Zone d'inconfort
Par pensées irréfléchies - Lien permanent
Je vais partir en voyage. Loin. Longtemps. Enfin, je crois : j’ai posé des congés, je dois prendre mon billet d’avion.
Je l’ai déjà presque pris d’ailleurs : plusieurs fois, j’ai fait la recherche, j’ai trouvé les moins pires prix, et je n’avais plus qu’à valider. Plusieurs fois au cours des deux derniers mois. Et puis je n’ai pas encore validé, alors que je sais très bien que je vais finir par les prendre. Mais quand j’aurai réservé, ça deviendra définitif, et je serai obligé de partir, et j’ai peur. Parce que je vais partir seul, et qu’à part les quelques personnes que j’irai saluer au début du voyage, je resterai seul, pendant des semaines, sur la route, avec seulement les discussions de passage, sans connexion à Internet, sans livre pour passer le temps, juste seul avec mon cerveau à la con.
Mais je ne suis pas comme ça, moi, du tout. Je suis bien chez moi, dans mon canapé, avec mes livres, mes guitares, mon ordinateur. J’aime bien avoir mes horaires fixes, sortir de chez moi ne serait-ce que pour faire les courses est un effort sans nom, j’aime bien mes rails, avec de préférence des barrières de barbelés sur les côtés pour être sûr de n’en pas sortir. Ça fait des mois que je mange la même salade tous les midis, et mes repas du soir, toujours à la même heure, ne sont pas tellement plus variés. Je joue au même jeu presque tous les jours depuis six mois, je n’ai pas changé la musique dans mon autoradio depuis un an. Bref, je ne suis pas casanier : je suis hyper chiant.
Et partir sans plan de route bien établi, ça me fout les jetons comme vous n’imaginez même pas. Je ne suis pas excité à l’idée de partir comme ça, j’ai des sueurs froides et ça pourrit un peu mon sommeil. Je le fais non parce que j’ai envie de le faire, mais parce que j’ai envie de l’avoir fait.
Et parce que depuis quelques années, je regretterais de ne pas l’avoir fait a pris plus de poids que je n’ai pas envie de le faire.
Commentaires
Un pays où tu sais déjà que tu n'auras pas de connexion internet et où tu n'as pas le droit d'emmener un livre, mmm... Tu pars en Corée du Nord ?
Je choisis de ne pas emmener de livre. Et comme je passerai mon temps sur la route, je ne vais pas me faire chier à trouver des mac-do pour avoir du wifi.
"Ouiiiin, je n'aurai pas de livre" // "Je choisis de ne pas emmener de livre". C'est un road trip vers masochiste-Ville ? :-P
J'avoue ma totale perplexitude devant ce masochisme haut de gamme. Ça dépasse mon entendement et mon mode opératoire.
J'espère que tu y trouveras ce que tu cherches, dans ce voyage. Ne serait-ce que le fait d'être heureux de l'avoir fait. Bonne route alors. Tu pars quand ?
@LeChieur, Je n'ai pas dit "ouin, je n'aurai pas de livre", j'ai dit que je n'aurai pas de livre et que ça m'effraie. Du coup pourquoi est-ce que je pars sans livre ? Si on suit, partir m'effraie, et je pars quand même.
Je ne prends pas de livre pour deux raisons : la première, c'est pour m'obliger à profiter du voyage. Partir à l'autre bout du monde et passer son temps à bouquiner comme à la maison, ce n'est pas l'idéal pour profiter de l'expérience.
La seconde, la principale, c'est que l'idée de la déconnexion totale, c'est aussi de me retrouver en face de moi. J'essaie donc de ne pas trimballer mes habituelles distractions.
@mirovinben, Il ne s'agit de masochisme, au contraire : j'ai le choix entre un inconfort de quelques semaines et un inconfort de toute une vie à me dire "j'aurais pu et je ne l'ai pas fait."
Sacrip'Anne, pas tout de suite, dans quelques mois.
Moi, j'ai confiance : tu vas voir, on est vachement mieux de ce côté des barreaux :-)
(Mais pour les livres, un peu comme d'autres, j'avoue mon incompréhension : et si c'était aussi un plaisir ? Rassure-moi, tu emmènes bien toutes les parties de ton corps ? Parce que y'en a de salement distrayantes, aussi... :-p )
(Et ça fait plaisir de te lire... dit la fille qui n'écrit jamais.)
