Métaphore

Il fait froid dehors

Dernier jour en Capadocce

photo: tunel souterrain Nous n'y sommes pas arrivés : Une fois de plus, la conversation nous a conduit à des heures où toute Julie normalement constituée devrait être au lit (moi, je suis beaucoup plus couche-tard.) Nous arrivons encore une fois bon derniers au petit-déjeuner. Pas de frites aujourd'hui, mais du saucisson cuit, et une fois de plus je me régale.

Aujourd'hui, nous avons prévu de visiter une cité souterraine, mais avant, nous avons quelques courses à faire : j'ai décidé d'acheter un jeu de rami pour ma mère et ce magasin là bas en vend. Nous réussissons une fois de plus à passer la barrière de la langue, le temps ensuite d'aller au supermarché et Julie a décidé qu'un jeu de rami, ça ferait un beau cadeau pour son frère aussi. Retour donc au magasin qui n'a sans doute jamais vendu autant de jeu d'un coup. La barrière de la langue est brutalement devenue beaucoup plus difficile à franchir au moment où Julie a essayé d'obtenir une réduction pour le lot de deux quand même. Mon inquiétude, c'est le poids des sacs au retour : ces jeux en bois massif sont très jolis, mais prennent énormément de place et de poids.

Puis nous nous mettons en route. Nous avons décidé de viser la cité souterraine de Derinkuyu, et ce n'est pas facile : Pour y aller, il faut traverser Nevşehir, la plus grosse ville de Cappadoce, mais les indications routières y sont les mêmes que partout ailleurs : d'un seul coup, on a l'impression que la Belgique bénéficie d'une signalisation d'une qualité hors-normes, c'est dire. Nous nous retrouvons donc à suivre un panneau nous indiquant la bonne direction : c'est tout droit. Alors nous avançons tout droit, puis encore tout droit, puis toujours tout droit, jusqu'à nous retrouver face à un mur. De là, nous retrouvons une route plus importante qui indique la ville que nous cherchons, nous la suivons... et nous nous retrouvons à l'entrée de la ville, là où nous sommes passés tout à l'heure. Bon. Et bien on va retrouver le même panneau et cette fois-ci essayer de voir l'embranchement que nous avons raté :tout droit, tout droit, tout droit ... et le même mur ! J'applique la stratégie B : nous revenons sur nos pas, décidons que le panneau ne dit pas tout droit, mais À gauche et nous nous engageons sur une autre route.

photo: nous sommes en sécurité

Ce n'est pas la première fois que je me retrouve confronté à ce genre de problème : Quand on commence à conduire dans un pays étranger, il faut se glisser dans la peau du conducteur local, perdre ses habitudes et en acquérir de nouvelles. On n'est à l'abri nulle part : j'ai été dépaysé en arrivant en Belgique : il n'y a pas de feu de signalisation miniature à la hauteur de la première voiture , il faut regarder le feu de l'autre côté du carrefour où est repris celui qu'on a à côté de soi. J'ai eu aussi des problèmes en arrivant au Québec, ou ce feu de l'autre côté du carrefour existe aussi, et d'ailleurs, il n'existe parfois que celui là : j'ai failli plus d'une fois m'arrêter en plein milieu d'un carrefour, juste sous le feu.

Mais ce ne sont pas les problèmes les plus difficiles à surmonter : comprendre ici que les priorités vont au plus gros, comprendre qu'une route à deux voix en comporte soudain cinq ou six à un feu rouge[1], comprendre les cycles de feux tricolores différents des nôtres, c'est flagrant, on s'y fait vite. Ce qui est beaucoup plus vicieux, c'est le placement des panneaux qui ressemblent au nôtres : ils ne sont jamais exactement à l'endroit où on s'attendrait à les trouver, j'ai d'ailleurs raté plus d'un embranchement parce que j'aurais mis l'indication juste avant, pas juste après.

photo: escalier sombreIci, il faut être sûr de soi : prendre cette route est un peu un pari, et il nous faudra une vingtaine de kilomètres avant de voir un panneau qui nous confirmera ce choix. Route sans histoire à partir de là jusqu'à l'arrivée à Derinkuyu : un dernier panneau nous indique que la cité souterraine est à gauche, nous tournons à gauche et nous nous trouvons entourés de turcs portant des tas de trucs : nous voilà avec la voiture en plein marché piéton surpeuplé ! Ça n'a l'air de surprendre personne, mais ce n'est pas fait pour me détendre : comment est-ce que je peux espérer passer sans blesser personne ? Ah ben j'y arrive, tiens, et nous roulons encore quelques kilomètres avant de nous rendre compte que décidément non, nous sommes allé trop loin. Demi-tour ! Re-marché ! Re-stress ! Ah ben c'est drôle : le parking est juste avant le marché, nous n'aurions jamais du y entrer.

