Métaphore

Il fait froid dehors

Bordel dans ma tête

Où l'on essaie de comprendre ce qui se passe dans mon cerveau défectueux. Et où je cherche à être quelqu'un de bien.

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Le plus important, c'est d'être pas mort

Ceci est donc devenu l’endroit où je viens poser quelques mots, une fois tous les quelques mois, pour vous rassurer sur le fait qu’il me reste quelque vie. Je n’ose pas tellement laisser passer un anniversaire sans vous tenir un peu au courant (oui, ce blog a aujourd’hui 21 ans !)

Quelles sont donc les nouvelles ? Il y en a peu : je ne suis pas vraiment sorti du confinement, là où je bosse, on préfère ne pas prendre de risques, et pour le moment, on en est à “si vous devez absolument venir travailler sur place, vous pouvez, mais on doit s’organiser pour qu’il n’y ai pas trop de personnes en même temps. Donc dans la mesure du possible, continuez à privilégier le télétravail.” Je suis donc chez moi depuis mi-mars, j’ai deux sorties à mon actif sur les quinze derniers jours. Ceci mis à part, je ne mets le nez dehors que pour aller au ravitaillement.

Et vous savez quoi ? Je fais partie des gens qui le vivent très bien (ce qui n’étonne pas grand monde). Ne pas avoir à socialiser, ne pas entendre le son de ma voix pendant plusieurs semaines, c’est extrêmement reposant pour moi. Je conçois que ça puisse être difficile pour certains, mais je ne fais pas partie de ces certains. Le bon timing, pour moi, ça a été que mon coloc déménage une semaine avant le confinement. Non pas que la colocation se soit mal passée, elle m’a apporté beaucoup de choses et je suis heureux que ça se soit fait, mais même avec vingt ans d’amitié, la cohabitation 24h/24 dans un petit appartement aurait sans doute mis nos nerfs à rude épreuve, et la séparation juste avant qu’on manque d’air pour respirer l’un est l’autre était la meilleure chose qui puisse nous arriver pour les vingts ans d’amitié à venir.

J’ai énormément apprécié pendant un peu plus d’une année d’avoir un colocataire qui s’occupait beaucoup de la vie quotidienne et de certaines démarches, j’en avais besoin pour trouver un peu le temps de me poser de nouveau après les dernières épreuves. Tout comme j’avais aussi besoin de ce temps passé seul après ces mois passés à n’avoir d’autre énergie sociale que celle que je devais déployer parce que je vivais avec quelqu’un. Peut-être que dans pas longtemps, je serai prêt à me lancer dans d’autres aventures, ça risque d’être drôle.

Voilà où j’en suis. Est-ce que je vais bien ? Je ne sais pas, je sens bien que la dépression ne s’est pas forcément encore beaucoup éloignée : la tristesse est rarement présente au quotidien, l’ennui m’ennuie rarement, et j’ai dépassé le stade de la dépréciation personnelle permanente : je suis plutôt bien dans mes pompes. C’est plutôt positif, mais l’absence d’envie et d’espoir en l’avenir me font bien comprendre que tout n’est pas encore gagné. Disons que j’utilise cette compréhension pour essayer de me convaincre qu’il ne s’agit peut-être pas d’un état structurel, mais bien d’une dépression qui, c’est normal, met du temps à guérir.

Je ne suis pas contre l’idée de m’amuser. Et ça, c’est bien.

T'as pas peur ?

Gestalt

Malgré mon coté nerd, je ne veux pas tomber dans les clichés. Un jour, pourtant, sans le faire exprès, je suis devenu fan de Star Trek (je regardais les soirées VO de Canal Jimmy et ça passait après Friends). Il y a quelques épisodes de Deep Space 9, ma série favorite de cet univers-là, qui parlent d’un groupe de personnes qui ont subi une manipulation génétique pour augmenter leurs capacités intellectuelles, laquelle ne s’est pas déroulée comme prévu. Résultat : des gens trop fantasques/névrosés/intelligents pour vivre en société.

Deserted

Dans l’un des épisodes où ils apparaissent, on leur fait analyser la vidéo d’une négociation de traité de paix. Réaction immédiate de leur part : ils veulent récupérer le système Machin. Étonnement de leur entourage : comment vous savez ça ? Ça n’a rien d’un zone stratégique et il n’en a pas été question une seule seconde. Réponse des cinglés : parce qu’ils évitent de regarder la carte à cet endroit-là.

Je n’ai pas été génétiquement modifié, et si je suis peut-être un peu particulier, quelques ajustements et une bonne connaissance de mon mode de fonctionnement me permettent d’arriver cependant plutôt correctement à vivre en société. Par contre, cette capacité à lire dans les blancs, ça me parle pas mal.