Dude, c'est peu dire que tu me plonges dans des abysses de perplexité...
"Je ne prends pas de livre pour deux raisons : la première, c'est pour m'obliger à (...)". C'est fou comme cette phrase me fait penser aux mecs de l'Opus Dei. Tu sais, ces gars qui portent un machin en fer contre la cuisse... Ça leur transperce horriblement les chairs quand ils marchent. Mais c'est vachement bien quand même, parce que ça les oblige à se rappeler que leur Sauveur en a bavé des ronds de chapeau pour venir faire chais plus quoi avec les hommes de bonne volonté. Peut-être que tu devrais rejoindre l'Église catholique, j'ai l'impression que tu leur plairais.
"La seconde, la principale, c'est que l'idée de la déconnexion totale, c'est aussi de me retrouver en face de moi. J'essaie donc de ne pas trimballer mes habituelles distractions." Et là, ce soir, t'as une chance de dingue que 300 kilomètres nous séparent, parce que quand je lis ça, j'ai une furieuse envie de te décapiter avec une petite cuiller rouillée, pour t'apprendre à dire des énormités... (Mais quand je me serai calmé, si tu veux des suggestions de lectures qui te mettent bien en face de toi (ou à l'intérieur, ou sur le côté, ou au-dessus), t'hésites pas, hein tu nous demandes (à moi ou à l'obsédée dont le commentaire précède). On a peu de risques de se gourer : j'ai beau réfléchir, j'ai vachement de mal à trouver des exemples de livres (toutes disciplines confondues) qui ne proposent pas, peu ou prou (ou carrément très beaucoup vachement prou), une invitation à s'y confronter avec soi-même...)
(Du coup, une question me taraude : tu vas t'interdire la musique, aussi ?)
Et si tu arrêtais d'envisager cette opportunité de voyage comme une punition, juste pour voir ce que ça fait ?
Bon, je vais essayer de l'expliquer autrement alors : le coup d'être loin de tout avec pas d'Internet, pas de bouquin, pas d'instrument de musique, bref rien pour occuper la tête, je l'ai déjà fait, en Écosse. Et oui, il m'est arrivé de m'ennuyer, et c'était très bien !
J'ai un cerveau qui passe son temps à sauter d'une distraction à l'autre toutes les quelques fractions de seconde : je zappe. Tout le temps. En permanence. Passer des journées à conduire, à marcher ou simplement à regarder l'horizon me permet de reprendre l'habitude d'avoir une réflexion qui puisse avoir le temps d'arriver quelque-part. M'entourer de rien, si vous préférez, ça me permet de méditer. On peut oublier les cathos : on est plus du côté des bouddhistes en fait : je pars faire une retraite spirituelle. Spirituelle, pour dire de connaissance de soi ; avec mes plates excuses pour la sonorité new age du truc, je pisse sur le new age comme tout le monde, mais des fois, j'ai besoin de sortir de mes rails.
Les bouquins, dans cette optique-là, ça poserait deux problèmes : d'abord la facile distraction, et j'ai choisi ce mot, parce que mon cerveau a toujours traité la lecture comme une façon pratique de "peigner" mes pensées, c'est à dire de toutes les diriger dans la même direction et calmer les pensées rebelles. À l'adolescence, j'avais *besoin* de lire pour éviter de devenir fou, et je parle de l'acte de lecture, pas de ce que je lisais : sans livre intéressant sous la main, il m'est arrivé de lire l'Équipe jusqu'à l'OURS, alors qu'on sait ma passion pour le sport.
Bien sûr que ce qu'on lit a d'autres effets sur la réflexion, mais je parle ici de l'effet anti-anxiolytique de l'acte de lecture en lui-même.
Le second problème que je voudrais éviter, c'est de laisser des mots et des idées qui ne m'appartiennent pas choisir la direction dans laquelle je vais peigner mes réflexions. je cherche à donner de la liberté à ma tête le temps qu'elle trouve toute seule dans quelle position se ré-installer.
