Jamel, un Bouabdellah pour tout le monde

Je ne veux pas plus choisir entre la France et le Maroc qu'entre mon père et ma mère.

j'mets Buster Keaton en boucle, c'est mieux que de regarder des clips de rap bidons !

J'étais en train de faire un peu d'ordre, et entre autres choses, de classer quelques cassettes vidéos. Premier reflexe en allumant la télé : P+, parce que ma télé s'alllume comme beaucoup de télés : sur la première chaîne. C'est donc devenu un réflexe : Allumage, P+. Quoi qu'il y ait derrière, pitié, pas TF1...

Du coup, alors qu'aujourd'hui le représentant Corona dépensait l'argent public sur une chaîne privée pour tenter de nous convaincre de voter pour entériner la mort d'un processus démocratique (Bientôt sur ces pages : votez Non !), je me suis retrouvé devant Envoyé Spécial. Et dans Envoyé Spécial, je me suis retrouvé devant un reportage qui suivait Jamel Debouze.

On dira ce qu'on voudra : on peut légitimement être énervé par ses sauts de puce et ses tirades mitraillettées à coté desquelles les chansons de Springsteen passent pour des cours de diction, mais c'est quand même un personnage éminement recommandable.

Quand je suis arrivé à Bruxelles, j'ai rencontré Abdel. Bouabdellah Hanifi en vrai, mais Abdel, c'est plus court. On m'a casé à coté de lui et c'est lui qui m'a fait coaché les premiers temps sur le boulot. Et ce qui tombait plutôt bien, c'est qu'il était sympa, spécial, mais sympa. Je me souviens du jour où j'ai été convaincu : nous parlions des sites webs, et de l'orthographe déplorable qui y reignait. Je m'apprêtais à lui signaler ue c'était normal quand il m'a devancé : Forcément, ils sont souvent écrits par des informaticiens, ces gens là n'ont aucune culture et ne savent pas écrire ! Et moi j'étais tout content : je venais de rencontrer un informaticien qui n'aimait pas les informaticiens, forcément, ça me parlait.

Et j'ai bossé avec lui quelques années. Nous nes nous sommes pratiquement jamais vus en dehors du boulot, nous n'avions vraiment pas les mêmes loisirs, n'empêche que c'est une grande rencontre. Abdel venait d'Uckange, petit patelin mosellan qui avait du être mignon avant la révolution industrielle... J'y suis passé un jour, c'est un coin qui ne fait vraiment, avec les hauts fourneaux désaffectés d'un coté et la cité de l'autre. Abdel venait de la cité, mais il n'avait pas eu envie d'y rester. Il avait toute la culture qui allait avec et que forcément que je ne partageais pas (vous savez, moi, la raï, déjà, pas tellement, mais alors le rap hardcore...) et en même temps il était super fan d'Aznavour et citait Voltaire. Un maître des grands écarts en quelque sorte.

Et puis Abdel, c'était un Homer Simpson en devenir : l'embonpoint arrivait, on sentait bien qu'il ne pourrait pas avoir une coupe afro toute sa vie, même la couleur de peau y était un peu, et personne n'imitait aussi bien Homer, parce qu'il n'imitait pas seulement la voix, mais qu'il devenait le personnage. D'ailleurs, quand il est parti, je lui ai fait faire un badge de sécurité avec Homer dessus, et je lui ai choisi un énorme Homer en peluche comme cadeau d'adieu.

Accessoirement, il imitait super bien Julio Iglesias aussi, et il avait régulièrement des journées à thème : Julio Iglesias reprend les génériques de dessins animés de votre enfance, Julio Iglesias reprend les plus grandes chansons de pubs... J'étais fan.

Et il était généreux. Chiant, mais généreux. Un coeur d'or bourru, avec "toi même !" pour leitmotiv. -Ah ! Tu m'emmerdes ! -Toi même ! ou -Allez, bonne nuit ! -Toi même ! Et exigeant avec les autres, et avec lui. C'est lui qui m'a expliqué que l'Islam[1] demandait à ce qu'on cherche, à ce qu'on se pose des questions, à ce qu'on essaye de réfléchir par soi même, et du coup, c'est lui qui pestait contre tous les obscurantistes de tout crin (et surtout l'autre avec son c'est mon Imam qui l'a dit ! dont je parlais dernièrement, j'ai rarement vu mon Abdel aussi énervé que ce jour là.)