Distiller l’ennui

Road to nothing but a tombstone

Lorsqu’on souffre du syndrome d’Asperger, un des -si ce n’est le- domaines le plus atteints, c’est tout ce qui touche aux relations sociales : difficulté à les initier, difficulté à les maintenir. Malheureusement, contrairement à ce que certains imaginent, ce n’est pas par haine des autres. Au contraire : malgré le besoin de passer du temps seul pour recharger les batteries, comme tout être humain, l’absence de contact avec les autres nous dessèche. Personnellement, j’aime les gens, mais je suis incapable d’aller vers eux. Il n’existe à peu près qu’une seule façon pour moi de rencontrer quelqu’un : il faut que ça vienne de l’autre, que l’autre voit quelque-chose qui l’intéresse à travers de ce mur que je construis moi-même et que ce soit lui qui fasse un effort pour venir vers moi.

La lenteur, le dictionnaire et les échecs.

gardien de Death Valley

En y réfléchissant bien, je crois qu’on peur ramener beaucoup de choses à un problème de lenteur de gestion des entrée et sorties (je cause geek si je veux). La situation qui ne m’est pas familière me panique parce que sans mon petit dictionnaire, je ne suis pas perdu, non, je ne suis simplement pas sûr de savoir réagir assez vite.

Mon petit dictionnaire, c’est une liste de “comment réagir à telle situation”, ou de “quand cette personne en particulier bouge ce muscle de la joue comme ça, ça veut dire qu’il ressent ça”. Quand je me retrouve en face de quelque-chose qui n’est pas dans le dictionnaire que je me suis confectionné, la machine se grippe.

Difficulté d'exprimer mon point de vue

Long is the road

J’aimerais bien commencer à parler de comment ça se passe dans ma tête, parce que vous êtes peut-être curieux de ça, vous vous demandez peut-être en quoi consiste la différence. J’ai bien peur que ça soit la partie la plus difficile.

C’est très difficile pour plusieurs raisons. Par exemple, parce que si je voulais vous décrire ce qu’il y a de différent entre le mode fonctionnement d’un autiste Asperger et d’un neurotypique, il faudrait que j’ai une idée claire de comment fonctionne un cerveau de neurotypique, et je n’ai pas. Il parait que les autistes ont des déficiences en “théorie de l’esprit”, ce qui permet de comprendre ce qui se passe dans la tête des autres. C’est un concept avec lequel je me bats encore pour le moment.

"... but it's a gift."

Temps désertique à nuageux en fin d'après-midi

Asperger, donc ; Trouble du Spectre Autistique. C’est de l’autisme, donc oui, bien sûr, c’est un handicap. En tant que tel, ça peut parfois être très lourd à porter, pour celui ou celle qui en est atteint comme pour les proches. Mais ne voir que les côtés négatifs, si vous me pardonnez l’expression, ça casse un peu les couilles.

C'est quoi ce truc, dans ma tête ?

Long is the road

Bon, sinon, le syndrome d’Asperger, c’est quoi ? De manière amusante, pour beaucoup de gens atteints, ce n’est pas un handicap, c’est une différence, mais un différence handicapante.

En termes de ressenti général, quand on est concerné, c’est un problème de compréhension du monde. J’allais dire qu’on ne se sent pas étranger, mais en réalité si, c’est exactement ça : on a l’impression d’être dans un pays étranger en permanence. Un pays sur lequel on s’est beaucoup documenté, qu’on finit par connaître bien, mais dont la langue et la culture ne sont pas les nôtres, où on se sent toujours à deux doigts de l’incident diplomatique qu’on déclencherait parce qu’on a mal interprété une parole ou parce qu’on a raté une référence culturelle implicite. Il n’est pas étonnant qu’une compréhension immédiate se soit instaurée lorsqu’est entrée dans ma vie quelqu’un qui était déracinée et se retrouvait naviguer dans une culture et une langue qui n’était pas la sienne : nos expériences étaient similaires sur ce plan.

Earthly heaven

My own little corner of earthly heaven

All the pieces fall into place
When we walk these fields
And I reach out to touch your face
This earthly heaven is enough for me

David Gilmour

Je l’ai dit : le spectre autistique, c’est (roulements de tambour) un spectre. Du coup, les contours sont flous et le diagnostic est moins facile que pour, mettons, une grossesse au huitième mois. Pour y arriver, il faut s’entourer des bons interlocuteurs, ce qui n’est pas évident pour plusieurs raisons.

Doublement exceptionnel

Who's there?

