Métaphore

Il fait froid dehors

Sysadmin, c'est une drogue (#1)

Un bon informaticien est un informaticien paresseux !
Sagesse populaire.

Je ne vous parle pratiquement jamais de mon boulot, que pourtant j'aime bien, non plus d'informatique, qui pourtant me passionne. C'est parce que les ordinateurs, c'est un jouet passionnant, mais en tant que sujet de conversation, c'est nul (faites moi penser un jour à vous raconter cette soirée horrible où des copains profs avaient invité un informaticien pour que je ne m'ennuie pas...) N'empêche, les nateurs, moi, j'aime ça.

Je suis administrateur système.

Je ne l'ai même pas fait exprès... En souvenir de trois programmes BASIC que j'avais modifiés sur un Alice dans ma folle jeunesse, j'ai fini mon semblant d'études en ratant un DUT informatique que j'avais intégré bien malgré moi, ayant peur de me mesurer à des petits génies nés avec un clavier entre les mains. Il s'est trouvé qu'effectivement, niveau programmation, je n'avais pas la discipline nécessaire, mais qu'avec Windows et le DOS, j'avais trouvé un super nouveau jouet : le jour où j'ai ramené mon premier PC à la maison, j'ai du retourner au magasin avec la machine sous le bras après un réglage malheureux... Je venais de commencer mon apprentissage : on tripote, on casse, et on essaie de réparer[1].

En réparant trois machines à gauche et deux à droite, je suis devenu technicien info dans une école d'ingénieurs, puis équipe informatique (sic) dans une PME, pour finir dans une institution européenne à changer des toners. Pas top, et on m'avait promis une absence totale de possibilité d'évolution. Raté.

Raté parce que par la grâce de quelques circonstances favorables et du fait que je ne suis peut-être pas totalement incompétent, malgré un importante culture du "reste à ta place, petit con, tu n'es qu'un externe", je me suis retrouvé membre de l'équipe système.

Petite présentation : deux institutions européennes, qui tournent grâce à une structure commune (traducteurs, bâtiments, sécurité, service informatique ...) Le plus important, c'est bien évidemment tout ce qui est traduction, rien que ça représente près d'un millier de personnes. On en rajoute quelques centaines pour tout ce qui est annexe ainsi que pour les deux institutions en propre et on arrive à environ 1500 personnes, à peu près autant de stations de travail, trois ou quatre dizaines de serveurs par au dessus, tout ça réparti en quatre bâtiments et géré par un service informatique d'une cinquantaine de personnes.

Sur ces cinquante personnes, on trouve plusieurs équipes : les développeurs, qui programment les applications internes, les Telecom, qui s'occupent des relations avec l'extérieur et de l'infrastructure physique du réseau, le Service Desk, qui s'occupe de changer les toners et d'expliquer aux gens qu'il faut allumer l'imprimante pour qu'elle fonctionne et l'équipe système qui s'occupe de faire tourner les serveurs et de l'infrastructure logicielle de toute la maison.

Dans l'équipe, nous ne sommes cinq : le chef et le gros balèze, fonctionnaires, et trois externes. Nous gérons tous toutes sortes de choses qu'on gère dans ces cas là : impressions, données, droits, utilisateurs, toutes ces choses amusantes et habituelles, ainsi que d'autres plus spécifiques au boulot précis d'institution européenne. Donc principalement la traduction.

Parce qu'à chaque fois qu'un avis est émis ou modifié, il faut traduire ça en quinze langues, et c'est une grosse machine. Quand un texte arrive, l'équipe de coordination le dispatche vers les quinze divisions linguistiques, lesquelles vont assigner le boulot à un traducteur, qui renverra ça ensuite vers le secrétariat de sa division, qui va ensuite faire les mises en forme finales et renvoyer le document dans un système qui en contient plusieurs dizaines de milliers, où ils seront rangés, indexés et consultables par recherche au moyen des outils appropriés.

Ça, c'est mon job.

Moi aussi, je gère du DFS et du DNS, des ACLs sur du NTFS et d'autres choses tout aussi comiques, comme mes collègues. Mais ma spécialisation, c'est cette base là. Ça m'est tombé dessus le jour où le gars qui s'en occupé s'est tiré pratiquement sans préavis... J'ai eu trois semaines, sans formation, pour reprendre en main une usine à gaz faites maison, mais salement. Moi qui avait des connaissances pratiquement nulles en base de données, ça a été rigolo.

