Vive l'Europe.

Bon, je ne suis vraiment pas très doué pour expliquer, mes dons de pédagogues sont presque négatifs à force d'être nuls. Je voulais juste en toucher un mot ici, puisque le coté "pas blog de geek" m'assure un lectorat (quel grand mot, mais tu le mérites, toi, lecteur mon ami) pas forcément au fait de tout ce qui se passe dans les coulisses de l'informatique.

Ça s'appelle les brevets logiciels. Ça existe chez nos amis maîtres du monde depuis toujours et c'est vachement pratique : en raccourci, ça permet , lorsqu'on a un vilain concurrent qui a des idées, de l'écrabouiller tranquillement, pourvu qu'on aie un compte en banque bien garni. C'est fort simple : il suffit que le concurrent utilise une idée qu'on a déjà déposée. Un exemple : le double clic, déposé par Microsoft. Ou le clic pour l'achat en ligne, déposé par Amazon.

Pour les gros, c'est un bonheur, il suffit d'aller déposer plein de brevets à la con sur des idées complètement basiques et on est sûr qu'on aura toujours un levier juridique pour aller emmerder tout ceux qu'on ne trouve pas beau. C'est un petit peu l'équivalent en informatique de la possibilité de faire un procès au fabricant de voiture qui a construit celle qui a écrasé votre yorkshire parce qu'il n'a pas inclus de dispositif anti yorkshire qui déboule devant les voitures sans prévenir. Bienvenue dans un monde d'avocats de droite.

Forcément, l'idée était plutôt mal vue de par nos contrées, et on refusait de donner de tels droits. Sauf que les grosses boites américaines faisaient pression pour que ça passe[1], et ça fait un certain temps que ça bagarre sévère. Les dernières aventures, c'était un texte balancé par la Commission et le Conseil de l'Europe qui faisaient vachement plaisir aux gros en question, mais le Parlement Européen (qui est constitué de gens élus, contrairement aux deux autres ou les gens sont nommés) n'a pas été d'accord et a essayé d'amender le texte. Ça n'a pas plu.

Du coup, la Commission a essayé de faire passer le texte en force à plusieurs reprises. Techniquement, il suffit que ça soit inscrit en tant que point A d'une réunion quelconque, ça veut dire que c'est un texte à signer sans discussion. C'est comme ça que ça s'est retrouvé à deux reprises à l'ordre du jour de conseils des ministres de la pêche (!?! Oui, vous avez bien lu.) Ces deux fois là, la Pologne a réussi à éviter la cata et à faire enlever le texte de justesse. Oui mais la pauvre Pologne, elle a prévenu : étant l'objet de pressions, elle ne pourrais plus le faire. Du coup, hop ! On recommence ...

Parce qu'on ne va quand même pas se laisser emmerder par les élus du peuple, hein ? Le Parlement a demandé à ce que le projet soit réexaminé depuis le début, histoire de bien saisir toutes les implications. Trop chiant d'attendre ! Du coup, ils ont replacé ça hier, en point A, sans discussion, encore une fois. Ce coup-ci, c'est le Danemark qui s'y est opposé. Sauf que ce coup ci, alors même que tout ça est régi par des règles très strictes, la présidence du conseil, à savoir le Luxembourg, a signifié au Danemark que t'es bien gentil, mais ta gueule. En désaccord flagrant avec mes propres règlements, je le fais quand même. On a vraiment l'impression de se retrouver dans une République bananière, une Banana Republic, comme ils disent à l'international.

Ce que ressent tout le monde sur le Net ces jours-ci, c'est une immense envie de vomir. Voilà un application pratique de l'Europe dans nos vies. On va maintenant essayer de comprendre leur projet de Constitution, histoire de bien savoir pourquoi on vote...

En attendant, n'hésitez surtout pas à aller signer la pétition, on ne sait jamais, déjà près de 40 000 signatures, peut-être qu'au million, on en parlera quelque part...

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Notes

[1] Microsoft (encore ? C'est étonnant) qui menace de délocaliser des centaines d'emplois si la loi dont il a envie ne passe pas, par exemple.

Commentaires

1. Le mercredi 9 mars 2005, 13:49 par Nonal le Chacal

"Un exemple : le double clic, déposé par Microsoft. Ou le clic pour l'achat en ligne, déposé par Amazon".

C'est con. Si Microsoft avait aussi déposé le clic-tout-court, ça aurait court-circuité Amazon.