Abdel, c'est le genre de gars qui s'est beaucoup impliqué, plus jeune, dans la vie de son quartier, qui a vraiment essayé de faire bouger les choses, et qui s'est régulièrement cogné à l'incurie des élus qui préférait toujours le paraître au faire. Un gars bien.

Et ben j'ai été dégoûté quand il est parti., quand il est retourné au bled : à Metz. Depuis, il a de temps en temps des périodes de trois semaines où il réapparaît sur le net, et ensuite il redisparait sans prévenir pendant trois, six ou neuf mois. Il est comme ça. Mais ça me ferait quand même bien plaisir de lui remettre la main dessus.

Et je me suis rendu compte en regardant ce reportage dans lequel on suivait Jamel un peu partout que c'est le même genre de gars : un gars des cités, qui a réussi à en sortir, qui du coup est un peu flambeur, mais qui sait pour avoir été dedans que les cités ne sont pas remplies de terroristes en devenir, mais de gens normaux qui n'attendent qu'un début de reconnaissance sociale pour sortir de la zone. Ah forcément, tous ne lisent pas Oscar Wilde et tous ne considèrent pas Charlie Chaplin comme le plus grand acteur de tous les temps, mais tous aimeraient bien simplement trouver leur place dans leur pays : la France.

C'est pas ma culture, c'est pas mon humour, n'empêche que s'il y avait un peu plus de gars comme ça, qui se servent de leur notoriété pour essayer de faire bouger les choses, il y a bien des choses qui iraient bien mieux.

Bon, un dernier paragraphe pour deux choses que je n'ai pas su caser : d'abord que dans le reportage, on voyait la maman de Jamel, et que ce n'est pas étonnant qu'il soit quelqu'un de bien. Voilà, je tenais à le dire. Ensuite : Bon Abdel, quand tu veux tu réapparais, hein ?

Notes

[1] Bon, lui était plutôt non pratiquant, trop contraignant !

Commentaires

1. Le lundi 14 août 2006, 15:30 par july

J'ai la chance d'avoir rencontré ce mec, et on ne peut pas dire autre chose que de dire que c'est un mec génial, le pote parfait !!

2. Le mercredi 20 juin 2007, 11:17 par boussabd (Malik)

J'ai passé 2 années de Fac avec Abdel, on s'est beaucoup épaulé pour pouvoir décrocher notre D.U.T. en informatique.

Et comme on était les 2 seuls arabes de la promo, et en plus venant tous 2 de la cité, on était pas vraiment aprécié.

Mais, quoi qu'il en soit, on l'a eu ce putain de diplôme et en plus Abdel en mettait plein la vue avec son savoir immense. Bref, c'est un gars bien et qui immite parfaitement les bons vieux fashos, et autres.

Bref du délire tout en bossant à fond. Je n'ai plus de nouvelles de lui depuis 1998.

Ca me ferait très plaisir de le revoir sachant que moi je suis sur Metz, et qu'apparemment lui aussi.

3. Le jeudi 20 mars 2008, 13:59 par Ahmed GetUp

Je suis tombé par hasard sur ce site (merci Google) et j'ai lu cet article...J'y ai retrouvé une description d'un bonhomme que j'ai côtoyé par le passé, disons entre 1989 et 1996, un frère, quelqu’un de bien...Toujours joyeux, qui vous fait passer des journées dans son monde, un regal, vraiment du haut de gamme, et ça je pense que tous ceux qui l'ont côtoyé un jour, pensent comme moi. Beaucoup de très bons souvenir à ces cotés...Malheureusement, nos vies nous ont séparé mais j'aimerai bien remettre la main sur ce personnage haut en couleurs...Adbel Flash... Peut être un jour, qui sait...

4. Le samedi 31 mai 2008, 20:40 par Mary

Voila déjà 3 ans que je travaille avec Bouabdellah, un vrai bout-en-train ce Bou !!!
Quelqu'un d'humain, bourré d'humour et qui a le don de transformer les malheurs en bonheurs !!! Il gagne vraiment à être connu.

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