Métaphore

Il fait froid dehors

La multiplication des pains

Il m’arrive de jouer du piano, ça donne quelque-chose comme ça (avec du McCartney dedans pour Ophélie si elle passe dans le coin, ainsi qu’un morceau dont il fut question il y a loin dans mes commentaires, inclus ici pour faire sourire une amie) :

(ici, normalement, il y a une vidéo. rendez-vous sur le site pour la voir.)

Alors entendons-nous : pour le coup, c’est du brut de décoffrage, je n’avais pas révisé les morceaux (c’est flagrant sur le Higelin), ça n’avait pas prétention à être publié. Voilà pourquoi on retrouve un tas de fausses notes, d’approximations rythmiques et d’hésitations. C’est qu’après une ou deux discussions sur le sujet, je voulais montrer comment je joue : approximativement.

Ce petit montage vite fait a été fait après une soirée à jouer en filmant quelques morceaux avec un petit appareil photo, histoire de voir à quoi ça ressemble en tant que spectateur. Aucun narcissisme là dedans, c’est juste que j’ai toujours été fasciné par les mains des musiciens, et depuis que je joue, il m’arrive régulièrement de le faire devant un miroir, simplement parce que de tous les musiciens que je connais , il n’y en a aucun qui a la patience de me laisser vraiment regarder ses mains en rejouant vingt-sept fois le même morceau.

Faire ça avec une caméra n’est qu’une façon différente de faire la même chose, mais ça amène une distance étrange ; je me retrouve réellement spectateur, il n’y a plus de lien direct avec mon cerveau et cette déconnexion me fait découvrir certaines choses, qui tiennent de l’automatisme et me sont du coup totalement invisibles lorsque je suis en train de jouer. Par exemple, j’ai été surpris par la dextérité de ma main droite, relative, certes, mais meilleure que ce que je croyais. J’étais par contre parfaitement au courant pour le côté bûche engourdie de ma main gauche. Parce que, quand je joue, je n’ai qu’une seule chose à l’esprit : tout ce que je n’arrive pas à faire : je voudrais faire une trille ; je n’ai pas les doigts assez rapides. Je voudrais plaquer un accord trop classe ; je fais une bête triade I-III-V. Je voudrais jouer une vraie ligne de basse ; je fais des fondamentales.

L’impro qui commence le montage d’au dessus est un exemple parfait de cette différence : quand j’ai regardé ça, je ne comprenais pas trop ce que faisait ma main droite et je me suis fait la réflexion que si je voyais quelqu’un jouer comme ça, je m’imaginerais totalement incapable de faire la même chose. Alors que quand je l’ai joué, je n’ai pratiquement pas fait attention à cette main droite qui jouait de façon presque automatique alors que je ne voyais que ma main gauche et le mal que j’avais à la contraindre à cette ligne de basse sans imagination. Je vivais un peu la même chose en réécoutant des concerts de mon groupe : j’avais joué en étant frustré par mes limites et ce n’est qu’à l’écoute que je découvrais ce que je savais faire.

Voilà sans doute pourquoi le bon maître Gru m’a un jour arrêté alors que nous parlions piano et que je déplorais mon faible niveau. Oui, sauf que lui-même, justement, ne m’a jamais rien dit d’autre que sa frustration de ne pas savoir jouer correctement alors qu’à chaque fois que je le vois poser les mains sur le clavier, j’ai envie de le frapper pour extérioriser ma jalousie.

En plus large, comme je connais au moins un auteur, un photographe et une dessinatrice dont les talents m’agacent et qui sont régulièrement persuadés de faire de la merde, je me dis que ce principe d’être tellement obnubilé par ses limites qu’on en devient inconscient de son niveau (et surtout de l’évolution de celui-ci) n’est vraiment pas limité à la musique[1].

Notes

[1] Je parle du principe et uniquement du principe, je n’insinue pas un seul instant que je pourrais avoir en musique (que je pratique en complet dilettante) un niveau comparable à celui de ces trois énergumènes là dans leurs domaines respectifs. (Surtout qu’il y en a une, dans les énergumènes en question, qui est bien meilleure que moi aussi dans le domaine de la musique.)

