Constitution Européenne : Non merci...
Tout le monde l'a bien compris : Si on ne vote pas Oui au référendum, c'est la große Katastroph, nous allons dans le mur, tout va s'écrouler, c 'est la guerre civile, Sarko pense réellement plus à son pays qu'à sa carrière, les indiens débarquent, le frigo est vide et mon cul c'est du poulet ! Oui, oui, oui... Effectivement, l'argumentation pour le Oui est multiple et raisonnée : Il faut voter Oui. Pourquoi ? Principalement parce qu'il ne faut pas voter Non.
Je me suis promis de vous en toucher un mot. Non que je sois une sommité en la matière, mais il y en a peut-être parmi vous qui n'ont pas lu les explications de texte qu'on trouve ici ou là, ou qui se posent encore des questions ou qui se disent tout bêtement (comme moi il y a peu) l'Europe, j'aime bien, moi je vote oui...
Oui ben non.
C'est la première erreur et le plus énorme des amalgames qu'on veut nous faire accroire : On vous demande de voter pour ou contre un texte, pas pour ou contre l'Europe. Perso, j'aime bien l'Europe, je suis fan de l'idée, et comme j'aime bien l'Europe, je serai dans mon bureau de vote le 29 mai pour voter Non au référendum.
Je viens de vous le dire : on peut trouver ici et là des explications de texte [1]qui vous permettent de n'avoir pas à vous fader 800 pages de jargon juridique et de vous faire une opinion en quelques pages bien senties. Je vais faire encore mieux : je vais faire un résumé de l'explication de texte en quelque paragraphes. Trop fort[2].
D'abord, on vous parle de constitution, mais il ne faut pas vous attendre à des beaux posters avec la joulie constitution de notre belle Europe dans toutes les mairies : là où la plupart des constitutions nationales tiennent en quelques pages (une constitution, c'est un cadre pour les lois, pas des lois.) celle-ci, forte de toutes ses parties et tous ses annexes pèse des centaines de pages. La force des constitutions, c'est d'être claires, nettes, précises. Celle-ci est dès le départ trop lourde pour être comprise sans un solide bagage de droit. Autrement dit : Ne vous inquiétez pas, on vous gouverne, vous ne comprendriez pas de toutes façons, braves sujets...
Le propre des constitutions, c'est aussi d'être neutre. Celle-ci ne l'est pas : avec ses règles de non ingérence et sa mise sur un piédestal du principe de libre concurrence, qui ne doit jamais, mais alors jamais être contrarié, on a une constitution... de droite. C'est assez fascinant, mais avec cette constitution là, vous pouvez dire adieu à la notion de service public par exemple. Comment le Parti Socialiste réussit a défendre le oui et à se regarder dans une glace est au delà de ma compréhension. Mais bon, ça fait belle lurette qu'ils ne sont plus de gauche de toutes façons. Ceci dit, même comme ça, à part le MEDEF, je ne vois pas trop qui peut, en toute compréhension du texte, avoir intérêt à signer ça.
Des fois, on n'est pas tout à fait content de sa constitution, alors on voudrait changer un petit bout, toutes les constitutions du monde prévoient un mécanisme pour faire ça. Celle-ci aussi : il suffit que les 25 (Aujourd'hui. Plus bientôt, rappelons le.) pays se mettent d'accord en même temps et hop : on peut changer la virgule qui gène. Et avec un peu de chance, les 25 pays seront une nouvelle fois d'accord à l'unanimité pour trouver que le nouvel endroit où est posé la virgule est pas mal. Attention : on ne parle pas d'un système ou une demande est introduite qui est ensuite examinée par tout le monde pour savoir si la majorité est d'accord pour qu'on en discute, non : on parle bien d'un système où 25+ pays doivent d'un seul coup se dire en même temps : cette virgule n'est pas jolie, changeons là. Rappel : l'Angleterre fait toujours partie de l'Europe. Autant dire que le jour où cette constitution passe, elle ne dégage plus jamais. Elle n'est jamais corrigée, c'est dans les faits complètement impossible. Vous avez intérêt à l'aimer vraiment, parce qu'elle régira telle quelle la vie de vos arrières petits enfants.