Extraordinaire : on ne nous fait pas payer la parking, nous pouvons nous diriger vers la cité souterraine, en slalomant entre les vendeurs de cochonneries. On voit que le touriste n'est ici que de passage, il faut lui prendre son argent tout de suite. Pas pour nous, merci, nous devons descendre sous terre. C'est une autre des attractions importantes de la région, lesquelles ont toutes plus ou moins à voir avec la fragilité de la roche locale. Il y a quelque siècles, pour se protéger des attaques, les villageois du coin on creusé dans cette roche toute molle des cités entières en sous-sol, assez grandes pour accueillir des dizaines d'habitants et leurs animaux pendant des jours.

Et effectivement, ils ont du s'abîmer le ongles : c'est grand, c'est profond, c'est plutôt pas mal organisé (puits d'aérations, citernes, écuries, tout qui va bien.) mais tout de même :

  1. On se les caille. Oui, d'accord, nous sommes début janvier et même en été ils conseillent le pull et je suis en chemise, mais tout de même : il caille !
  2. Je me cogne. À mon avis, les cappadociens anciens ne devaient jamais dépasser le mètre cinquante, au mieux. Et pour moi, près d'une quarantaine de centimètres au dessus, c'est fatiguant de se tenir toujours courbé.

Nous avons quand même de la chance : il n'y a pas grand monde. Je ne sais pas comment ça se passe au plus fort de la saison touristique, mais quand un escalier qui ne peux pas laisser passer deux personnes de front est bloqué pendant un quart d'heure par trente coréens qui remontent, comment voulez vous descendre ?

Moins d'une heure après être entrées, nous voilà dehors. Intéressant, mais comme on nous avait prévenu : il y a ici un paquet de cités semblables, mais en voir une, déjà, c'est bien, et ce n'est pas la peine d'y retourner tous les quinze jours. Le temps de slalomer une fois de plus entre les marchands de trucs trop chers et nous voilà repartis. Malgré une visite de supermarché en repassant à Nevşehir, la journée est loin d'être terminée lorsque nous arrivons à la pension. Que faire ? Les sacs pardi : demain nous rendons la voiture, il est donc temps de replier convenablement le linge sale qui s'accumulait dans le coffre pour essayer de refermer le sac qui retournera demain sur notre dos, y caser les jeu de rami serait un plus, déjà qu'avec toutes ces oranges qu'il nous reste, nous sommes bien alourdis.

Une fois réglée cette formalité (avec beaucoup de sang, de sueur et de larmes) nous descendons à la cave pour un dernier thé avec Nadine, qui repart ce soir, et discuter encore une fois sans voir passer le temps... Au programme de la discussion cet après-midi, mort, croyances et religion, sujets sur lesquels nous avons tous les trois des opinions assez similaires. J'ai aimé ces discussions parce que trouver d'autres personnes qui mettent d'autres mots sur les mêmes idées, ça permet de cerner un peu mieux pas mal de choses, et de faire de l'ordre dans des pensées parfois un peu décousues. Et puis aussi parce que j'aime bien écouter Julie, à chaque fois que je l'écoute, je vais vous dire : je m'aperçois que vraiment, vraiment, j'ai de la chance...

photo: on bouquine

Il est temps ensuite de souhaiter bon retour à Nadine, qui sera en France demain soir. Julie et moi, nous allons tester les différents supermarchés d'Avanos afin de trouver de quoi faire un dernier pique-nique dans la chambre ; Ce soir, ce sera feuilles de vignes farcis. Et puis nous rangeons les derniers sacs et Julie se couche assez tôt, je bouquine un certain temps, puis je m'y mets aussi.

Notes

[1] Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : Le turcs ne conduisent pas mal : ils conduisent différemment. Il est dans leur façon de conduire des comportements que nous attribuons aux mauvais conducteurs, mais quand tout le monde s'y conforme, c'est juste une habitude à prendre, et le mauvais conducteur, c'est le touriste qui persiste à conduire comme chez lui et qui provoque des problèmes parce que son comportement sur la route est imprévisible pour les autres. Par ailleurs, conduire en Turquie est réellement reposant par rapport à la conduite en Jordanie, mais ici comme là bas, on retrouve beaucoup de bidouilles (boah, j'essaie de passer, on verra bien...) mais jamais cet esprit conquérant, maître de la route, et plus intelligent que les autres qu'on a chez nous. Ici, on zigzague, mais on est courtois, la route n'a qu'une seule voix, mais on peut passer à deux de front s'il s'agit de laisser passer le conducteur du véhicule qui va plus vite que nous. Rester bloqué sur la bande de gauche est absolument inimaginable.

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