Je vous demande un peu de mansuétude, parce que je vais dire des gros mots. Non, pas des gros mots, disons un seul, et même pas tellement un gros mot d’ailleurs, simplement il est très connoté et devrait amener dans votre esprit tout un tas d’images. Fausses.

Coming-out

Chain of Rocks

Je m’appelle Xavier et je suis autiste.

Ça paraît étonnant, comme ça, quand on me connaît. D’ailleurs, plus on me connaît, plus ça paraît étonnant. À vrai dire, je ne vous en voudrais pas d’avoir du mal à le croire : vous ne seriez pas les premiers, même parmi les bien informés ; pour vous dire, j’ai eu moi-même du mal à l’admettre. Aujourd’hui, ça va. J’ai un mot du docteur. Des docteurs. D’un certain nombre de docteurs.

tout nu

[il] éprouve une nécessité quasi-vitale de contrôler et de maîtriser son environnement.
Comparable à une tour de contrôle, il doit être constamment à l’affût de la moindre variation de l’environnement pour ne pas se laisser surprendre, pour que rien n’échappe à son analyse. Son état d’hypervigilance est constant. Il veut tout connaître par avance, ne peut cheminer sans savoir ce qu’il y aura derrière le virage. Ce qu’il ignore lui fait peur.

Le besoin de précision absolue sur tout et tout le temps le pousse à la recherche constante de l’exactitude. Aucun flou ne peut être toléré. Chaque mot employé doit être précis, chaque idée doit être clairement définie. […] Il ne peut penser, se représenter les faits, les choses, les situations, s’il n’en maîtrise pas le moindre détail. Il ne s’agit ni d’opposition, ni de manifestation conflictuelle, mais d’une nécessité absolue.

L’intolérance à la frustration correspond toujours à une fragilité émotionnelle. Ne pas pouvoir tolérer qu’un plaisir, qu’une satisfaction soit différé correspond à une incapacité à gérer le doute et l’incertitude.. La distance entre l’envie (de quelque-chose) et la satisfaction (l’obtention de ce quelque-chose) est un temps dans lequel tout est possible, tout peut arriver. Et ce qui arrive surtout dans ce temps, c’est de la pensée.

L’absence de relâchement, la tendance psychopathe au classement et à l’archivage, et bien entendu, les fameuses promesses non tenues. Ça fait bizarre quand une psy est capable de te mettre à nu comme ça. Encore plus quand elle ne t’a jamais rencontré et que tu trouves des trucs pareils dans un bouquin.

C’est bien. On gère mieux un problème posé clairement.

Bienvenue dans le troupeau

Donc, au bout de 37 ans et demi d’errements, je sais enfin pourquoi je fatigue tout le monde, pourquoi je déprécie tout ce que je fais, pourquoi on m’appelait — avec énormément de mépris — “monsieur Je-sais-tout” à dix ans, pourquoi je me suis éteint à douze ans, pourquoi je doute de tout tout le temps (et surtout de moi), pourquoi il arrive trop souvent que je ne comprenne pas tout ce qu’on me dit, pourquoi je suis incapable d’expliquer des choses simples aux gens, pourquoi je veux toujours aller au bout des choses (au bout des polémiques, aussi), pourquoi j’ai cette inaptitude à la concentration qui frôle la pathologie lourde, etc. En un mot, pourquoi je suis aussi chiant.
Nonal/LeChieur - Une histoire d’acide aminé.

Et moi, je sais pourquoi nous sommes amis.

Mais c’est vrai qu’il est chiant.

Confirmation du corps médical

Comprend qui peut : Les zébrures ne font aucun doute. C'est officiel : je vis plus fort.

On va pouvoir passer à la suite.

noir et blanc

It's a blessing... and a curse.
Monk

Est-ce que je peux parler d'instabilité mentale ?

Est-ce que c'est l'endroit ? Est-ce que c'est de l'impudeur, de l'indécence ?

Est-ce que je la ramène ? Est-ce que je fais l'intéressant ?

Le moteur tourne à fond alors que l'embrayage est enfoncé, et les petites pilules me font de l'œil. À d'autres moments le bonheur d'être est presque brûlant.

Il m'est fascinant de sentir à quel point je dois relativiser l'importance de certains sujets. Particulièrement ceux sur lesquels je me suis ici étalé par rapport à d'autres dont je me sens incapable de parler en public parce qu'ils me sont trop intimes.

Tout ça n'est guère linéaire.

C'est drôle...

C'est drôle comme, encore maintenant, à chaque avancée significative correspond un déchirement quand une partie de moi veut revenir en arrière, quand le cerveau reptilien tire sur sa laisse en refusant d'avancer.

