Métaphore

Il fait froid dehors

Obéir à ce qui n'existe pas

Je me suis souvent demandé ce qu'il se passait dans la tête d'un schizophrène sain, quelqu'un qui se sait malade, qui sait que les voix qu'il entend dans sa tête n'ont pas d'existence réelle et qui pourtant se laisse guider par elles. J'ai toujours pensé que ça devait être fortement désagréable, mais enfin, il n'est pas difficile de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas : Je sais parfaitement distinguer, heureusement, un flash d'information réel d'un flash d'information dans un film.

Alors quoi ?

J'ai toujours été bien conscient qu'un intérieur de tête était un écran un peu plus impliquant qu'une télévision, mais ce qui est une invention de l'esprit en reste une, même si c'est son propre esprit (je parle bien de ceux qui se savent malades, ceux qui admettent consciemment que leur esprit leur joue des tours.)

Depuis quelques mois, je commence à comprendre. Oh, je ne suis pas schizophrène, mais j'ai moi même des choses dans la tête que je sais être le pur produit de mon esprit. Il y a longtemps maintenant que je suis dans mes mauvaises périodes sujet à des crises d'angoisse (c'est désagréable.) J'ai compris seulement récemment qu'un des mécanismes qui m'y amenaient étaient des crises de paranoïa tournant sur elles mêmes de plus en plus vite.

Nous y voilà : Je sais que cette paranoïa est un pur produit de mon cerveau dérangé. J'en suis absolument conscient, c'est totalement clair. Alors pourquoi est-ce que ça continue à me rendre dingue ?!? Pourquoi est-ce que je continue à interpréter des faits totalement insignifiants comme s'ils étaient le signe caché de problèmes de grande envergure ? Rien n'est à l'abri dans ma tête, j'entrevoie à intervalles irréguliers la fin de ma santé, de ma vie, de mon couple, de ma liberté, du moindre bout de bonheur que j'ai mis des années à apprendre à apprécier.

Il y a moins d'un an, j'étais stupidement heureux, bêtement insouciant, jusqu'à ce qu'à la fin de l'été dernier, à force d'enfermement seul à me sentir totalement inutile[1], ces crises là reviennent brutalement, me chopant totalement hors de ma garde après des années en sourdine. Depuis, quand je vais bien, c'est que je suis entre deux crises.

Et voilà que je me retrouve comme un con à tourner autour de la boite d'anxiolytiques, ces saloperies que je ne veux pas prendre mais qui sont les seuls capables de stopper net la spirale qui me fait exploser l'esprit. Mais je suis tellement fatigué...

Je sais que je me fais des idées, alors pourquoi ces idées ont elles un tel ascendant sur moi ?

Ça s'arrête comment ?

Notes

[1] Rappel : Poignet cassé, plâtre, tout le monde en vacances. Seul en tête à tête avec moi pratiquement tous les jours pendant deux mois. Plus de musique, plus d'écriture, plus de discussions, plus de programmation. Plus aucun exutoire créatif.

-

Commentaires

1. Par Yannou, le 22/02/2008 à 12:24

Ça ne s'arrête pas vite, mais ça s'arrête. Je glisse subrepticement ce mot : thérapie. Subrepticement parce que tu dois déjà savoir tout ce qu'il y a à savoir pour faire ce que tu as à faire, et aussi parce qu'au final c'est quand même toi qui fait le gros du travail.

Tu as conscience que ton esprit turbine contre ta raison et contre ta volonté. Commence par te dire que c'est déjà énorme d'en avoir conscience : c'est la première marche, et la plus importante.

À partir de là, tu pourrais te dire : « Allez, je vais lutter contre moi-même ». Oui, mais non. On ne peut pas lutter contre soi-même de la même manière qu'on lutte contre les autres. C'est sans fin et on s'épuise.

On peut faire autrement. Tu veux m'attaquer ? Vas-y, attaque, de toutes tes forces. Je t'ignore et tu tombes dans le vide. Je t'ignore car, quand bien même tu aurais raison, tu es sans importance. Moi, je sais ce qui est important, et j'ai décidé d'ignorer tout le reste.

Bien sûr, au départ, c'est un peu actif. Il faut se convaincre d'ignorer la pensée, et le faire dès qu'elle pointe le bout de son nez (avec le temps, on la voit venir de plus en plus tôt).

Mais après, ça devient de plus en plus passif. Laisser filer... Faire tomber les barrières... Ne pas donner prise... Et là, c'est ton adversaire qui s'épuise.

Chaque personne est unique, et on ne peut pas forcément projeter son propre cas sur les autres. Mais si tu trouves quelque chose de bon à prendre là-dedans, prends-le.

2. Par LeChieur, le 23/02/2008 à 11:12

+1 sur les trois premiers paragraphes du commentaire de Yannou. Je ne suis pas convaincu en revanche par le "on peut faire autrement", mais je le rejoins sur le dernier paragraphe, "chaque personne est unique", donc bon.

On en a déjà causé en privé, je crois. Quand ton seul choix se résume à tourner de plus en plus vite dans le bocal ou prendre des médicaments, l'alternative c'est de de faire appel à un tiers, aller voir quelqu'un. Déjà, le seul fait d'entamer une démarche brise l'espèce de synergie pourrie dans laquelle tu t'es enfermé, c'est pas mal. Et ensuite, ça aide bien. Après, le choix formel, thérapie, machins de groupe, analyse, tout ça, c'est à toi de le faire en fonction de tes critères, de tes besoins et de ton degré d'urgence. Mais il y a des moments où, quand la fission nucléaire qui est dans ta tête commence à ressembler au Syndrome Chinois, c'est bien d'appeler un pompier.

3. Par Suricat, le 24/02/2008 à 23:59

ça fait mal de lire ça alors que tout semblait aller bien depuis le voyage.

Je n'ai aucun conseil à donner, car je ne connais pas ces troubles.

Le seul truc, c'est que même un illustre inconnu comme je le suis pour toi ne peux que constater que commencer à en parler, même ici dans le vite, ça doit déjà commencer à faire du bien...

Ajouter un commentaire

URL de rétrolien : https://xave.org/trackback/926