de plus de 1300% (sic) et qu'ils ont annoncé qu'il était hors de question qu'ils gagnent de l'argent grâce à une manifestation de charité et que les profits des ventes de cet album allaient désormais aller à des œuvres.

J'ai bien aimé. J'en aurais bien pris plus, mais c'est pas grave. Peut-être que l'histoire de Pink Floyd est maintenant terminée, c'est pas grave : un fin comme ça, c'est juste bien. High Hopes est une très bonne dernière chanson du groupe et ce concert est un très bon dernier concert ... À la rigueur même, ça serait moins bien s'il y avait quelque chose derrière. Mais ça tombe bien, ils n'ont pas l'air chauds.

Tout ça était presque parfait. Presque, mais c'est à mon niveau à moi que ça a merdé : j'avais l'intention d'aller là bas avec des gens, bon, pas avec le Toune qui ne pouvait pas parce que trop loin, mais je connais au moins un super fan du Floyd qui n'aurait pas voulu rater ça. Alors nous devions y aller ensemble, sauf qu'il n'avait pas de carte d'identité à jour (officiellement indispensable pour entrer en Angleterre) du coup, on a laissé tomber. Moi j'aurais pu y aller, mais je voyais ça comme une aventure de groupe. Seul, c'était nul... Et voilà que j'apprends deux jours après que finalement il y est allé, il a quand même passé la douane, et il était à Hyde Park pendant que j'étais devant ma télé. Ça me rend sévèrement vert, parce que non seulement ça va rester dans nos relations (je me connais, je ne réussirai à lui pardonner que le jour où on pourra réparer, à savoir le jour où on fera à deux un évènement de même ampleur. Autant dire jamais.) mais en plus ça me bousille toute l'expérience puisqu'il y aura toujours un mauvais souvenir rattaché à tout ça. Je suis dégoûté.

Tant pis, c'est vrai, mettons de l'ordre dans nos priorités : Aujourd'hui, j'ai envoyé des tournesols à Julie, parce que Julie, c'est mon bout de soleil à moi.