Accordez-moi le droit de ne pas fonctionner exactement comme vous. J'ai le droit de voir une opportunité là où d'autres voient une punition ?
Ton commentaire est très éclairant.
Je comprends tout à fait ton souhait de faire une retraite spirituelle. Je pense en effet que de te couper de tout ce qui peut t'en écarter est bénéfique.
Je m'étonnais juste du fait que tu vis cela à la fois comme un bienfait et comme une punition. Plaisir et souffrance. D'où mon terme un peu brutal et très raccourci de "maso".
Il me semble que la vie est façonnée par une foultitude de choix, donc de renoncements. J'ai pu faire avec. A te lire, je constate que j'ai de la chance.
Et donc tu vas te raser la tête avant de partir ? C'est sage je trouve.
PS : Je veux bien une photo pour voir :-p
Relis mon commentaire, gars : c'est justement ce que je te suggérais, de voir le truc comme une opportunité et non comme une punition.
Sur le coup de la retraite spirituelle, c'est pas moi qui te blâmerai : "fuyons un peu l'agitation du monde et retrouvons-nous un peu en nous-même", c'est un trip qui m'a jadis tenté aussi (sauf qu'en ce qui me concernait, tout était dans le premier verbe plutôt que dans le second, alors je suis content d'avoir fait différemment, au final). Mais tout est question de modalités. Et de nuances, aussi : se filer un petit coup de pied dans le train pour avancer, ça peut être très utile ; en revanche, se faire une grande violence (au sens propre de ce dernier terme), ça me paraît totalement totalement contre-productif. Le principe même de ton voyage me semble un plutôt chouette petit coup de pied au train. Pour le reste, peut-être que tu pourrais la jouer plus cool avec toi-même sur les modalités.
Ah oui, c'est une opportunité, sinon je ne le ferais pas. C'est juste une opportunité qui me demande un immense lutte contre mon entropie (comprendre "mon cul de plomb").
Est-ce que tu vas faire une retraite dans un monastère ou te déplacer ?
Une amie a fait une retraite, en Inde et elle avait apprécié l'expérience.
Pour le livre, est-ce qu'un recueil de Haiku ne servirait pas ton but ? Sans orienter toutes tes pensées, il te donnerait des pistes.
Oué, voilà. On se pose des questions.
Sinon, au moins aussi efficace que les haikus, y a l'alcool et les psychotropes récréatifs. C'est bien, aussi. (Surtout quand on les partage avec des femmes de mauvaise vie).
Ué, en considérant que je vais passer mon temps au volant, je ne suis pas sûr de la pertinence des psychotropes.
Quant à faire une retraite all included, j'ai bien peur que ça ne soit pas pour moi non plus, j'ai vraiment besoin de trouver mon propre rythme. Sinon, oui, emporter quelques recueils de poésie, ça me paraît une idée sympathique. Mais alors pas des haikus, j'ai plus besoin de trucs un peu charnus, genre Norge ou Verhaeren (je m'habitue bien à la Belgique).
Salut Xave
Cela fait longtemps que je ne t'ai donné de nouvelles et qu'il ne faut compter sur mon ours pour le faire ! Je t'écris quelques lignes pour t'annoncer la naissance de notre p'tit nounours.
Il s'appelle Amar, il est ne le 10 mai 2013. Il a fait de nous les parents les plus heureux de la terre. Peut-être qu'après ta retraite (et surtout les travaux de notre maison, nous sommes obligés de vivre chez ma mère pour l'instant), si l'envie te prend de faire un tour en "Germany" tu pourrais en profiter pour rencontrer notre merveille.
En attendant des bises.
Mange Prie Aime :-)
« Et parce que depuis quelques années, je regretterais de ne pas l’avoir fait a pris plus de poids que je n’ai pas envie de le faire. »
C'est, genre, la chose la plus utile que j'ai lu depuis pas mal de temps. Bon voyage.
Ça ne serait pas nouveau non plus, qu'il y ait des équivalences entre ce qu'il y a dans ta tête et ce qu'il y a dans la mienne. Mais j'ai plus d'expérience, et tu es moins con.
Juste une idée de livre…à lire avant ton voyage, ou après, donc : Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes de Robert Pirsig. Beaucoup moins anecdotique que le titre.
Et bon voyage, alors…