Bon, je vous préviens, les gens. Je mijote un brevet qui concerne la respiration. Je suis l'inventeur officiel de cette pratique qui consiste à dilater ses poumons pour y faire entrer de l'air. Si vous voulez continuer à le faire aussi, va falloir cracher au bassinet.

2. Le mercredi 9 mars 2005, 14:21 par Zoe

Je suis surprise que Pep n'ait pas posé un billet avant toi vu comme il était remonté à ce sujet hier soir. Mais bon, il y a de quoi...
Ca me fait penser aux gif, merci Unisys, merci IBM ! De ce coté il n'y a plus qu'à espérer qu'ils ne redéposent pas leur brevets qui sont dans certains cas arrivés à expiration. Pour ceux qui ne sont pas au courant de cette vieille affaire, une page de gnu.org résume bien.

3. Le mercredi 9 mars 2005, 14:58 par xave

Surprise que Pep n'ait pas réagit avec rapidité ? Mais tu sais de qui tu parles ?

4. Le mercredi 9 mars 2005, 22:41 par Pep

C'est tout simplement parce que je suis encore en train de vomir...

5. Le jeudi 10 mars 2005, 14:54 par Flo

pour les anglophobes : http://fredix.taonix.net/weblog/images/buy-your-law-in-the-EU_fr.jpg

6. Le jeudi 10 mars 2005, 17:20 par xave

Bonjour,

Je me permets de vous faire parvenir mon opinion pour vous signaler qu'européen convaincu, j'avais l'intention ferme de voter pour le Oui au futur référendum sur la constitution et que j'en étais jusque là un ardent défenseur. Néanmoins, vous connaissez certainement la façon dont le Conseil a fait passer en force, au mépris de ses propres règlement, une loi dont il est acquis qu'elle ne bénéficiera qu'aux grands groupes logiciels internationaux, et qu'elle provoquera à brève ou moyenne échéance la disparition des acteurs européens du marché. Ceci s'étant passé malgré l'avis négatif du Parlement Européen, seul corps élu, et donc seul réellement habilité à défendre les intérêts des électeurs.

Sachez que je ne peux continuer à croire dans une organisation qui bafoue ainsi les droits des citoyen et des organismes commerciaux dont il a la charge au profit des droits des grands organismes commerciaux extérieurs.

Pour cette raison, je voterai donc non au référendum. Je suis conforté dans cette décision quand je sais que le oui est la position défendue par mon gouvernement, celui là même qui s'est effacé pour laisser le passage aux grandes sociétés étasuniennes, au mépris des engagements prises par le candidat Chirac aux dernières présidentielles.

J'ai bien entendu l'intention maintenant d'oeuvrer avec ardeur pour faire connaître ces faits déplorables et encourager les gens à choisir eux aussi de voter Non le 29 mai prochain.

Merci de m'avoir lu.

(Déposé sur le site de Matignon et celui de l'Élysée, en atendant d'être envoyé par courrier papier, qui a peut-être plus de poids. N'hésitez pas à m'imiter.)

7. Le jeudi 10 mars 2005, 20:48 par Nonal

Comment pouvais-tu être un "ardent défenseur" du oui à l'Europe ultralibérale, et être aujourd'hui choqué par cette affaire ? C'est pas crédible, ton truc ! Ca sent le gauchiste... ;p

8. Le jeudi 10 mars 2005, 20:56 par xave

La fin justifie les moyens. Et puis, moi, l'Europe, je suis vraiment pour. Seulement, on ne nous laisse pas beaucoup de place pour dire comment on la voudrait...

9. Le mardi 15 mars 2005, 12:33 par Talou

Eh bien je trouve que c'est très bien expliqué, et super pédagogique ! Un bon résumé, bravo xave

10. Le lundi 4 avril 2005, 17:02 par Genesis

Salut,

en ce qui concerne l'Europe et le projet de constitution, un pote à moi prof de droit et d'info (mais avant tout juriste) a bien étudié la chose et en a fait une petite synthèse...je me permet de vous mettre un lien vers sont site traitant du problème : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/

@+

11. Le jeudi 12 mai 2005, 14:24 par Gerard Marchand, chef adjoint de cabinet

réponse reçue dans la boite à lettres :

Paris le 21 AVR. 2005

Cher Monsieur,

Le président de la République a bien reçu votre message

Monsieur Jacques CHIRAC m'a chargé de vous en remercier et de vous assurer qu'il en a été pris connaissance avec une particulière attention.

J'en ai saisi le Ministre délégué à l'Industrie, en lui demandant de vous informer de la suite qui pourra lui être réservée.

Je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, l'expression de ma considération distinguée.