C'est drôle comme je peux aller mieux et pourtant être impuissant devant les bouffées de rage, de haine ou de déception qui viennent encore me frapper parfois.

C'est drôle comme la force à laquelle arrivent ces sentiments là ne m'empêche pas de les observer de loin, comme des animaux étrangers.

C'est drôle comme la route est longue...

Motto #3 : Il est inutile de s'énerver

Il y a dix ans, lors d'une démarche administrative, j'avais vu scotchée sur un comptoir, attribuée au Dalaï Lama, la citation suivante :

Si vous êtes confronté à un problème grave, réfléchissez-y sérieusement. S'il y a une solution, il est inutile de s'énerver. S'il n'y en a pas, c'est d'ailleurs tout aussi inutile.

Motto #2 : Devenir meilleur

Il m'arrive de regarder la télévision, voire de regarder n'importe quoi à la télévision. C'est ainsi qu'il y a quelques années, j'ai vu As Good as its Gets, une comédie romantique avec Helen Hunt (pour laquelle j'avais un fort faible à l'époque, elle me rappelait furieusement une de mes ex) et Jack Nicholson. Je vous fait le pitch vite fait : un auteur célèbre mais totalement antipathique, névrosé et bourré de TOC en tous genres tombe un jour amoureux de la serveuse du resto où il s'assied tous les jours à la même table pour manger le même repas avec les mêmes couverts. Évidemment, ça amène pléthore de scènes plus ou moins drôles et à la fin ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. un film sympathique mais bon, sans plus.

Motto #1 : Aimez votre age

Il suffit de parfois pas grand chose pour faire avancer dans la vie. Parmi ces pas grande choses, il y a quelques idées, quelques phrases, ramassées ici et là, qui sont celles que je choisirais de faire encadrer sur ma cheminée, eussé-je une cheminée et l'envie d'y avoir une décoration ringarde.

Pas pareil

Depuis tout petit, j'ai vraiment cette envie -que beaucoup partagent, je pense- de n'être pas tout à fait comme tout le monde. Là où je pousse un peu le truc, c'est que j'essaie de me faire ma petite place à part dans à peu près tout ce que je fais, que ce soit créatif, au boulot, ou simplement humain.

Mettons par exemple que je fasse de la musique : je n'aurais pas pu faire de la guitare : tout le monde joue de la guitare. J'ai donc fait de la basse, ce qui est plus rare. Plus rare, mais ça arrive quand même, donc j'ai évité soigneusement toutes les techniques de jeu modernes que je voyais autour de moi, à la place, j'ai préféré faire des milliers de notes. Ça n'est sans doute pas meilleur, mais au moins ce n'est pas comparable.

D'ailleurs, au cas où quelqu'un se mettrait à faire des choses comparables, finalement je me suis mis aux claviers et aussi à la guitare, au cas où. Et à la guitare, j'ai fait exactement la même chose : j'ai développé un style de jeu que n'effleuraient pas mes petits camarades. Du coup, je vis très bien de ne savoir faire ce que font les autres, puisqu'eux ne savent pas faire ce que je fais.

Au boulot, c'est le même topo : en plus de mes attributions relativement classiques, je suis depuis longtemps le préposé officiel aux trucs bizarres : on ne sait pas comment faire ? On n'a jamais vu ça ? C'est pour ma pomme.

Mais je réussis ça très bien également dans mes relations avec les autres. Les banales d'abord, où je ne veux pas être juste un client N entre le client N-1 et le client N+1, mais où je veux établir un contact humain, je veux qu'on me regarde et je veux déclencher un sourire. Je ne veux pas être un lambda.

et puis les relations plus suivies : J'ai souvenir qu'au lycée, j'étais accepté par un certain nombre de bandes, des premiers de la classe au punks qui fumaient des pétards dans les buissons, avec tous les entre-deux possibles. Pourtant je ne faisais partie d'aucune, et j'aimais beaucoup ce papillonage.

Aujourd'hui je continue sur le même principe : à ma grande honte, j'aime quand une amie me dit qu'elle me passe ce qu'on n'accepterait pas facilement des autres. J'aime quand on me rapporte que des copines disent de moi que je suis chiant, mais qu'elles ne peuvent m'en vouloir, parce que je suis xave. J'aime attirer l'attention en étant le dernier arrivé à des répétitions de théâtre ou celui dont on accepte qu'il refuse les activités de groupe. Et j'aime à penser que si on accepte de moi ce genre de choses, c'est qu'il doit être visible d'une façon ou d'une autre que si, souvent, je me sens différent, jamais je ne me sens supérieur.

Au contraire.

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