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Commentaires

1. Par Emma, le 22/11/2009 à 15:16

:-)
(sauf que là, tu m'as faite pleurer, animal... :-) )

(Et juste une question : dans le deuxième arpège de la main gauche de la chanson en question, je n'entends pas si-LA-do#-ré, mais plutôt si-FA#-do#-ré (mais j'ai pas de piano pour vérifier ce que me dit mon oreille :-) ). Ton interprétation est un choix de réarrangement ou c'est moi qui perds la boule ? )

2. Par Emma, le 22/11/2009 à 15:21

(Je perds au moins la boule sur les participes passés : tu m'as fait pleurer. Je me goure tout le temps...)

3. Par xave, le 22/11/2009 à 15:25

Ah oui, ça se tient. Quand je te disais que j'entendais les harmonies plutôt que les notes...

4. Par LeChieur, le 22/11/2009 à 15:43

Ah mais merde ! Me voilà convoqué au poste alors que j'ai rien fait, c'est injuste... Et me coller dans le même sac que les deux autres larrons talentueux, là, c'est me faire beaucoup trop d'honneur. L'amitié t'aveugle, camarade.

Et sinon, je ne sais pas lequel est en si-LA-do#-ré (j'ai des tympans en kevlar), mais merci pour le tout dernier extrait.

5. Par xave, le 22/11/2009 à 15:45

Merci d'appuyer ma démonstration.

6. Par LeChieur, le 22/11/2009 à 15:59

J'appuie surtout la démonstration que je suis complètement abruti : je viens de voir les italiques de ton premier paragraphe et de connecter avec le premier commentaire d'Emma... Donc, je reprends : pas merci pour le dernier extrait (puisqu'il constituait un clin d'œil), mais ça m'a quand même vachement fait plaisir de l'entendre.

7. Par LeChieur, le 22/11/2009 à 16:02

(Oh putaiiiin... On ne devrait jamais laisser tourner Spotify en faisant autre chose : voilà que retentit dans mon bureau la reprise de Lara Fabian... )

8. Par xave, le 22/11/2009 à 16:13

Tenez, j'ai une version sur un piano bio aussi :

(ici, normalement, il y a une vidéo. rendez-vous sur le site pour la voir.)

9. Par Gru, le 22/11/2009 à 16:57

On peut le voir comme une espèce d'insatisfaction permanente, qui à mon sens est une chose constructive (Nietzsche, tout ça) mais qu'il faut savoir éteindre de temps en temps histoire de profiter quand même (je veux dire, tu prends plaisir à jouer et ça suffit, quoique tu joues)

Ou on peut le voir comme une autoflagellation qui fait trop plaisir quand les gens vous disent "meuh non, t'es ultra balèze".

(Je parle aussi pour moi, ta ligne à mon égard m'a fait trop plaisir :) )

Je pense pas qu'une raison ci dessus soit plus noble qu'une autre, il faut juste faire la séparation entre cerveau et tripes : ton cerveau voit des gens ultra balèze et te trouve minable à coté, mais tes tripes s'en foutent royalement, sinon, tu ferais pas de piano, moi non plus, et pis j'arrêterais de dessiner aussi.

Et ça c'est ultra contre productif.

Et sur ton blog, tu es souvent dans la tripe, tu parles de toi aussi dans tes faiblesses, sans forcément t'autoflageller.

Alors qu'est ce qui te pousse à faire un disclaimer à chaque fois? Tu es fier de ce que tu fais, sinon tu le montrerais pas. Tu en es fier non pas parce que c'est rationnellement balèze, mais parce que tu as pris du plaisir à le faire. Je veux dire, on le sait que t'es pas Michel Camillo, Herbie Hancock ou Jean-Sébastien Bach. On s'en fout.

Bon je m'égard, je sais plus trop ou je voulais en venir. Mais essaye de séparer les deux, tripes et cervelles. Y'a toi qui joue, et y'a toi qui travaille ton piano. Les grandes réflexions sur ton art, la création, tes limites techniques et toute cette sortes de choses ne sont pas là quand tu joues. elles sont là avant, après, mais pas pendant.

Si je dis tout ça c'est parce que j'ai envie de voir un billet ou y'a juste une vidéo. Parce que t'avais envie de partager le plaisir et la fierté que tu en retire. Laisse les interrogations pour un billet séparé. Là, j'arrive pas à profiter de ce que tu fais parce que tu es en voix off écrite à dire "pfff nan mais c'est de la merde écoutes pas". Laisse moi ressentir ce que je veux, on pourra argumenter après sur l'opinion que je pourrais m'en faire.