Gérard Marchand

12. Le jeudi 16 juin 2005, 16:49 par David

Vive l'Europe... qui nous protege, qui nous donne la richesse, qui est le seul future possible pour nous... pour nous EUROPEEN! Je n'ai rien d'autre à dire... salut à tous... à ceux qui ont voté contre aussi, parce que je respect leur opinion, et, comme il disait un vrai democratic, je suis ici pret à perdre ma vie pour defendre leur droit de opinion. Parce que je suis democratic. Et l'Europe est democratie. Pardonnez-moi si il y a des erreurs dans cette email, mais mon Français ce n'est pas parfait... je suis Européen-italien... salut encore mes freres... vive L'Europe!

13. Le vendredi 15 juillet 2005, 18:23 par Djam

Heureusement, le parlement a fini par voter non, à une assez écrasante et surprenante majorité : 648 voix pour le rejet, 14 contre et 18 abstentions.
Cependant, bien que la commission ait annoncé qu'elle ne présenterait pas de nouveau projet de loi si le texte était refusé, il est nécessaire de garder un oeil sur tout cela.

En effet, si les députés du PPE ont voté non, c'est qu'ils craignaient d'être trop peu nombreux pour faire obstacles à certains des 21 amendements à étudier si le texte était passé.

Au final, ajoute Frédéric Couchet, « ce vote - arrange les deux parties, car la situation actuelle est meilleure qu’une mauvaise directive ». Les pro-brevets craignaient que les amendements restreignent le champ de brevétisation, les anti redoutaient une porte ouverte vers l’extension de cette pratique. « Le rejet du texte tient au fait que chacun des deux blocs a considéré qu’il valait mieux se passer d’une directive fondée sur le choix de l’autre », interprète de son côté Michel Rocard.

Tiré d'un article de L'humanité

14. Le vendredi 15 juillet 2005, 18:27 par Djam

Jamais vu une adresse comme celle-ci ;o)

Ca parle encore des brevets, et ce sont les méchants qui avouent essayer de tromper les gentils.

Mais si les méchants étaient gentils, ça se saurait.

Oder ?

15. Le vendredi 2 décembre 2005, 12:22 par Maitresinh

:-) C'est passé inapercu, mais le parlement europeen s'est prononcé contre (la commission et le conseil)la loi des brevets qui est desormais enterrée.

La bataille a été durée, et elle a été menée entre autre par Michel Rocard (un des rares eurodeputés francais a comprendre que les enjeux sont autant et meme + a bruxelle qu'a paris).

Cela signifie beaucoup, car cela montre qu'il y a une democratie parlementaire europeenne qui fonctionne..contre les lobbies et le conseil ( nd : les etats-nations)

Mais bien sur c'est juste le jour ou la france (paris) a perdu les JO...alors bien sur, il fallait vraiment chercher la nouvelle...

C'est vraiement + facile d'effrayer avec les delocalisations en periode de referendum...

16. Le mercredi 4 juillet 2007, 18:07 par OVIDI

VIVE L'EUROPE: ON VA PAS ETRE COMME LES AMERICAINS. ON NE VEUT PAS VIVRE COMME LES CHINOIS. SI ON EST ATACHÉ A L'IDÉE DE L'EUROPE SOCIAL ON PEUT REUSSIR. LA MONDIALISATION EST UN PERIL POUR L'EUROPE SOCIAL. EUROPEEN = EUROPE SOCIAL

La discussion continue ailleurs

1. Le lundi 14 mars 2005, 17:46 par Weblog des presque futurs Bretons

Brevet logiciel : ça passe …

Le Conseil a adopté ce matin une position commune sur la directive sur les brevets logiciels, malgré les demandes de la Pologne, du Danemark et du Portugal de passage en point B (acte sujet à discussion, contrairement aux points A où le Conseil se...

2. Le lundi 14 mars 2005, 18:23 par OpinionZ mais en Blog

Les brevets logiciels sont passés mais il reste une chance

On arrive à la fin de la grande saga très peu glorieuse sur les brevets logiciels, alors un petit résumé s'impose. Les brevets sont passés. MAIS ! Dernière chance, le parlement peut encore demander d'annuler ce vote !

3. Le mercredi 16 mars 2005, 13:01 par Hop Schwyz !'s Blog

Brevets logiciels en Europe : on s'en fout, on est en Suisse...

Hop Schwyz !'s Blog fait une pause de quelques jours. Le temps de faire connaître l'affaire des "Brevets logiciels en Europe". Je ne sais pas dans quelle mesure la Suisse - isolée - peut intervenir dans ce dossier, mais à titre individuel vous

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