Métaphore

Il fait froid dehors

Arnaud Fleurent-Didier

C'est pourtant pas mes yeux qui t'ont fait si belle...
Arnaud Fleurent-Didier

La musique, c'est de la merde. Et c'est en passionné d'icelle que je vous parle : ça fait une petite vingtaine d'année que je vis avec mes disques et mes instruments, et si j'ai une nette tendance à me passionner pour tout et n'importe quoi, la musique reste toujours la première de mes préoccupations.

Et puis la musique, c'est tellement divers et varié : des délires psychédéliques à la chanson à texte obscure, en passant par le jazz et ses multiples incarnations, la musique sérielle, les musiques traditionelles, les récitatifs, tout est bon. J'aime tout, ou plus exactement il y a toujours quelque chose d'intéressant, quelque soit le courant observé (oui, même ceux sur lesquels je crâche.) Et puis il y a une discipline que je respecte, qui a une place à part dans mon coeur, parce qu'elle a donné Brassens, Brel ou Vian : la chanson française.

Et ben c'est de la merde. Si.

Je parle de la musique actuelle, bien entendu. Encore que... Dernièrement, j'avais une pensée pour la chanson française à deux vitesses : d'un coté les Têtes Raides, la Tordue, Les Ogres, Adji-Lazaro et ses multiples incarnations, et toute une mouvance qui joue plutôt acoustique avec une éducation rock et chez eux le poster Brel-Brassens-Ferré de tout le monde (mais moi, j'ai caché la tête de Ferré avec des photos persos -je reconnais son importance, mais il me gonfle.) À ranger à coté d'eux, tous ceux qui ont plutôt écouté Vian et Gainsbourg et sont plus légers avec une certaine exigence quand même : Les Bénabar, Camille ("le Sac des Filles", c'est vachement bien !), Jeanne Chéral, voire Mathieu Chédid (un jour, je vous dirai l'admiration que j'ai pour son père.)

De l'autre coté, on a les Staracs, les Nouvellestars, et toutes les merdes dues à des gens qui croient que savoir danser est au moins aussi important que savoir chanter pour faire artiste-célébre™, et encore : chanter, ça peut être fait par un autre, qui ne sait pas danser (ouh la honte) ou pire, qui est laid, bien caché dans un studio. Bref, des gens qui eux n'ont pas le poster dont il fut question, et qui d'ailleurs ont peut-être entendu Brel à la radio, savent que Brassens avait une moustache, et s'ils réagissent au nom de Ferré, c'est que leur marraine aime bien "pourtant que la montagne est belle", de Jean Ferret. Crétins. À mettre dans le même sac, tout ce qui est comédies musicales.... Michel Berger avait réussi avec Starmania ce que tant d'autres ont raté depuis, mais Starmania était un opéra-rock : rock. Depuis la soupe de Notre Dame de Paris, nous sommes envahis de sous merdes qui n'ont encore une fois d'autre raison que de nous montrer des gens qui dansent en atteignant des notes super hautes grave (sic).

Et puis on a quand même le cran au dessus : les Obispo, Calogéro, Lara Fabian, et tous ces gens qui donnent dans le produit de consommation courante, les vins de table de la chanson française : ça désaltère, mais ça n'a aucune profondeur, quelque fois on a une heureuse surprise et c'est pas du tout désagréable, mais ça n'a jamais rien d'exceptionnel et ça ne laissera aucun souvenir...

Il est évident que le monde n'est pas aussi manichéen : les jeunes rockers acoustiques à textes comptent en leur rang des gens qui surfent sur la vague mais n'ont pas l'inventivité de certains de leurs camarades, et j'ai personnellement tendance à préférer de loin les jeux de mots de Zazie aux platitudes énoncées à longueur de chansons par Obispo[1]. Mais bon, c'est un avis personnel.

J'en étais là de mes réflexions quand je m'apprêtais à demander à une grande personne ce qu'elle en pensait, elle qui avait connu les Brassens, Vian, Brel, et consorts. Et soudain, je me suis rendu compte qu'elle avait aussi connu Johnny, Sylvie, Sheila, ou pire : Richard Anthony ! Maizalors ? Est-ce à dire que c'est toujours comme ça ?

