Métaphore

Il fait froid dehors

Des nuages

Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
Michel Audiard

About clouds

Il y a une petite phrase qui tourne beaucoup sur le Linternet ces derniers jours et qui dit You never know how strong you are until being strong is your only option. Bon, d'accord, on est dans la même cour de philosophie d'arrière-magasin que le fameux "ce qui ne vous tue pas, etc." mais en tant que fragile qui a vu un ou deux murs de très près, ça me parle un petit peu : j'ai traversé des situations qui, si elles m'avaient été présentées de manière hypothétique, m'auraient semblé insurmontables. Et dans la vraie vie, j'ai fait Terminator : tu crois qu'il est mort, mais en vrai, à l'arrière-plan, tu vois sa silhouette émerger des flammes.

Et là, effectivement, tu te retrouves en face de tas de gens qui te disent ouah, t'es fort, je ne sais pas comment tu as fait, je n'aurais jamais pu... Oui, ben j'aurais jamais pu non plus, banane, si tu m'avais demandé, mais je pouvais faire quoi d'autre que me relever ? Rester par terre à se lamenter parce que c'est le plus facile ? Mais ce n'est même pas vrai : on se fait chier. Alors tu te relèves et les gens t'admirent, ce qui est encourageant, au début, et devient vite super lourd quand tu commences à avoir l'impression qu'on te résume à ça, alors tu apprends juste à ne pas en parler.

N'empêche que si vous regardez bien le Terminator, il a un peu une sale gueule, en sortant des flammes. Si, si, je vous jure, ça abime. Ce qui ne tue pas te laisse des grosses cicatrices, oui. Et des fêlures qui vibrent pour un oui ou pour un non : tu étais un gars/une fille genre normal, tu étais dégoûté quand ton équipe perdait/tu étais toute émue quand l'héroïne devait dire adieu à l'amour de sa vie, quelqu'un, donc, de normal. Et voilà que d'un seul coup, tu pleures en regardant un nuage ou en écoutant une chanson, et tu sais que les gens ne vont pas comprendre ces larmes-là alors tu les caches, tu te refais ton sourire de gueule cassée, et tu continues à être fort dans le regard des autres, et ça te gonfle ; ils n'ont pas autre chose à foutre ? Parce que quand-même, il y a les nuages, merde !

Parce que quand-même, au fond, tu as compris que l'important, c'est d'être en vie. Finalement, le plus juste, c'est de dire que ce qui ne te tue pas te rappelle l'importance des nuages.


Ce billet mal écrit à la va-vite[1] est une réaction -qui ne tenait pas en commentaire- à celui de la Fille aux Craies et à celui de la Bouseuse. Où tu te rends compte que les fêlures, tu ne les porte pas forcément en étendard, mais des fois, quand tu ne sais pas pourquoi tu aimes bien quelqu'un, c'est que les siennes et les tiennes ont des fréquences de résonance proches l'une de l'autre.

photo: un bout de jungle de Malaisie, Décembre 2010. (série en cours.)

Notes

[1] Et en contradiction avec le précédent, mais quand ça sort tout seul, que voulez-vous faire ?

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Commentaires

1. Par [SiMON], le 01/02/2011 à 11:44

"J'aime."

2. Par mirovinben, le 01/02/2011 à 13:54

Je suis d'accord avec toi. On fait ce qu'on peut au fur et à mesure que l'on rencontre des obstacles. Si on connaissait d'avance le parcours, suis pas sûr du tout qu'on l'entreprendrait. Face à certains pépins perso, c'est mon robuste égoïsme qui m'a été salutaire. Pas glorieux mais efficace.

Sinon, pour la citation en début de billet, je l'adore...évidemment. Je ne suis pas sûr qu'elle soit de Michel Audiard mais il en aurait été digne. J'ai cru à une époque qu'elle était du père de San Antonio. Il semblerai qu'elle soit d'un certain Claude Henrion ou de Edouard Henrion. De toute façon, on s'en fout. Elle est excellente en l'état.

C'était ma minute de pédanterie.

3. Par xave, le 01/02/2011 à 14:16

À mon avis tu te trompes : ce n'est pas l'égoïsme qui aide à traverser certaines épreuves, c'est l'égo. C'est totalement différent.

4. Par Ophélie, le 02/02/2011 à 16:04

J'ai la même phrase dans une version un peu différente, depuis des années sur le mur devant moi.
« Bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière »
Alors, ah oui... ah oui....

Elle est de Michel Audiard mais comme ça:
« Bienvenue les fêlés car ils laissent passer ma lumière »

5. Par mirovinben, le 03/02/2011 à 07:29

"Bienheureux les fêlés car ils laissent passer la lumière" est en sous-titre de mon site depuis août 2005 et de mon blog depuis sa création il y a 4 ans.

6. Par xave, le 03/02/2011 à 09:53

Mirovinben, tu vois ce que c'est que de piocher dans le domaine public. :)

7. Par zelda, le 03/02/2011 à 16:30

(et des pâquerettes)

Merci d'avoir écrit ça.

C'est drôle, la phrase "Tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort", je la déteste, je la trouve fausse et ravageuse. Alors que "You never know how strong you are until being strong is your only option", je l'aime presque bien, elle n'a pas du tout le même écho en moi.

Bref.

Merci. J'aime quand tu écris sur toi.

8. Par Marie-Aude, le 13/02/2011 à 01:21

En fait c'est sans doute ça "mûrir", mettre des agrafes sur ses fêlures, comme on réparait les vases de porcelaine autrefois, et continuer , effectivement parce qu'on n'a pas le choix.
Parfois aussi on choisit. C'est rare.
Mais je suis d'accord, on n'est pas fort.... on est juste "encore là".

9. Par anne, le 11/08/2013 à 11:40

Merci, c'est tout à fait cela...

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