Je ne m'occupe pas de toute la chaîne : c'est une autre équipe qui a développé les outils pour envoyer les documents vers ce système, et une autre encore qui a crée l'outil de consultation. Moi, je me situe entre la réception de document avec des fichiers d'informations associés (titre, auteur, date, etc.) et la mise à disposition d'une interface sur la base de données, accessible par l'outil développé par une autre équipe. Et de l'un à l'autre, je vais ranger le document au bon endroit, indexer le document avec les données qu'on m'a fournies, gérer les mises à jour des index des bases, faire des validations régulières, m'assurer en permanence de l'intégrité des données et maintenir tout ça en double exemplaire par réplication sur un serveur de backup prêt en permanence à prendre la main en cas de défaillance du serveur principal. Parce qu'il ne faut pas qu'il y ait un problème : à la moindre indisponibilité, ce sont au moins huit cents personnes qui ne peuvent plus travailler, et on m'en voudrait.

C'est pour ça que ces derniers temps, on m'a observé de près lors que je préparais la migration de tout ce bazar sur de nouveaux serveurs, parce que plus personne ne maîtrise le monstre que c'était devenu : on avait mis en production les serveurs sur lesquels on avait fait les tests, ce qui me permettait d'avoir deux serveurs censés être des jumeaux mais en réalité configurés différemment (pour vous donner une idée, sur le serveur principal , le moteur de la base de données avait été installé directement dans le répertoire Windows[2] !) et où tous les scripts avaient été modifiés au feeling, et disséminés un peu partout sur les disques. Une usine à gaz.

Quand j'ai récupéré le machin, mon prédécesseur passait une heure ou deux par jour à corriger les fautes de la veille, laissait traîner des erreurs d'une semaine à l'autre, avait dans le système des documents absents des bases et des infos dans les bases correspondant à des documents absents du système, et je ne parle même pas de la partie de rigolade qu'était la correspondance entre les deux serveurs... Jumeaux, mes fesses, oui !

J'ai été très mal vu par mon chef au début, parce que je passais trop de temps à travailler là dessus, alors que mon prédécesseur donc n'y passait au pire que deux heures sur la journée. Ben oui, mais moi je suis un bon informaticien : un flemmard. Ça me fatigue de travailler, alors je veux bien faire quelques efforts ponctuels pour n'avoir pas à le faire par la suite.

Aujourd'hui ça a payé : le bazar tourne tout seul. Il est très rare qu'il y ait le moindre problème et j'ai mis en place un certain nombre de vérifications automatiques qui vont me prévenir s'il y a le moindre problème. Et pendant ce temps là, j'ai la paix.

Enfin, le bazar tourne tout seul tant qu'on ne va pas trop lui tripoter les entrailles. Demain, je vous raconte un peu la migration vers de nouveaux serveurs et comment celle-ci m'a permis de me rendre compte que je suis drogué.

Notes

[1] Je continue aujourd'hui. Ma préférence est toujours allée vers les bidouilles avec un encadré rouge : Faites des Sauvegardes !!!_ ou Ne faites pas ça si vous ne voulez pas reformater ! Maintenant, quand ils ne me traitent pas de psychopathe, mes collègues m'appellent Monsieur Base de Registre.

[2] Ah oui : nous sommes un cas d'école : si pour un besoin quelconque il existe une solution Microsoft, nous achetons la solution Microsoft. C'est non négociable... Si on ne paie pas assez cher, c'est que ce n'est pas assez bon pour nous (merci de noter que c'est l'opinion des décideurs, pas la mienne.)

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Commentaires

1. Par Nonal le Chacal, le 01/06/2005 à 23:30

"faites moi penser un jour à vous raconter cette soirée horrible où des copains profs avaient invité un informaticien pour que je ne m'ennuie pas..."

T'as participé à un dîner de cons ?

Sérieusement, fais-moi penser à te raconter ce dîner de profs où ils n'avaient pas pensé à inviter un informaticien pour que je me sente moins seul...

2. Par Nonal le Chacal (bis), le 01/06/2005 à 23:32

J'aimerais bien bosser au service Desk, moi...

3. Par jimi, le 02/06/2005 à 07:27

j'ai rien compris...