Pour le moment, je trouve que ça empire : du coté des maisons de disques, comme souvent ailleurs d'ailleurs, on cherche le profit immédiat, puisque demain on laisse la place à des nouveaux décideurs. C'est maintenant qu'il faut ramasser du fric, l'idée qu passe directement à la trappe, c'est la pérénité des artistes. Ça n'intéresse plus aucun décideur qu'un artiste s'installe : il doit se vendre tout de suite et sera jeté à la poubelle demain. Je vous laisse imaginer ce qu'il serait advenu de nombre d'artistes d'hier, et parmi les plus grands, à ce jeu là.

une pochette qui tient du code barre géant et du tableau miniature.C'est plein de ce sain désespoir quant à l'avenir de la chanson que je me promenais l'autre jour dans les rayons de mon disquaire préféré, à la recherche de l'une ou l'autre galette pour laquelle dépenser mon argent. Et voilà que mon œil est attiré par une pochette qui tient du code barre géant et du tableau miniature. Je me glisse sous l'écouteur... Et me voilà parti pour une longue intro avec piano, basse, flûte, cordes... Un truc qui ne se fait plus. Au bout de l'intro, une mélodie fort sympathique appuie des paroles pas bêtes. Je n'avais pas entendu la moitié du premier morceau que j'avais déjà mis le disque dans mon cabas.

Je ne suis pas très bon critique, je ne peux pas vraiment vous raconter ce qu'est exactement la musique d'Arnaud Fleurent-Didier (car c'est de lui qu'il s'agit.) Mais je peux vous donner les quelques impressions que j'ai eu : la premier, et la principale, c'est que nous avons affaire à un album ambitieux. Pas ambitieux dans son sens habituel du milieu : qui veut ramener des pépètes. Celui là cherche à faire une œuvre, il aurait tendance à réussir : il y a bien longtemps que je n'avais pas entendu ce genre de choses en chanson française... On est ici quelque part entre le Gainsbourg d'il y a très longtemps et le Polnareff d'avant qu'Obispo n'en soit fan : à l'époque où il faisait de la musique. la plupart des chansons portent la mention toutes parties jouées par AFD, sauf quand il y a des flûtes ou des clarinettes, et il s'y entend le bougre. En tant que bassiste, j'aimerais bien avoir compris ce genre de lignes mélodiques qui accrochent l'oreille sans se mettre en avant, par exemple.

Bon, je ne suis pas convaincu non plus à 100% : les textes me laissent parfois une impression de pas finis, de pas assez polis. Il y a des élisions et des entorses à la métrique qui auraient facilement pu être corrigées (Tout le monde n'est pas fan de Brassens, d'accord.) Il n'empêche que même si je ne suis pas à chaque instant convaincu par le résultat final, c'est tellement jouissif d'entendre quelqu'un qui essaye réellement ! Le disque s'appelle "Portrait du jeune homme en artiste", le jeune homme s'appelle Arnaud Fleurent-Didier, et il a réellement du talent (je le hais !)

La prochaine fois, je vous parlerai de mes chansons à moi.

Notes

[1] J'ai une certaine sympathie pour l'homme, qui bien que se la pétant un peu est toujours prêt à se mobiliser pour une grande cause, mais dire que l'artiste me laisse froid serait un euphémisme. quant aux platitudes, allez donc faire un tour chez mon camarade Nonal : Réhabilitons un grand auteur

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Commentaires

1. Par Sara White Wilson, le 08/04/2005 à 09:48

Monsieur Fleurent-Didier, J'ai vous regardé sur LCI le semaine dernier concernant votre projet mise en musique de le discours à lOnu de M. Villepin. Il m'interesse vivement, je reste tout à fait captivé par votre originalité. Je suis une jeune américaine en France. Si vous etes a Paris, je vous en prie de me contacter. Sincerement, Sara White Wilson

2. Par Margaux, le 18/10/2007 à 14:19

Bonjour, ou peut on écouter votre mise en musique du discours de M. De Vilepin? merci bcp

3. Par Amazone, le 14/03/2008 à 19:35

Le titre de l'album est emprunté au grand James Joyce, autant dire qu'il est ambitieux ! Je l'écouterai si je le trouve sur deezer...

4. Par Amazone, le 14/03/2008 à 19:42

Chou blanc sur deezer et jiwa ! Dommage ! Pourtant je ne suis pas du tout portée sur la zik française (on peut toujours évoluer...) à part Bashung évidemment.

5. Par Jerom, le 26/04/2009 à 23:48

Bonne nouvelle: un nouvel album est prévu pour 2009! (je viens de voir ça sur son site). Je l'attendais juste depuis 4ans (et depuis 4 ans je ne me suis toujours pas remis de ce premier chef-d'oeuvre...) ...

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