Faut pas y voir un reproche hein, c'est parce que je t'aime bien que je te dis tout ça et que je passe une demie heure à rédiger un commentaire de trois kilomètres de long.

Bon, j'espère que j'ai été plus ou moins clair, on pourras en reparler avec des bières. (rime)

10. Par xave, le 22/11/2009 à 17:28

T'as presque tout bon. Juste quand même deux choses : d'abord, ici, ce n'est pas un disclaimer : c'est le sujet du billet. (D'accord, ça dépend peut-être de là où on se place.) Ensuite, si, je t'assure, c'est là aussi quand je joue.

(et j'avais failli ajouter un paragraphe pour dire que ce billet n'était pas un appel au "mais siiiii, tu joues bieeeeen, roh." :p)

11. Par PT, le 22/11/2009 à 17:33

Mais, mais ça ne te dérange pas de faire tes amies pleurer ?

(et remarque à la con, sans doute : l'impression que si ta main droite a l'air plus rapide, c'est qu'elle est plus loin de l'objectif, et du coup plus en flous de mouvement... Non ?)

12. Par xave, le 22/11/2009 à 17:37

Non, non, la main gauche est une bûche. Mais j'y travaille, j'y travaille. Et je t'avoue avoir pensé effectivement que j'aurais dû placer la caméra de l'autre côté, justement pour équilibrer en jouant sur cette effet de main lointaine qui a l'air plus rapide.

13. Par LeChieur, le 22/11/2009 à 18:59

Bon, OK, voilà le programme : je viens à Bruxelles, on boit des tas de bières, tu me joues Brel avec ta bûche sur ton piano OGM (sauf si tu as envie de te taper le déménagement du piano bio avant, mais bon...), je pleure (Brel, la bière), du coup tu le rejoues parce que c'est carrément en phase, je repleure, on reboit des bières, ad lib.

14. Par xave, le 22/11/2009 à 19:19

Moi ça me va (enfin, note que je ne suis pas sûr de la qualité de ma prestation musicale après avoir bu des tas de bières.) Je t'attends pour quand ?

15. Par LeChieur, le 22/11/2009 à 21:34

Pour les vacances de Noël si tu veux. Mais on boit des bières et on pleure (sans piano) une quinzaine de jours avant, il me semble.

16. Par xave, le 23/11/2009 à 00:38

T'as raison, Bruxelles est belle à Noël. Pour dans quinze jours, je peux essayer de ramener un accordéon, mais ça ne sera pas pareil.

17. Par Franck, le 23/11/2009 à 07:53

C'est étrange de dire Bruxelles au féminin, ça modifie la perception que j'en ai du coup, je n'y avais jamais pensé comme ça.

18. Par xave, le 23/11/2009 à 07:57

Franck, il y a des trous dans ta culture. (c'est par ailleurs assez courant de féminiser une ville.)

19. Par LeChieur, le 23/11/2009 à 09:20

Uh uh, j'avais pas vu le lien dans le commentaire de Xave, je m'apprêtais à poster ça : http://www.deezer.com/listen-225416...

20. Par lili violette, le 23/11/2009 à 11:28

ouh alors, ce débat, je n'ai rien à en dire, je comprends très bien ce que tu veux dire xave, et tous tes copains en rajoutent et en font la démonstration en faisant exactement ce que tu racontes dans leurs commentaires, c'est assez rigolo.

Bon, sinon, moi, je veux juste donner des leçons:

"c'est par ailleurs assez courant de féminiser une ville". En fait, c'est pas qu'un effet de style, c'est qu'en français, on dit qu'une ville qui se termine par un -e muet est au féminin.
Voilà, bon, je deviens de moins en moins intéressante, alors que les autres sont si talentueux, spirituels et pertinents, je déteste mes commentaires, je devrais arrêter... ah ah, je rigole: je m'adore et je méprise les autres.

21. Par xave, le 23/11/2009 à 11:50

Ah ben au moins, toi, tu ne changes pas. :)

22. Par Ophélie, le 27/11/2009 à 16:57

oui oui, je suis là. Je passe toujours dans le coin, même si virtuellement je dois traverser l'Atlantique. Je suis touchée de voir que tu as pensé à moi.
J'aime aussi Lennon et Harrison et bien, bien d'autres encore.
Quant aux mains, elles expriment, pour moi, toute la fragilité et le désir, la sensibilité, bon je vais pas continuer comme ça, mais bref ça me touche beaucoup de les voir, de voir les doigts bouger.

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