4. Par xave, le 02/06/2005 à 08:54

Nonal1> Il faut que tu comprennes ce qu'est un informaticien : ça a une chemisette à carreaux, des mocassins, des stylos dans la poche, c'est coiffé par maman et ça n'a qu'un seul sujet de conversation : les ordinateurs. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est une grossière caricature : j'en ai plein au boulot ! Les bizarres qui ont une dégaine d'artiste maudit et une vie en dehors des machines, c'est la minorité.

Nonal2> Tu peux, je peux même te parrainer si tu veux. Mais l'ambiance y est bien plus pourrite que dans mon équipe à moi. Ils sont trop nombreux, ils se tirent dans les pattes.

jimi> Tu veux que je te mette la version avant vulgarisation ? :) Bon, d'accord, j'admets que d'habitude, quand on me demande quel boulot je fais, je me contente de dire informaticien, ça évite de perdre deux heures à expliquer des trucs qui vont rester flous pour tout le monde.

5. Par Nonal, le 02/06/2005 à 10:30

Mon chéri > il faut que tu comprennes ce que c'est qu'un dîner de profs à la fin juin : on t'accueille en souriant, mais on te regarde quand même super bizarrement. Après, les gens parlent très fort d'élèves que tu ne connais pas, et ils rient grassement. A intervalles plus ou moins réguliers, ils s'aperçoivent que tu es là. Ils tentent donc d'engager la conversation sur des sujets qui leur paraissent universels, par exemple la marque de ton camping-car, ce que tu fais en juillet-août (ben je bosse, tiens) ou si tu es déjà allé à Niort au magasin d'usine de la CAMIF.

Alors crois-moi, un geek en chemise à carreaux, ça m'aurait bien plu.

6. Par xave, le 02/06/2005 à 10:45

Wuais, enfin je te rappelle que je suis fils de profs et ancien meilleur pote d'un gars qui a fini par avoir des collègues à la place d'amis ... J'ai connu les soirées à trois asociaux parmi trente profs... Quitte à être obligé de parler à quelqu'un, je préfère quand même parler à quelqu'un qui a un sens social complètement perverti qu'à quelqu'un dont la vie sexuelle se résume à un poster de Pamela Anderson. De deux maux, il faut choisir le moindre...

Et sois assuré que ces deux maux là, je les ai suffisamment fréquenté pour faire mon choix en connaissance de cause : le prof, parfois, il lit des livres, se tient au courant de la marche du monde ou va voir des films, il est donc possible, au prix d'efforts, de faire dévier sa conversation de sa course normale. Le nerd sait juste qu'un nouveau type de port PCI va apporter un gain de 17,22% à son frag. Tu peux essayer de tous les cotés, si tu réussis à lui faire parler d'autre chose, ça sera pour apprendre que le sabre de Dark Vador n'avait pas la bonne couleur dans Un nouvel espoir ...

Je ne demande à personne de faire le même choix que moi, ceci-dit.

7. Par jimi, le 02/06/2005 à 14:42

oui, ok, de toutes façons ça ne me dérange pas les articles sur l'informatique, ça me donne juste un peu l'impression d'être un extra terrestre (à moins que ce soit toi ???)mais j'avais préféré ton article sur le pape (n'en déplaise à nonal le chacal), ou sur la constitution. Ciao

8. Par Notre Conscience (peut-être futur prof), le 02/06/2005 à 18:38

Un dîner de profs, c'est comme un diner d'orthophonistes, quoi.

9. Par Nonal le Chacal, le 02/06/2005 à 21:31

"par Notre Conscience (peut-être futur prof)"

Rhaaa ! Quand ce sera le cas, Cédric, sois gentil avec les non-profs que tu inviteras : déjà que c'est pas rigolo de n'avoir que du jus d'orange pour trinquer...

10. Par xave, le 03/06/2005 à 09:29

Un dîner de profs, c'est juste comme n'importe quel dîner de spécialistes d'un domaine, ça cause du domaine en question.

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Rétroliens

1. Le vendredi 3 juin 2005, 11:53 par Métaphore, il fait froid dehors !

Sysadmin, c'est une drogue (#2)

Or ça donc, je vous contais hier ce qu'est mon boulot, et vous promettais des détails. Voici ces détails, mais ils ne sont pas glorieux. Essayez de ne pas m'en vouloir, je vais me décharger sur vous d'un lourd secret : Je suis un drogué.