Le problème de base aussi, c'est qu'il n'y a plus vraiment là dedans de séparation des pouvoirs. En termes simples (euh... j'essaie, parce que je dois avouer que ce n'est pas super clair dans ma tête) on a normalement dans un gouvernement qui fonctionne d'un coté les parlementaires, de l'autre les flics. Et normalement, il s'agit de deux corps bien distincts. Imaginez que la police fasse les lois elle même, ça ne serait pas triste. Non, encore pire qu'avec Sarkozi à l'Intérieur. Donc, les gens qui inventent les lois et les gens qui les font appliquer sont deux entités bien séparées. Par exemple, normalement, chez nous, le peuple obéit à l'État qui obéit aux lois votées par les députés élus par le peuple, histoire d'arriver à un certain équilibre. Dans la constitution qui nous est proposé, non. On a un parlement qui ne peux pas légiférer[3] et se contente d'approuver ou pas les décisions de la Commission, elle même nommée par les gouvernements auxquels vont obéir les quidams. Et quand je dis approuver ou pas, ce n'est pas très compliqué : si le parlement n'est pas d'accord, on lui repose la question jusqu'à ce qu'il soit d'accord, ça s'est vu, ça se reverra. Donc, si on comprend bien que la Commission, c'est la bouche des gouvernements, on arrive à un peuple qui obéit aux gouvernements et qui élit des représentants qui obéissent aux gouvernements. Tout ceci est un simplification, mais c'est l'idée, en gros, maintenant, c'est la police qui fait les lois. Ça vous plaît toujours, ça ?
Et le petit détail qui chiffonne : on vous a demandé votre avis, à vous, pour écrire ce texte ? Oh, bien sûr, aucun peuple n'a jamais écrit directement sa constitution, mais normalement, ça se passe toujours un peu de la même manière : on a envie d'une nouvelle constitution, alors on choisit des représentants pour faire ça au mieux de vos intérêts, afin qu'ils écrivent cette loi des lois qu'est la constitution, et qu'ils ne fassent que ça : une fois que le texte existe, on dissout l'assemblée constituante. Ici, encore une fois, non. Les gouvernements en place ont mandaté des gens pour écrire un texte qui s'appliquera... aux gouvernements en place. Il n'y a pas un petit problème ? Il n'y aurait pas une petite confusion d'intérêt ?
Le pire dans tout ça, c'est qu'il n'y a rien de vraiment neuf là dedans : le plus gros de ce texte, ce sont les annexes. Et les annexes, continuons à schématiser, ce sont les traités qui ont déjà cours : Schengen, Maastricht, Nice, tout ça... La grosse nouveauté finalement, c'est cette impossibilité de corriger la copie. Autrement dit : c'est déjà la merde, mais si on laisse passer ça, ça sera irrémédiable.
Très peu pour moi.
Donc Non.
Notes
[1] Voir particulièrement le site d'Etienne Chouard, prof de droit qui était pour par principe, jusqu'à ce qu'il l'analyse.
[2] Mais trop facile : cinq paragraphes, tirés des cinq problèmes majeurs soulevés par l'Etienne en question.
[3] Le Parlement Européen n'a pas possibilité de proposer une loi, il n'y a que la Commission et le Conseil qui ont ce droit, donc, les gouvernements en place.
Publié le 28/04/05, dans la rubrique le monde tourne mal.
(lire d'autres billets sur : citoyen )
Commentaires
1. Par Nonal, le 28/04/2005 à 23:35
2. Par Dikimoon, le 29/04/2005 à 00:18
3. Par Flo, le 29/04/2005 à 13:06
4. Par xave, le 29/04/2005 à 13:13
5. Par Nonal, le 30/04/2005 à 00:10
6. Par notre conscience, le 30/04/2005 à 10:49
7. Par sam, le 02/05/2005 à 08:57
8. Par Nonal le Chacal, le 02/05/2005 à 09:22
9. Par samsam, le 02/05/2005 à 13:53
10. Par xave, le 02/05/2005 à 14:09
11. Par sam, le 02/05/2005 à 14:34
12. Par Nonal, le 02/05/2005 à 16:06
13. Par sam, le 02/05/2005 à 16:19
14. Par Anne, le 04/05/2005 à 22:05
15. Par martin, le 05/05/2005 à 10:44
16. Par xave, le 05/05/2005 à 12:50
17. Par martin, le 06/05/2005 à 11:47
18. Par nooooooooooooon!!!!!!!!!!!!!, le 14/05/2005 à 20:55