Métaphore

Il fait froid dehors

ça s'arrange doucement

Jean-Paul II et je retiens un...
graffiti, récolté par Vivi

J'avais parlé ici même il y a quelque temps de ce que me rappelle maintenant chaque année la Saint Valentin (le jour où on fête les Valentin, comme ils disent à la météo.) J'en ai parlé parce que par la grâce de quelques papiers, tout ça est revenu dans ma vie. Pour être franc, ça me ferait plutôt plaisir que tout ça se termine enfin...

Mais il y a tout de même un bon point dans ce retour : quelques années en arrière, j'étais au tribunal en attendant que ce soit le tour de mon affaire d'être traitée, c'était plutôt loin de chez moi, mais pas assez (d'ailleurs, mon avocat avait reconnu en moi le fils de son ancien prof, mon père est une mafia tout seul.) Je ne sais pas si vous avez déjà trainé vos guètres dans un tribunal, mais le temps y passe lentement, surtout dans ce genre d'affaires où on traitre trente cas sur la demie journée, et bien entendu, le mien était loin d'être le premier à l'ordre du jour.

Je n'étais pas encore très en forme, et il eut été tout à fait inutile d'emporter de la lecture, j'avais encore quelques mois devant moi avant de pouvoir retrouver la concentration nécessaire pour lire trois pages d'affilée. J'ai donc attendu sans rien faire que mon affaire arrive, en écoutant un peu les autres affaires, en allant fumer une cigarette de temps en temps (mais pas trop loin, au cas où,) en matant un peu la fille qui était devant moi, pas mon genre, mais plutôt accorte, et surtout en rongeant mon frein...

Quand ça a enfin été mon tour, j'ai revu mes agresseurs pour la première fois depuis cette fameuse nuit. J'avais peur, encore, mais je voulais absolument les regarder en face, je voulais qu'ils baissent les yeux, j'avais besoin de ça pour me relever. Je n'avais pas prévu que je serais désolé pour l'un d'entre eux. Je n'avais aucune idée de qui ils étaient, mais à travers certains détails du dossier utilisés dans la plaidoirie de l'un ou l'autre, voire par des interpellations aux prévenus par le juge lui même, j'ai appris que l'un d'entre eux avait un boulot, avait une copine, était plutôt bien parti malgré une histoire pas vraiment facile, et qu'il n'avait rien trouvé de mieux que d'être entraîné ce soir là par de mauvaises fréquentations beaucoup plus coutumières de ce genre de conneries. Et je ne pouvais pas souhaiter qu'il sorte comme s'il n'avait rien fait, mais j'étais vraiment désolé de me rendre compte que ce garçon venait peut-être de gâcher sa vie entière non pas par méchanceté, mais par connerie !

Le détail, celui qui m'a poursuivi des années, c'est qu'au moment où ça a été terminé, après la prononciation de la condamnation (plus forte que celle demandée par le procureur, le juge était vraiment remonté contre eux,) ses proches sont allés lui parler avant qu'il soit emmené, ses proches dont sa copine, pas mon genre, mais plutôt accorte, et que je venais de reluquer pendant des heures.

Et j'ai passé des années avec un sentiment de culpabilité, ne pouvant me départir de l'idée, aussi stupide soit-elle, que ce gars avait gâché une vie dont il commençait à tenir les rênes en partie de ma faute. C'est con, mais ça pourrit. Surtout quand c'est un sentiment pas excessivement fort, mais plutôt tout le temps présent.

Aussi ai-je été monstrueusement soulagé lorsque je l'ai eu l'occasion de parler avec son conseiller en réinsertion, qui m'a appris, qu'il avait passé un certain temps derrière les barreaux, certes, mais qu'en sortant, il avait retrouvé les quatre enfants qu'il avait faits au parloir et la mère de ceux ci, et qu'il avait trouvé un boulot tout à fait correct, avec une paie qui lui permettait d'entretenir sa nombreuse famille (et de me payer avec huit ans de retard mes dommages et intérêts.) Accessoirement, il m'a confirmé l'impression que le gars m'avait fait à l'époque : que ce gars n'a vraiment pas un mauvais fond, mais qu'il était beaucoup trop influençable.

Et ben, mine de rien, quand on lâche un poids pareil après des années, on se sent tout léger.

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